Tour de France 2021 : le 14-Juillet, simple mythe ou journée à part pour les coureurs français ?
Le 14-Juillet est souvent célébré sur la route du Tour. Mais est-ce vraiment une journée à part pour les coureurs français ?
Défilé sur les Champs-Élysées, bal des pompiers et feux d'artifice : chaque 14 juillet, la France s'arrête lors d'une journée rythmée par les rituels plus ou moins officiels, et plus ou moins suivis. Parmi eux, il y a toujours une étape du Tour de France, qui sort en général ses habits de gala pour l'occasion. Les yeux se tournent alors vers le champion de France, Rémi Cavagna (Deceuninck-Quick Step) est absent cette année, et idéalement vers une chance de victoire française.
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Depuis 1947, le 14-Juillet a souri à un coureur français à 18 reprises, dont les victoires de Raymond Poulidor (1974), Bernard Thévenet (1975), Laurent Jalabert (1995, 2001), Richard Virenque (2004) ou encore Warren Barguil (2017). Sans oublier Raymond Delisle, seul vainqueur un jour de fête nationale avec le maillot de champion de France sur le dos.
"C'était en 1969 à Luchon. La veille, il avait reçu une gifle de Roger Pingeon, qui le trouvait un peu trop remuant pour sa deuxième place au général. Du coup le lendemain, le 14 juillet, Delisle s'est vengé et est allé gagner l'étape."
Jean-Paul Ollivier, figure du Tour de France et ancien journalisteà franceinfo
Une victoire historique qui a contribué au mythe autour du 14-Juillet sur la Grande Boucle, même s'il s'est essoufflé au fil des années, estime "Paulo La Science" : "C'est une journée fériée, mais un évènement qui se banalise avec le temps. On le sent moins aujourd'hui, il est noyé dans le reste. C'est la presse qui pousse les coureurs français à se mettre en avant ce jour-là".
Sélectionneur de l'équipe de France, Thomas Voeckler abonde : "Coureur, je disais toujours que c'est pour les journalistes et le public. Si on est plus motivés le 14 que les autres jours, c'est une faute professionnelle parce que ça veut dire qu'on ne l'est pas assez les autres jours. On doit l'être tous les jours". Mais l'ancien baroudeur nuance : "Après, évidemment c'est encore plus beau de gagner un 14 juillet".
Le sens de l'Histoire
Alors, la fête nationale sur la Grande Boucle est-elle un mythe ? "Me concernant, pas du tout", tranche le patron du Tour, Christian Prudhomme. Un avis partagé par la plupart des coureurs interrogés sur le sujet. "C'est une journée spéciale. Quand c'est un Français qui gagne ce jour-là, c'est magnifique. Mais il n'y a pas plus de pression, c'est juste la cerise sur le gâteau", assure ainsi Pierre Rolland (B&B Hôtels p/b KTM).
Son coéquipier Quentin Pacher attend cette étape avec impatience : "L'année dernière, on n'a pas eu le droit au 14-Juillet puisque c'était en septembre... Les collègues m'ont dit que c'était une journée spéciale, une belle fête. Quand on a ce sentiment un peu patriote, la fierté d'être français, ça ne peut pas être un jour comme les autres. Il y a autre chose en jeu ce jour-là". Comme quoi les traditions ne se perdent pas toujours, puisque du haut de ses 29 ans, Quentin Pacher est exactement sur la même longueur d'ondes que Bernard Thévenet, vainqueur d'étape le 14 juillet 1975.
"Il y a une motivation supplémentaire au départ, qu'on perd parfois au fil de la course, mais on sent cette fête nationale. On a envie de se montrer."
Bernard Thévenetà franceinfo
Ancien coureur avant sa carrière chez ASO (Amaury sports organisation, qui organise le Tour de France), Thierry Gouvenou confirme : "Le Français qui veut passer au travers de ce contexte, c'est impossible : les journalistes le rappellent, le directeur sportif le rappelle, le public aussi avec beaucoup plus de drapeaux sur le bord de la route". De là à faire de cette date un élément tactique pour les directeurs sportifs ? Marc Madiot, bien que farouche défenseur du maillot tricolore, n'insiste pas spécialement sur le sujet auprès de ses troupes de la Groupama-FDJ.
"Il n'y en a pas besoin, c'est une journée à part. Gagner le 14 juillet, c'est entrer dans les livres d'histoire du vélo. Les coureurs le savent”.
Marc Madiotà franceinfo
Un tracé pensé pour l'occasion
De quoi faire du 14-Juillet l'étape reine aux yeux des Français ? Quand même pas. "Avant le grand départ, je regarde plus les profils des étapes que leur date (rires). Mais j'avais coché celle du jour, parce qu'on est sur un sacré programme pour ce 14 juillet. On a beau être Français, aujourd'hui (mercredi), il faut surtout être bon grimpeur pour s'illustrer", ajoute Madiot. Tout sauf un hasard, puisque les organisateurs ont toujours une idée en tête pour l'occasion. "Le 14 juillet, ça dépend du parcours général, mais il faut faire quelque chose de grand, même si on n'a pas toujours le Ventoux, le Galibier ou le Tourmalet à portée de mains", confie Christian Prudhomme.
"J'ai revu d'anciens parcours avec des journées de repos placées le 14 juillet : ça ne pourrait pas arriver aujourd'hui. Une fois, j'ai eu le malheur d'en mettre une le 21 juillet, jour de la fête nationale belge, le maire de Tournai m'a appelé pour me le reprocher (rires) !"
Christian Prudhommeà franceinfo
C'est dans cette volonté de faire "quelque chose de particulier" le 14 juillet que Christian Prudhomme et Thierry Gouvenou ont imaginé la double ascension du Mont Ventoux sur l'édition 2021. Problème : elle a été avancée d'une semaine à cause des JO. "Après le Ventoux, on ne pouvait pas mettre quelque chose de mièvre sur le 14 juillet. D'où le col du Portet, le plus dur des Pyrénées selon Thierry", raconte le boss de la Grande Boucle.
Quand on lui demande s'il faut voir les choses en grand parce que c'est le fête nationale, ou simplement parce que c'est férié (avec les audiences que ça implique), Christian Prudhomme joue franc-jeu : "Les deux mon général ! On sait qu'on a plus de monde devant la télé ce jour-là, et puis il y a la dimension festive, on veut notre feu d'artifice, celui des coureurs". Cela tombe bien : l'ascension du col du Portet s'annonce explosive.
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