Tour de France 2022 : de "l'attraction des pavés" au feu d'artifice pyrénéen, Thomas Voeckler et Laurent Jalabert analysent la 109e édition
Le Danemark, des pavés, un gros menu alpestre : nos consultants Laurent Jalabert et Thomas Voeckler décryptent le parcours du Tour de France Hommes 2022 dévoilé jeudi.
Le parcours du Tour de France Hommes 2022, dévoilé jeudi 14 octobre par l'organisateur ASO, est désormais connu. Un départ au Danemark, le retour des pavés, un gros passage dans les Alpes françaises et suisses, mais aussi des étapes-piège et deux arrivées au sommet pour conclure : l'édition 2022 verra tous les terrains se succéder et sacrera une nouvelle fois un grimpeur, mais pas seulement. Décryptage avec Thomas Voeckler et Laurent Jalabert, deux des consultants de France Télévisions.
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Le Danemark, un Grand Départ déjà piégeux
Décalé d'un an en raison de l'Euro de football, le Grand Départ du Danemark aura bien lieu. Avec trois étapes, la nation scandinave, qui ne cesse de prendre de l'épaisseur parmi les meilleures nations mondiales (Kasper Asgreen, Jonas Vingegaard, Soren Kragh Andersen, Magnus Cort Nielsen...) se voit dotée de trois étapes très différentes.
Si le contre-la-montre inaugural de 13 km dans les rues de Copenhague ne présage pas de gros écarts, la deuxième étape entre Roskilde et Nyborg ressemble furieusement à celle en Zélande en 2015, avec la traversée en mer du Grand Belt, sans doute sujette à des rafales de vent. "Le premier jour est primordial, le deuxième aussi quand on voit comment ça s’est passé en 2015", avance Thomas Voeckler. Cette année-là, beaucoup de favoris avaient été repoussés à plus d'une ou deux minutes du groupe vainqueur, composé de moins de 20 coureurs. "C’est clair qu’entre le premier chrono puis le lendemain, s’il y a la même météo qu’en 2015, puis les pavés en l’espace de cinq jours, c’est certain qu’on peut déjà avoir perdu le Tour de France", anticipe notre consultant.
Les pavés, attraction et malédiction
Après un transfert le lundi, le peloton redoutera autant que le public attendra cette étape entre Lille et Arenberg Porte du Hainaut, le mercredi. La raison tient en un chiffre : 19,4, soit le kilométrage pavé réparti en 11 secteurs. "Onze secteurs, c’est juste énorme ! A Paris-Roubaix, il y en a 29 ou 30 !", s'emballe Voeckler, rejoint par Laurent Jalabert. "Les pavés, ça va être une attraction. En 2014, Vincenzo Nibali, qui était arrivé devant, avait gagné le Tour. Il y avait eu de la casse : Chris Froome avait quitté le Tour. Ce sont des étapes piégeuses, ça va être un gros moment de tension", prévient-il.
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En effet, en 2014, Chris Froome avait été contraint à l'abandon, alors que Pinot, Dumoulin et Bardet avaient accusé 2'30 de retard, et Contador plus de trois minutes. Intransigeants, les pavés du Nord ont toujours réservé des fortunes très diverses aux favoris, et l'édition 2022 ne devrait pas y échapper. "L’équipe est primordiale, plus que le coureur en lui-même. Si Wout van Aert s’occupe de Roglic, - pourtant je pense que Roglic sera beaucoup moins à l’aise que les autres sur les pavés - en ajoutant un Christophe Laporte, pourquoi pas. Les favoris du général ne seront pas là pour gagner l’étape, mais pour ne pas perdre le Tour", conclut Voeckler.
Les Alpes, menu copieux
Une fois sortis de l'enfer du Nord, les coureurs passeront par Longwy et son arrivée pour puncheurs, puis la "Super" Planche des Belles Filles (7e étape), rallongée d'un kilomètre supplémentaire, comme en 2019. A partir de là, les coureurs ne débrancheront plus jusqu'à la 14e étape à Saint-Etienne, au mieux. "A partir de là, il n’y aura pas de journée tranquille. Même l’arrivée le lendemain à Lausanne, il faudra passer le Jura. Il me semble quand même très montagneux ce Tour", confirme Laurent Jalabert.
Limitées à deux étapes et pas d'arrivée au sommet en 2021, les Alpes auront cette fois la part belle avec un passage en Suisse. "La première étape dans les Alpes n’est pas insurmontable. Entre Aigle et Châtel (9e étape), ce sont des cols assez roulants qui ne devraient pas créer d’écarts significatifs. Entre Morzine et Megève (10e étape), il faudra repartir de la première journée de repos. Il y a ensuite deux grosses journées qui se suivent : lors de la 11e étape, l'enchaînement Lautaret-Galibier c’est un morceau, puis finir par le col du Granon, où le Tour n’est arrivé qu’une fois, et qui est très dur", continue Jalabert.
Aventurier du bitume dans l'âme, le sélectionneur national déplore, lui, un tracé alpestre peut-être pas assez sélectif. "C’est mon avis, mais ça manque d’une étape encore plus dure en montagne, il manque un col de plus", analyse-t-il, ajoutant que cette inversion des massifs pourrait profiter au scénario de course. "Ca peut ouvrir le jeu. Quand on a vraiment le gros paquet à la fin, on sait que c’est là que ça va se jouer. En faisant comme ça, ce sera peut-être plus spectaculaire dans le deuxième massif montagneux, car ça fera office de rattrapage, sachant qu’il y aura une semaine d’écart entre les deux."
Une transition délicate dans le Massif Central
Une fois le gros morceau alpestre avalé, la digestion n'aura rien d'une longue sieste tranquille pour le peloton. Les étapes qui arrivent à Saint-Etienne (13e étape), Mende (14e étape) et Foix (15e étape) ont tout des allures de fausses étapes de "repos" avant les Pyrénées. "A la sortie des trois étapes alpestres, les jambes vont être flagadas, ce ne sera pas facile. Lors de l’arrivée à Saint-Etienne en 2019 où Thibaut Pinot et Julian Alaphilippe attaquent dans le final, c’était certainement l'étape la plus dure de ce Tour. Ils avaient la langue qui touchait le boyau ! Quand tu as le réservoir un peu vide en sortant des Alpes, ça peut faire très très mal. Ça arrive après trois étapes très difficiles : sur ces terrains cabossés, il n’y aura pas le loisir de se refaire la santé", prévient Jalabert, dont la montée finale à Mende porte son nom.
De quoi user les organismes et surtout les équipes de favoris, sans doute beaucoup sollicitées dans les Alpes. "Pour l’instant, je ne vois que quelques étapes plus calmes : la dernière au Danemark (3e étape), l’arrivée à Calais (4e), peut-être à Longwy (6e), et Carcassonne la veille du repos (15e). Les vrais jours de repos, ce seront les journées de repos !", s'avance le double meilleur grimpeur du Tour en 2001 et 2002.
Un feu d'artifice pyrénéen pour finir
Enfin, comme en 2019, le Tour en finira avec la montagne par deux arrivées au sommet avant le chrono final à Rocamadour. Le Col du Portet et Luz-Ardiden laissent leur place à Peyragudes et Hautacam. Pas sûr que les coureurs y gagnent au change. "Dans les Pyrénées, ça va être costaud : l'enchaînement Aspin (même s’ils ont refait le bitume), Hourquette d'Ancizan, col d’Azet puis Peyragudes au lieu de conclure au Peyresourde. Ce qui est dur, c'est qu’il n’y a pas de vallée, c’est un enchaînement de montées-descentes, avant un sommet final exigeant", détaille Laurent Jalabert.
De quoi conclure en beauté cette édition 2022, dont Tadej Pogacar, double tenant du titre, est, à l'heure actuelle, le grand favori : "Il va falloir savoir tout faire pour gagner ce Tour : il y a des pavés, sans doute des bordures dès le deuxième jour, 53 km de chrono, et bien sûr de la montagne. Il faut que le coureur qui gagne soit polyvalent", conclut Thomas Voeckler.
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