Mondiaux de cyclisme 2024 : comment Thomas Voeckler a replacé l'équipe de France au premier plan

Depuis le début de son mandat en 2019, le sélectionneur de l'équipe masculine de cyclisme sur route a vu ses plans audacieux être très souvent récompensés dans la course en ligne.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Thomas Voeckler, sélectionneur de l'équipe de France masculine de cyclisme sur route, le 8 juillet 2024 à l'occasion d'une conférence de presse olympique à Orléans. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Neuf podiums en 13 courses, dont trois sacres (quatre médailles d'argent, deux en bronze). Voilà le bilan de l'équipe de France masculine de cyclisme sur route sur la course en ligne depuis l'arrivée de Thomas Voeckler au poste de sélectionneur en 2019. Sur la même période, seule la Belgique et son armada font mieux sur les championnats du monde, d'Europe et les Jeux olympiques cumulés, avec une médaille de plus (trois en or, six en argent, une en bronze). A titre de comparaison, de 2000 à 2018, seulement trois médailles avaient été décrochées par les Français sur ces mêmes courses, soit trois fois moins que sous Thomas Voeckler en cinq ans.

La France n'est plus un simple outsider. L'été l'a prouvé avec le doublé tricolore sur le podium dans les rues de Paris, Valentin Madouas décrochant l'argent olympique et Christophe Laporte le bronze derrière Remco Evenepoel. Dans ces courses si spéciales où les oreillettes sont proscrites, les Bleus jouent très souvent les premiers rôles. Guidés par Julian Alaphilippe, ils espèrent que cela continue, dimanche 29 septembre, à Zurich, où les attend un tracé très relevé, long de 274 kilomètres, avec presque 4 500 mètres de dénivelé positif.

"C'est mon devoir d'être ambitieux pour ce championnat du monde, même si on ne dispose pas d'un coureur au-dessus du lot. Dans le cyclisme, on peut provoquer la réussite ou au moins s'en donner la possibilité. Moi, j'y crois", appuie Thomas Voeckler, qui n'a rien perdu de l'audace et de l'ingéniosité dont il faisait preuve pendant sa carrière de coureur. "Je voulais qu'on nous prenne pour des fous", s'était-il amusé après les Mondiaux 2020 à Imola (Italie) et le premier couronnement de Julian Alaphilippe. Mais ne comptez pas sur lui pour lâcher trop d'indices sur son plan avant une échéance.

Anticipation, remise en question et priorité au collectif

"J'essaie simplement de suivre mon ressenti, que ce soit très en amont ou sur le moment, lâche-t-il, volontairement évasif. Surtout, il faut ne pas trop se retourner sur les fois où tout a bien marché. Je ne veux pas qu'on se satisfasse de ça. Il y a toujours quelque chose à améliorer. A l'inverse, quand ça ne marche pas, il y a toujours quelque chose à garder". Thomas Voeckler n'est pas du genre à valider l'adage selon lequel on ne change pas une équipe qui gagne.

"Je pense que l'équipe de France est une nation considérée. Je n'irai pas jusqu'à dire crainte, mais je le prendrais comme un manque de respect si les autres nous prenaient à la légère."

Thomas Voeckler, sélectionneur de l'équipe de France

à franceinfo: sport

Voeckler a convoqué 46 coureurs différents depuis 2019. Chaque équipe s'adapte forcément au tracé de l'épreuve et aux différents états de forme des coureurs, mais il tient surtout à compter sur des athlètes tournés vers le collectif. "Ce qui doit primer c'est l'état d'esprit et la volonté de placer le maillot de l'équipe de France au-dessus de tout", insiste-t-il. Sans le travail des Quentin Pacher, Nans Peters et autre Julien Bernard pour dynamiter la course en 2020, Julian Alaphilippe n'aurait peut-être pas été champion du monde.

Signe que son discours est bien reçu et compris par les coureurs, Benoît Cosnefroy a révélé qu'il n'en voulait pas au sélectionneur de ne pas l'avoir appelé pour les Jeux olympiques cette année, malgré le fait de vivre "la plus grande déception" de sa carrière. "Thomas est quelqu'un de droit qui a prouvé qu'il avait les bonnes stratégies. Même si je me suis posé la question [de ma non-sélection], le choix s'est fait pour des raisons purement sportives", avait-il reconnu auprès de l'AFP début juillet.

"Aucune lassitude"

"Sa carrière chez les pros a duré dix-sept ans. Je ne sais pas combien de jours il a passé avec le maillot jaune sur le Tour de France, peut-être 20. Quand il y a quelqu'un comme ça en face de nous, forcément on l'écoute tous. Quand il était coureur, il voyait extrêmement bien la course. Tous ses conseils sont bons à prendre", souffle Sandy Dujardin, qui était de la partie lors des championnats d'Europe il y a deux semaines.

Le coureur de l'équipe TotalEnergies en dévoile un peu plus sur la mise en place tactique en équipe de France : "On est tous autour d'une table et on discute de la course. Lui a déjà un plan à l'avance. C'est un briefing spécial. Il faut en ressortir avec une stratégie qui sorte de l'ordinaire, raconte-t-il. Mais, en course, tous les coureurs se parlent aussi beaucoup même si on n'a pas le même maillot le reste de la saison. Et s'il y a un problème, on peut toujours l'appeler à la voiture".

Si les stratégies sont à chaque fois minutieuses, nécessitant un effort de concentration important de la part des coureurs, Voeckler ne veut pas brider l'instinct des coureurs. Il refuse simplement d'empiler ses meilleurs éléments du moment, leur demander de suivre le plus longtemps et de voir dans le final. En face, des sélections disposent de coureurs de tout premier plan. Dimanche, ce sera le cas de la Slovénie de Tadej Pogacar, de la Belgique de Remco Evenepoel ou encore des Pays-Bas de Mathieu van der Poel.

Sur un tracé qui "avantage un coureur très fort", dixit Thomas Voeckler, les hommes en bleu devront surprendre. "C'est très challengeant pour moi et je ne ressens aucune lassitude", assure le sélectionneur. Ne reste plus qu'à découvrir ce qu'il tient secret depuis plusieurs semaines.

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