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"C'est comme si je doublais les voitures sur l'autoroute avec mon vélo", François Pervis vise le record du monde de vitesse en vélo couché caréné

Le cycliste français tentera, en septembre, de battre le record du monde de vitesse en vélo couché caréné.

Article rédigé par franceinfo: sport - Maël Russeau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François Pervis installé dans son vélo couché caréné avec son masque relié à l'extérieur qui lui permet de respirer une fois la machine refermée. (FRANCOIS PERVIS)

Multiple champion du monde de cyclisme sur piste, médaillé olympique en 2016 à Rio puis paralympique en tant que pilote à Tokyo en 2021, François Pervis s'est lancé un nouveau défi, à 37 ans. Celui de battre le record du monde de vitesse en vélo couché caréné, actuellement de 144 km/h, lors d'une compétition organisée en septembre 2022 dans le Nevada (Etats-Unis).

Franceinfo: sport : Comment vous êtes-vous lancé dans cette nouvelle aventure ?
François Pervis : À l'origine, c'est l'IUT d'Annecy qui cherchait un pilote. Ils ont contacté la Fédération française de cyclisme, qui a pensé que j'étais un bon client pour ce genre de défi. J'ai accepté en 2019 et j'ai commencé à travailler avec eux, notamment sur ma position dans le carénage, parce que je suis presque trop grand pour être à l'aise dedans.

Comment ça se passe à l'intérieur de ce vélo couché caréné complètement fermé ?
On a une caméra qui filme l'extérieur et, à l'intérieur, j'ai deux écrans de contrôle reliés à leur propre batterie pour avoir un écran de secours au cas où l'un des deux ne fonctionne plus. Pour la respiration, c'est difficile car je suis comprimé et j'ai un masque de pilote d'avion de chasse avec un tuyau qui va chercher l'air à l'extérieur. Le trou est à l'arrière de la machine pour ne pas que ça prenne le vent, ça ne gêne pas pour l'aérodynamisme. Les écrans sont à mon buste et le masque gêne un peu ma vision, c'est beaucoup de contraintes d'être enfermé dans une boîte d'allumettes !

François Pervis lors de son entraînement sur vélo couché pour tenter de battre un record du monde. (FRANCOIS PERVIS)

L'appareil a été créé sur mesure pour vous ?
Non, il était déjà construit quand je suis arrivé dans le projet. Le pilote avant moi devait faire dix centimètres de moins. Avec mes 90 kilos et mon mètre 80, j'ai beaucoup de frottements, les cuisses qui touchent, mais c'est surtout au niveau des épaules où je suis recroquevillé. Mes coudes viennent écraser mes côtes donc c'est plus dur pour respirer. J'ai aussi le bout de mes pieds qui touche le carénage à chaque coup de pédale, donc ils ont essayé de limer où ils pouvaient. Mais on ne peut pas faire autrement, c'est à moi de m'adapter à la machine.

C'est bien différent d'un vélo classique, par la position couchée notamment, qu'est-ce qui change le plus ?
Il faut que j'apprenne à pédaler sans toucher au guidon. Je dois "bourriner" comme un malade sur les pédales, mais je dois avoir juste les mains posées sur le guidon parce que si je tire dessus, je vais sortir de la route. C'est bizarre parce qu'en vélo traditionnel, je "bourrine" dessus, c'est un point d'appui très important pour transmettre la puissance. Je ne peux pas m'exprimer comme sur la piste ou sur la route donc il faut que je m'habitue à cette position-là, mais aussi au coup de pédale, parce qu'on pédale allongé. Ce ne sont pas les mêmes appuis.

Quel entraînement faut-il pour absorber ces changements et propulser un vélo à plus de 140 km/h ?
Chez moi, j'ai un vélo couché traditionnel sur lequel je fais beaucoup de kilomètres pour habituer le corps au vélo couché, à ne pas tirer sur le guidon. Plus je m'habitue chez moi, plus je serai à l'aise sur le vélo couché caréné. Je vais faire huit kilomètres en quatre minutes à peu près, donc si j'atteins 130-140 km/h, c'est comme si je doublais les voitures sur l'autoroute dans mon vélo. Il va falloir que je sache lisser mon effort sur quatre minutes alors que j'ai plus l'habitude de faire une minute maximum à bloc, donc ça change de mes champs d'action. Je fais des courses sur route chaque week-end pour prendre de la caisse ou de l'intensité, et un entraînement spécifique. Il faut que ce soit une symbiose entre l'homme et la machine. Si je force très mal en mettant trop de force n'importe comment, le vélo va zigzaguer.

Vous avez déjà testé votre vélo ?
Oui, j'ai fait un test sur l'aéroport d'Annecy au printemps dernier, c'était très compliqué. On va aller sur un autodrome près de Lyon parce qu'ils ont une piste qui fait trois kilomètres de long avec un bel enrobé, donc je vais pouvoir atteindre des vitesses de 110-120 km/h. Mon vélo couché caréné prend autant le vent qu'un rétroviseur de camion donc si j'arrive à m'adapter à toutes les contraintes, on ne devrait pas être loin du record du monde apparemment.

Comment va se dérouler votre tentative de record du monde ?
Ce sera lors d'une compétition, le World Human Powered Speed Challenge. C'est le championnat du monde de vitesse en vélo couché caréné, juste à la force de l'homme. Ça se passe aux Etats-Unis pendant une semaine, donc on va arriver une semaine avant pour s'adapter au décalage horaire et au lieu. On fait une tentative le matin très tôt quand il n'y a pas de vent, et une autre le soir si les conditions le permettent, pendant les six jours de la compétition. C'est une belle ligne droite de huit kilomètres de long et ils chronomètrent les 200 derniers mètres, ils font la moyenne sur cette distance et c'est la vitesse retenue. 

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