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Tour de France : culte puis oubliée, la casquette cycliste se remet en selle

France Télévisions - Rédaction Sport
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Avec ses modèles pensés pour la vie de tous les jours, Vera Cycling réinvente la casquette cycliste. (Laurent Scavone)

Indissociable de l’histoire du cyclisme, la casquette revient sur le devant de la scène depuis plusieurs années.

En 2003, lorsque le port du casque a été imposé au peloton, on a cru la perdre. Mais dix-huit ans plus tard, elle est de retour au premier plan, aussi bien au bord que sur les routes du Tour de France, ou dans les quartiers branchés. Elle, c’est la casquette de cycliste, aussi appelée “gapette”. Et tout le monde en raffole.

Chaque année, je double le chiffre d’affaires”, pose d’entrée Céline Oberlée, graphiste reconvertie dans la création de gapettes originales et sur mesure : “J’ai découvert cet objet lors de sorties en vélo nocturnes, dans Paris. Je suis tombée sous le charme”. Tant et si bien que la jeune femme quitte tout, déménage à Roubaix (Hauts-de-France) et lance son affaire en 2016. Depuis, “Vera cycling” et ses French Gapettes n’en finissent plus de coiffer les mordus de pédale.

À Paris, Gianni “Nino” Marcarini n’a pas attendu le XXIe siècle pour exploiter ce filon : “On ne dit jamais Gapette dans le peloton, c’est un très vieux terme qui a été réhabilité récemment par les cyclistes urbains. Un coureur cycliste dit ‘casquette’, tout simplement”, rectifie d’abord le fils de l’ancien coureur professionnel Gianni Marcarini.

Il ajoute : “Depuis que j’ai 6 ans, je vends des casquettes sur les stands lors de courses. En 1979, mon père m’a lâché au pied de l’Alpe d’Huez avec deux gros sacs, je les vendais en montant petit à petit. Les gens me donnaient à manger, à boire, et je le retrouvais en haut”. Un vendeur historique d’un côté, une graphiste reconvertie de l’autre, mais un même point de vue : la gapette, cette casquette souple propre au vélo, avec une petite visière rabattable, en coton ou polyester, est de retour.

Star des podiums

Historiquement, les cyclistes ont toujours ressenti le besoin de se couvrir la tête depuis James Moore, premier vainqueur d’une course en 1868 (dans le parc de Saint-Cloud, à Paris), qui portait un petit chapeau melon. Mais, il a fallu attendre les années 1950 pour que la casquette, telle qu’on la connaît, voit le jour en Lombardie, dans les mains de la famille Bregalanti.

Aujourd’hui encore, leur usine APIS produit la quasi-totalité des casquettes du peloton, dont le design n’a que très peu évolué en soixante-dix ans. Un véritable empire. “Je me fournis chez eux depuis toujours, ce sont les meilleures casquettes du circuit”, confirme Nino Marcarini, en insistant sur la qualité de leur produit : “Il y a 10 coutures sur une bonne casquette, tout est fait à la main. Ça n'a rien à voir avec les contrefaçons venues d’Asie qu’on subit depuis quelques années. Mes chiffres ont été divisés par quatre à cause de ça”.

Marco Pantani (à gauche) et Miguel Indurain (à droite), avant le départ de la 11e étape du Tour de France 2021 à Bourg d'Oisans, à une époque où la casquette faisait partie intégrante du peloton.  (PATRICK KOVARIK / AFP)

Une concurrence nommée Ali Express, et surtout un nouveau coup sur la casquette pour le secteur, déjà affaibli par le port du casque obligatoire en 2003. “La désuétude de la gapette, c’est aussi à cause des goodies distribués autour des courses. La casquette a perdu de sa valeur en étant donnée gratuitement. Je me bats contre le fait que ce n’est qu’un goodie, une gapette c’est un vrai vêtement”, clame Céline Oberlé, bien décidée à remettre au goût du jour cet objet culte. Cela tombe bien : depuis une dizaine d’années, la casquette a de nouveau la cote. Y compris dans le peloton.

Du haut de ses 45 ans d’expérience dans le milieu, Nino Marcarini explique : “La clé de ce succès, c’est que grâce aux casquettes, on voit les visages des coureurs, on les identifie, ça change tout. Avant, avec le casque, les lunettes de soleil et les grosses casquettes américaines, on ne le reconnaissait plus. C’est comme si on voyait les footeux jouer en Daft Punk”.

Et ça, des directeurs sportifs l’ont bien compris, à l’image de Patrick Lefévère de la Deceuninck-Quick Step de Julian Alaphilippe.

"Sur le podium, Julian a toujours une casquette. Grâce à lui, en partie, c’est redevenu à la mode"

Nino Marcarini

De l’original au sur-mesure

Il n’y a pas que sur les podiums que les professionnels enfilent leur couvre-chef, souvent utilisé lors des échauffements sur les home trainers pour retenir la transpiration, ou enfilé sous le casque. Pourquoi ? Parce qu’avant tout, la gapette est utile contre le soleil, la pluie, la poussière et les moucherons, en plus de donner un espace d’exposition supplémentaire aux sponsors. D’où son utilisation massive pendant plus d’un demi-siècle.

Avec ses French Gapettes, Céline a elle décidé d’allier l’utile à l’agréable en s’écartant des modèles publicitaires classiques pour proposer des casquettes uniques, parfois sur mesure. “Côté look, elle donne un sentiment d’appartenance à une communauté : porter une gapette c’est être un vrai cycliste. Elle permet aussi de faire passer des messages selon l’humeur, le type de sorties qu’on va faire. En vélo, on est souvent habillés en noir, avec toujours la même tenue. La gapette donne le ton de la journée”, décrypte la jeune femme.

Dans ses rayons, on peut ainsi trouver des messages allant de “Dédé gros braquets” à “Frites à l’arrivée” entre deux modèles vantant la “binouze” et la “bamboche”.


Sur le podium de la Flèche Wallone le 11 mars 2021, Julian Alaphilippe arbore - comme toujours - une casquette, mais celle-ci est aux couleurs de son maillot de champion du monde. (TOMMASO PELAGALLI / AFP)

La clientèle visée ? Essentiellement des jeunes entre 20 et 40 ans. “C’est typiquement la bande de potes qui vont faire du vélo ensemble, la gapette leur permet de se créer un uniforme. La génération ‘papy carbone’ comme on dit, ce n’est pas trop la cible, ce n’est pas forcément la génération qui va faire le plus attention au made in France, mais plutôt celle habituée au gratuit, au pas cher”, justifie Céline.

Ça, c’est plutôt le segment de Nino Marcarini qui, lui, revend les casquettes originales, qu’elles soient actuelles ou historiques. “J’ai 200 modèles en rayon, je vends beaucoup à des collectionneurs”, confirme le principal intéressé, qui a cependant lancé son site “Les Casquetteurs” il y a sept ans, accompagné d’un compte Twitter, ce qui a rajeuni sa clientèle.

Toutes les demi-heures, je poste une photo d’un coureur en casquette. Je suis retweeté par des directeurs sportifs, ça me donne de la visibilité”, apprécie Nino, qui fait tout depuis son téléphone, seul.

Plus qu’une mode

34 000 photos partagées plus tard, Gianni a réuni plus de 15 000 "Casquetteurs" - terme qu’il a inventé enfant, contraction de casquette et cascadeur - sur Twitter. Et, lui aussi s’est lancé dans la confection de casquettes originales, qu’il fait produire dans la même usine que les officielles, en Italie.

J’ai 5 000 casquettes chez moi, c’est pratiquement un musée. Les gens pensent qu’on est une entreprise alors que pas du tout : je suis tout seul, je fais ça par passion. Je gagne très peu d’argent avec ça au final”.

De son côté, Céline vit de sa nouvelle passion depuis cinq ans, après des débuts difficiles : “L’usine italienne ne m’a jamais répondu, donc je me suis lancée seule. Après avoir trouvé les fournisseurs autour de chez moi, puisque je fais tous mes déplacements à vélo, le plus long a été de trouver un moyen de confection, parce que je ne suis pas couturière. J’ai failli abandonner”.

Cinq ans plus tard, ses gapettes personnalisées s’arrachent comme des petits pains. “On sent que les gens en ont un peu marre des produits des grandes enseignes. Tout le monde en a, évidemment, mais après on aime avoir son propre style”.

"La dernière innovation en date, une gapette chapka"

Plus qu’une mode, la casquette cycliste a réussi son retour au premier rang depuis dix ans, en touchant différents publics. “La casquette cycliste a de beaux jours devant elle. Tant que des pros en mettront sur le podium, les gens en voudront”, prophétise Nino, appuyé par Céline : “Je ne sais pas jusqu’où ça ira. J’ai encore 10, 15, 20 ans dans la gapette. Elle a tellement d’usages, j'échange beaucoup avec ma communauté : la dernière innovation en date, c’est une gapette chapka”.

Après tout, pourquoi pas. Avant cela, la casquette cycliste s’est bien invitée à certains défilés de mode. “Ce n’est pas étonnant, glisse Céline. La gapette n’a aucune limite, on s’éclate en les dessinant. Contrairement au reste du vélo, là il n’y a aucun code, aucune norme : on peut faire ce qu’on veut”.

Des limites, la fondatrice des French Gapettes ne s’en donne de toute façon aucune : “Je vis à Roubaix parce que j’ai suivi mon copain, mais c’est une belle coïncidence d’être dans cette ville textile et cycliste, je rêve d’ouvrir un showroom ici, devant un secteur pavé”. Une ambition pas si démesurée, quand on voit le chemin parcouru depuis dix ans par les gapettes, ressorties du grenier et des livres d’histoires pour de bon.

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