Abandon de deux équipes, météo exécrable... le Giro craint un scénario catastrophe
Le Tour de France semble déjà si loin. Un peu plus de trois semaines après l’arrivée de la Grande Boucle sur les Champs-Elysées avec aucun coureur testé positif à la Covid-19 sur les 176 participants, le Giro vit lui un difficile début de deuxième semaine. En effet, huit cas positifs ont été révélés ce mardi, au lendemain de la première journée de repos et deux équipes, Jumbo-Visma et Mitchelton-Scott, ont décidé de se retirer de leur propre chef. La première a vu son leader Steven Kruijswijk infecté alors que dans la deuxième, quatre membres du staff ont été contaminés après l’abandon pour la même raison de Simon Yates la semaine dernière.
Ces différentes infections ont donné l’impression d’une hécatombe ce mardi matin. Pourtant seulement huit cas (neuf avec celui de Simon Yates en amont) ont été détectés, soit le double du Tour de France lors de la première journée. A la seule différence, importante, qu’aucun coureur n’avait été touché pendant la Grande Boucle. Le protocole sanitaire étant fait pour que le Giro arrive quoiqu’il se passe à son terme, les équipes n’étaient pas forcées par le règlement de quitter la course. Mais la Jumbo-Visma et Mitchelton-Scott ont préféré abandonner par précaution envers les « coureurs et [son] personnel, le peloton et l'organisation de la course », explique l’équipe australienne. « C’est très décevant parce que nous avons tout fait pour se prémunir d’une contamination, a déclaré le manageur général de la Jumbo-Visma Richard Plugge. Cependant, la santé de tout le monde est le plus important et c’est pour ça que nous avons pris cette décision. »
"Des gens lambda étaient dans l'hôtel et mangeaient dans le même buffet"
Les abandons à la chaîne laissent évidemment les observateurs perplexes sur les conditions sanitaires mises en place par les organisateurs. Interrogé par The Cycling Podcast pour savoir si RCS Sport, la société organisatrice du Giro, avait fait tout son possible pour prévenir des contaminations, le coureur de la Jumbo-Visma Jos van Emden n’a pas hésité : « Non, pour sûr non. » Le coureur néerlandais a ensuite étayé ses propos critiquant l’organisation du Tour d’Italie : « Ça s’est déjà mal passé dans le premier hôtel où nous étions. On était avec quatre, peut-être cinq équipes. Des gens lambda étaient ici, ils mangeaient tous dans le même buffet. Je pense que c’est une vraie grosse erreur. »
Voir sur Twitter
De son côté, Jacky Maillot, médecin de l’équipe française Groupama-FDJ engagée sur le Giro, veut relativiser : « Je ne suis pas sur qu’il faille incriminer les organisateurs. Prendre des précautions sur trois semaines pour des milliers de personnes, c’est très compliqué d’autant plus que le virus circule davantage maintenant que fin août. » Les organisateurs du Giro se sont pourtant logiquement inspirés du Tour de France dans la mise en place de son protocole sanitaire : zones de départ et d’arrivées interdites aux spectateurs, des tests rapides effectués sur place et des hôtels ou des étages a minima privatisés. Mais les déclarations de Jos van Emden mettent à mal cette dernière mesure. Ce raté peut s’expliquer par un budget inférieur pour le Giro par rapport au Tour de France, poumon économique du cyclisme à l’échelle mondiale. L’UCI a par ailleurs demandé à RCS Sport de renforcer les mesures sanitaires. « Au prochain jour de repos (lundi prochain, ndlr) on aura un autre test PCR et toutes les équipes avec un cas positif vont être testées jusqu’à ce jour », a déclaré Mauro Vegni, le patron du Giro, au micro de la chaîne de télévision italienne RAI.
"L'intention est de rejoindre Milan à tout prix"
Le Giro est-il alors menacé de ne pas aller jusqu’à son terme ? Là encore, son directeur Mauro Vegni a rapidement écarté l’hypothèse au micro d’Eurosport - « Je ne pense pas qu’il y ait un risque que la course s’arrête, nous avons déjà réalisé 1 500 tests. Les chiffres sont bas. On verra la semaine prochaine » - et de la RAI - « L’intention est de rejoindre Milan à tout prix, excepté les problèmes de santé ou de gros problèmes. »
Mais une autre donnée sera également à prendre en compte pour que le Giro se termine : la météo. Les 18e et 20e étapes sont déjà sur la sellette puisque les sommets du Stelvio (2 746 mètres d’altitude) et du col d’Agnel (2 744 mètres) sont actuellement enneigés et rien ne dit que la route sera praticable d’ici une dizaine de jours. « L'organisation a déjà préparé des plans B et peut-être même C, en cas de neige et de temps exécrables", avait déclaré l'Italien Vincenzo Nibali (Trek-Segafredo), lundi, lors de la première journée de repos près de Vasto (sud-est), sous la pluie.
Voir sur Twitter
Le Stelvio pourrait donc être remplacé par le col du Mortirolo (1 852 mètres d’altitude) et le col d’Agnel par le col du Finestre (2 176 mètres) mais là encore, la neige pourrait perturber les plans de l’organisation italienne. Selon L’Eco del chisone, le plan C reposerait sur un double montée de Sestrières plutôt que le col d’Agnel, d’Izoard (2 362 mètres) et de Montgenèvre (1 850 mètres). Outre ses modifications de parcours, les coureurs doivent aussi gérer une température automnale particulièrement froide. « Tous les coureurs sont arrivés avec très peu de masse grasse, détaille Vincenzo Nibali. Nous sommes donc plus sensibles aux températures et nous devons nous couvrir très bien et prendre soin à l'alimentation. Avec le froid, la dépense énergétique est très importante. »
A tous ses égards, ce Giro 2020 est déjà unique en son genre. Une annulation de la fin de course le ferait définitivement entrer dans l’histoire. En revanche, si le Tour d’Italie arrive comme prévu jusqu’à Milan, la question de la légitimité du vainqueur, dans une édition marquée par les abandons de deux favoris Steven Kruijswijk et Simon Yates, se posera inévitablement. Le Tour d’Espagne, qui doit partir dans précisément une semaine, peut se faire du souci.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.