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Reportage Paris-Roubaix 2023 : le Stade rochelais Charente-Maritime, le petit poucet qui survit comme il peut à l'Enfer du Nord

Le Stade rochelais Charente-Maritime a connu une journée compliquée sur les pavés de son troisième Paris-Roubaix, remporté par Alison Jackson, samedi.
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Chloé Schoenenberger devant la voiture de son directeur sportif, sur Paris-Roubaix 2023. (Hortense Leblanc)

Pour le Stade rochelais Charente-Maritime, l’écart avec les meilleures équipes est aussi important que l’écart entre les pavés des secteurs les plus difficiles de Paris-Roubaix. Invitée sur l’Enfer du Nord, la formation française était la moins bien classée des équipes participantes, samedi 8 avril, et a tenté de bien figurer malgré ses moyens limités. Mais une échappée manquée, une chute et un vélo cassé ont eu raison de ses ambitions.

Sur le parking des équipes au départ à Denain, un constat saute aux yeux : les meilleures équipes du niveau World Tour, l’élite mondiale, disposent de grands bus aménagés, tandis que les coureuses des équipes Continental, le second niveau mondial, se changent majoritairement dans un camping-car. Celui du Stade rochelais Charente-Maritime est garé dans un coin, et une dizaine de membres du staff s’activent pour préparer les vélos et les bidons, sans être vraiment dérangés par les sollicitations médiatiques.

Le camping-car du Stade Rochelais Charente-Maritime, avant le départ de la troisième édition de Paris-Roubaix femmes, le 8 avril 2023. (Hortense Leblanc)

Parmi eux, seuls un directeur sportif et un mécanicien sont salariés, les autres étant vacataires ou bénévoles. "Avec le Tour de France, Paris-Roubaix est la course où nous sommes le plus nombreux", raconte Jonas Dupuis, le directeur sportif.

Pas de ravitaillement à chaque secteur pavé

Tous sont répartis en trois voitures sur la course, avec une paire de roues de secours par véhicule, pour ravitailler les coureuses sur onze des dix-sept secteurs pavés, là où la quasi-totalité de leurs concurrents sont présents à chaque secteur. A titre de comparaison, la FDJ-Suez, meilleure équipe française au niveau World Tour, mobilise cinquante personnes sur Paris-Roubaix, pour être présente sur tous les secteurs, avec 50 paires de roue emmenées. "On est surtout présents sur les premiers secteurs pavés, où la course se fait encore et où nos filles peuvent y participer, parce que dans les derniers secteurs, on n’aura peut-être plus de filles en position de faire un résultat", justifie Benjamin Didou, stagiaire en communication au sein de l’équipe, et ravitailleur. En cas de crevaison sur un secteur non couvert, les coureuses doivent donc espérer se trouver proches de leur voiture de direction sportive, ou seront dépannées par l’assistance de course, avec des vélos qui ne sont souvent pas ajustés à leur morphologie.

Parmi les ravitailleurs, le Stade rochelais compte aussi sur des proches de ses coureuses, comme les parents de Chloé Schoenenberger, qui participe à son premier Paris-Roubaix. Ils n’ont pas hésité à faire dix heures de route depuis le sud de la France. "L'équipe a demandé à Chloé si on était partants, et on a dit oui de suite, racontent Laurence et Hervé, qui ont déjà ravitaillé leur fille et ses coéquipières sur le Tour des Pyrénées. Si on peut aider, au moins, ça nous donne l’impression de participer." Seul problème pour ces ravitailleurs bénévoles, leur GPS les perdra avant de trouver leur position attribuée, puis avec une voiture non accréditée, ils ne pourront pas se rapprocher du parcours autant qu’ils le souhaitaient. Ils n’arriveront à temps que pour le passage des dernières coureuses.

Une mésaventure parmi d’autres. Alors que Jonas Dupuis espérait placer une fille "dans le top 45", et que "tout le monde arrive au vélodrome sans dégâts", tout ne s’est pas passé comme prévu pour la formation charentaise. "On avait désigné trois filles pour être dans l’échappée, et aucune n’a figuré dans la bonne, alors que dix-huit autres équipes étaient représentées", déplore Jean-Christophe Barbotin, manager général. "J’ai essayé à plusieurs reprises de prendre l’échappée, mais c’est quand je reprenais mon souffle que la bonne est partie, et je n’ai pas pu suivre", explique Noémie Abgrall. De quoi nourrir des regrets au vu du scénario de la course.

Un vélo cassé, "et c'est pour notre poche"

Une fois l’échappée partie, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour le Stade rochelais, avec une chute impliquant deux coureuses, dont une, Marine Allione, qui a cassé son vélo. "Le problème, c’est qu’avec le moins bon classement des équipes participantes, on était positionnés en dernier dans la file des voitures de directeurs sportifs. Marine a donc dû attendre que l’on arrive et a concédé de nombreuses minutes", regrette Jonas Dupuis. Un vélo de cassé, "et c’est pour notre poche", souffle Jean-Christophe Barbotin. Contrairement à beaucoup d’autres équipes, qui ont un partenaire fournisseur de montures, le Stade Rochelais achète lui-même ses vélos, ce qui représente un budget de 100 000 euros par an, "qui n’est donc pas investi dans le salaire des coureuses ou dans des recrutements dans l’équipe et le staff", explique le manager.

Ses coureuses sont salariées, au Smic, mais sur Paris-Roubaix, deux parmi les six alignées ne le sont qu’à mi-temps, et travaillent donc en parallèle. Dur de rivaliser face à des coureuses qui se consacrent au vélo à plein temps. "On a un montage financier qui nous permet de vivre, mais pas de progresser", poursuit Jean-Christophe Barbotin. Hormis sur les courses françaises, son équipe n’est pas invitée sur les grandes épreuves, comme les classiques belges. "C’est plus simple pour les équipes Continental ayant une section masculine, comme Arkea ou Cofidis. Leur nom parle dans le vélo, pas le nôtre, regrette-t-il. Nos filles ne peuvent donc pas engranger de l’expérience sur les grandes courses. On n’a pas vraiment de coureuse spécialisée pour les classiques, et on ne peut pas en attirer une, puisqu’on ne participe qu’à Paris-Roubaix. C’est un cercle vicieux."

La championne sud-africaine, Frances Janse van Rensburg, coureuse du Stade Rochelais Charente-Maritime, lors de Paris-Roubaix 2023. (Hortense Leblanc)

Alors qu’aucune coureuse du Stade rochelais n’avait passé la ligne d’arrivée dans les délais lors de la première édition, et que trois sur six avaient réussi à atteindre Roubaix dans les temps en 2022, la formation charentaise a fait légèrement mieux, avec quatre coureuses classées à l’arrivée, samedi. La première de l’équipe, Frances Janse van Rensburg, championne d’Afrique du Sud, termine à la 96e position, près de quinze minutes après la lauréate, Alison Jackson. Le Stade rochelais, toujours à la recherche de sponsors, ne sait pas encore s’il sera de nouveau invité sur le Tour de France cet été. L’année dernière, il n’avait fini la Grande Boucle qu’avec une seule coureuse, Severine Eraud, 51e au classement général.

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