Grand entretien "C'est un rĂȘve qui s'Ă©loigne de plus en plus" : Ă  deux jours du Tour des Flandres, Julian Alaphilippe revient sur son dĂ©but de saison dĂ©licat

Le cycliste français Julian Alaphilippe est en Belgique, deux jours avant le dĂ©part du Tour des Flandres, l'une des courses qui l'a toujours fait rĂȘver. Il rĂ©affirme sur franceinfo sa volontĂ© de ne pas faire le Tour de France cet Ă©tĂ©.
Article rédigé par Fanny Lechevestrier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Julian Alaphilippe rĂ©affirme ne pas vouloir faire le Tour de France cette annĂ©e et que les Jeux olympiques le font rĂȘver. (ROBERTO BETTINI / MAXPPP)

Alors que le Tour des Flandres se court dimanche 31 mars, Julian Alaphilippe revient sur son dĂ©but de saison dĂ©licat. Pour le Français, rien ne s'est passĂ© comme prĂ©vu. Chutes spectaculaires, critiques virulentes de son manager Patrick LefĂ©vĂšre, Ă  plusieurs reprises dans la presse... Le cycliste rĂ©affirme ne pas vouloir faire le Tour de France cette annĂ©e et si les Jeux olympiques le font rĂȘver, il ne s'estime "pour le moment" pas au niveau pour en ĂȘtre. Le double champion du monde a fait le point au micro de franceinfo et de RMC, vendredi 29 mars, au siĂšge de la Soudal, l'un des sponsors de son Ă©quipe, Ă  Turnhout, en Belgique.

Franceinfo : Dans quel Ă©tat d'esprit ĂȘtes-vous, Ă  deux jours du dĂ©part du Tour des Flandres ?

Julian Alaphilippe : Ça reste un objectif que je me suis fixĂ© un jour de gagner un Tour des Flandres. AprĂšs j'ai l'impression, quand je vois les derniĂšres semaines, que c'est un rĂȘve qui s'Ă©loigne de plus en plus. Il faut toujours y croire, mais il y a un grand favori qui est Mathieu Van Der Poel dimanche. Je ne me sens pas mal, c'est aussi les autres qui sont plus forts donc on a un peu tous le mĂȘme ressenti en tant que coureurs dans l'Ă©quipe. Ça ne sert Ă  rien de s'apitoyer, de pleurer ou d'ĂȘtre triste. Je pense qu'on donne le maximum. HonnĂȘtement, je n'ai aucun regret ces derniĂšres courses, mis Ă  part la chute aux Strade Bianche [dĂ©but mars]. Mais bon, j'ai rĂ©cupĂ©rĂ© depuis, ça va mieux, je donne le maximum. Je ne suis pas nul, je sens que ça va. C'est juste que le niveau global est beaucoup plus relevĂ© et c'est plus dur pour nous d'ĂȘtre Ă  l'avant. MĂȘme collectivement, c'est plus compliquĂ© de se retrouver. Mais on verra dimanche.

Vous semblez presque résigné, on vous a senti plus convaincu, plus déterminé...

C'est vrai, je le ressens aussi. C'est la rĂ©alitĂ©, tout simplement. Oui, je n’ai pas eu le dĂ©but de saison que j'espĂ©rais. J'Ă©tais sincĂšrement bien parti sur les Strade Bianche avant de tomber, j'avais des sensations que je n'avais pas eues depuis longtemps sur un vĂ©lo. Donc la suite m'a vraiment mis un coup derriĂšre la tĂȘte. Cela a mis un peu de temps Ă  aller mieux et maintenant il ne me reste que dimanche. J'ai vu mercredi [sur A Travers la Flandre] et la semaine d'avant que les jambes sont lĂ  mais loin d'ĂȘtre extraordinaires. Donc j'espĂšre faire une belle course. Je sais qu'il n'y aura pas de miracle mais je donnerai le maximum et ça, c'est une certitude.

Dans quelle mesure les Ă©changes par mĂ©dias interposĂ©s avec votre patron ont jouĂ© dans votre tĂȘte et dans vos jambes ?

J'ai rĂ©ussi vraiment Ă  m'en dĂ©tacher au maximum, comme j'ai souvent l'habitude de le faire. AprĂšs, ça m'a plus fait chier pour Marion [Rousse, sa compagne et directrice du Tour de France femmes] qui, elle, n'a rien demandĂ© et qui n'aime pas du tout ĂȘtre dans les histoires avec des propos comme ça qui Ă©taient inutiles et qui n'avaient pas de sens. Parce que voilĂ , il y a des choses qui sont censĂ©es ĂȘtre personnelles. Mais je m'en suis dĂ©tachĂ©, vraiment, sincĂšrement. Je suis fatiguĂ© de ça en fait et du coup je m'en fous tellement que la seule chose que je peux faire, c'est faire bien mon travail. Et je le fais trĂšs bien, du mieux que je peux en tout cas, depuis de nombreuses annĂ©es. Ce qui m'importe moi, c'est que mon fils soit en bonne santĂ© et que je fasse mon mĂ©tier du mieux que je peux. Le reste, on pourra toujours me critiquer, on pourra toujours dire : 'Ah il a gagnĂ© lĂ , maintenant il n'avance plus', c’est comme ça. Je donne le maximum, tous les matins je vais m'entraĂźner dur et voilĂ .

Les chutes, notamment celle qui a eu lieu mercredi sur À Travers la Flandre, comment on les vit Ă  l'intĂ©rieur du peloton, est-ce qu'on a peur ?

Peur, c'est un grand mot. Mais oui, moi j'ai beaucoup plus d'apprĂ©hension qu'avant. Pour en revenir Ă  mercredi, oui c'Ă©tait terrible. Juste le bruit, ça me met des frissons d'en parler parce que je suis assez tombĂ© ces derniĂšres annĂ©es et je sais ce que c'est. À cette vitesse, tu sais par quoi les mecs qui sont par terre vont passer, donc ça refroidit et je leur souhaite un bon rĂ©tablissement. Et j'ai dĂ©jĂ  fait un message Ă  Wout Van Aert [lourdement tombĂ© et blessĂ© lors de cette mĂȘme course] mais il y a d'autres coureurs... C'est un sport cruel parce qu'il y a beaucoup de sacrifices, beaucoup de travail et une chute comme ça, mĂȘme loin de l'arrivĂ©e, tout s'effondre.

Cela peut vous empĂȘcher de prendre des risques pour aller chercher une victoire ?

Il faut ĂȘtre mesurĂ©, il y a risques et risques. HonnĂȘtement cette chute-lĂ , mercredi, ça peut ĂȘtre Ă©vitĂ©. On est loin de l'arrivĂ©e, on arrive avec beaucoup de vitesse, on sait qu'il faut faire attention parce qu'on arrive Ă  70-80 km/h. On tourne Ă  droite sur un petit chemin. On sait que tout le monde ne va pas passer et tout le monde a les mĂȘmes ordres au mĂȘme moment. Toutes les Ă©quipes doivent ĂȘtre placĂ©es au mĂȘme endroit stratĂ©gique. Ce sont des endroits stratĂ©giques qui font qu'il y a un stress et une pression qui s'instaurent dans le peloton et qui sont, pour moi, durs Ă  supporter. Parce que tu sens qu'Ă  chaque moment, c'est chiant.

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