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Covid-19 : une rentrée morose pour les fédérations sportives, en perte de licenciés en ce début de saison

La rentrée 2020, en pleine crise sanitaire du covid-19, n’annonçait pas les meilleures perspectives pour les fédérations sportives. Et pour beaucoup, cette rentrée fut plombée par la fermeture d’infrastructures comme les gymnases et les piscines. Quasiment l’intégralité des fédérations sportives représentant les sports les plus pratiqués dans l'Hexagone connaissent une baisse de licenciés.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 11 min
  (STEPHANE ALLAMAN / STEPHANE ALLAMAN)

Les fédérations sportives n’ont pas le moral. Un passé qui laisse des traces, un présent morose, un avenir incertain, et des chiffres en baisse, les fédérations peinent à sortir la tête de l’eau dans cette crise sanitaire liée à la covid-19. Si les chiffres du nombre de licenciés par fédération ne sont pas encore consolidés - car les inscriptions et réinscriptions s’étendent jusqu’à fin novembre – la tendance de cette rentrée 2020 se veut toutefois mauvaise pour de nombreuses disciplines. “La projection, au niveau de la prise de licence, pour le mouvement sportif est une baisse de 20 à 30%. Toutefois, nous n’avons pas encore l’impact précis des récentes dispositions sanitaires et attendons des chiffres consolidés”, indiquait mi-octobre le ministère des Sports. 

Craintes de contamination pour certain, incertitude quant aux prochains mois pour d’autres. Les raisons qui expliquent cette tendance sont nombreux. Toutefois, de nombreux Français ont malgré tout profité d’un mois de septembre plutôt encourageant après des mois compliqués à cause de la crise sanitaire pour renouveler leur confiance à leur club. Mais cette baisse du nombre de licenciés a notamment été accentuée par le manque d’infrastructures. En effet, le 23 septembre dernier, le ministre de la Santé Olivier Veran a annoncé que dans la zone d'alerte renforcée (Paris, Lille, Toulouse, Saint-Etienne, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, Bordeaux, Lyon et Nice), salles de sport, piscines et gymnases seraient "fermés" car ce "sont des lieux de contamination importants". Le ministère des Sports avait ensuite indiqué que les mineurs pourraient toujours pratiquer le sport en clubs, dans la continuité des cours d'EPS à l'école, et que les équipements resteraient ouverts pour les sportifs de haut niveau et les étudiants STAPS. En revanche, la fermeture serait effective pour les adultes pratiquants dans ces zones. 

Des annonces de fermetures d’infrastructures qui font tout chuter 

Cette annonce avait laissé le monde du sport amateur stupéfait, alors que ce secteur effectuait tout doucement sa rentrée, après le confinement du printemps. Surtout en cette période, puisque la fenêtre de septembre à novembre est la période la plus importante, pour la grande majorité des sports, pour les réinscriptions. Et malgré la mise en place de protocoles stricts, validés par les ministères des Sports et de la Santé, afin de reprendre leur activité. “En septembre, les licences se reprenaient plutôt normalement, explique Pierre-Henri Paillasson, directeur technique national à la fédération française de la montagne et de l'escalade (FFME). Mais depuis les annonces de la fermeture des gymnases, il y a eu une chute importante de la prise de licence. A mi-octobre, nous étions à -12% de prise de licence par rapport au même moment l'année dernière, avec une chute plus significative chez les adultes, puisque contrairement aux jeunes, les adultes n’ont plus le droit de pratiquer leur activité dans les salles de certaines zones.” En effet, si la baisse est de 7% chez les jeunes, elle est de 18% chez les adultes. “Nous avions mis en place un protocole strict pour la reprise de l’escalade en salle, et les gens avaient plutôt confiance. A la rentrée, nos cours jeunes étaient vraiment complets, peut-être même plus que l'année dernière. Ce qui a freiné les gens ce sont les fermetures des gymnases”, insiste Pierre-Henri Paillasson.

Une décision perçue comme trop radicale pour le milieu, et qui commence à inquiéter, notamment sur les finances. “La situation commence à être un peu inquiétante. On a refait les budgets et on se projette à -20 % sur la fin de l'exercice financier, qui se termine au 31 décembre. Ce chiffre prend en compte les mesures actuelles sur un délai de 15 jours. Mais si ça se durcit ou même que cette situation se maintient comme cela dans le long terme, autrement dit que les adultes ne peuvent pas grimper en salle, dans ce cas je pense qu'on aura une chute des licences encore plus forte. Et qui mettra en difficulté l'équilibre financier de la fédération.” Au risque de licencier ? C’est une possibilité, selon le DTN, car le budget 2021 sera lui aussi impacté.  

Un prolongement des mesures actuelles serait “catastrophique, et non-viable économiquement pour les associations” 

L’inquiétude est la même au sein de la fédération française de basket. A la mi-octobre, elle constatait elle aussi une chute de 11% sur le nombre de ses licenciés, par rapport à 2019, à la même période. “Est-ce que ce chiffre sera identique jusqu’à la fin de la saison ? On ne sait pas. On comptabilise les licences à la fin de la saison. On était sur une saison à 668 367 licenciés à la fin juin 2020. Aujourd'hui, on est à 402 000”, indique la FFBB. Là aussi, la fermeture des gymnases a mis un coup d’arrêt au lancement de la saison. “De plus, avec la fermeture des salles, on perd le lien avec les licenciés donc c’est plus difficile de faire revenir du monde ensuite”, confie la FFBB. Et ces licences en moins, auront des effets, là aussi, sur les finances de la fédération. “Clairement, quand vous baissez de 10% le nombre de vos licenciés, ça a un impact très fort sur les finances. On va être à quelques centaines de milliers voire millions d'euros en moins”, s’inquiète la Fédération.  

Un prolongement des mesures actuelles serait “catastrophique, et non-viable économiquement pour les associations. En plus, les associations pourraient se retrouver face à une baisse des dotations des collectivités territoriales, qui pourraient aussi les impacter sur leur équilibre budgétaire. C'est tout l'écosystème du monde associatif qui pourrait être pénalisé”, s’alarme la FFBB. Car dans le monde associatif, les deux vannes d'apport financiers sont les collectivités territoriales et les cotisations des adhérents. Tous les deux mis à mal avec la crise.

Presque aucune fédération n’est épargnée 

Et le schéma se reproduit dans de nombreuses fédérations. Pour la natation ou la danse, la baisse est elle aussi de 10% date à date à la mi-octobre. Même cas de figure pour la boxe, qui constate une baisse globale de 11% de ses licenciés. La Fédération de cyclisme relève quant à elle une baisse de 7% de ses licenciés, et ce dans toutes les disciplines (-10% en route/cyclo-cross/piste ; -6% VTT et -1% BMX). Là encore, la crise sanitaire et notamment le confinement ont été un facteur décourageant pour les adhérents. “De mars à août l’activité était quasiment à l’arrêt et beaucoup de coureurs n’ont pas repris de licence, sachant que chez nous la saison haute démarre en mars-avril", indique la fédération française de cyclisme. 

Côté sport de plein air, les voileux sauvent la mise. Malgré une baisse de 15% environ de licenciés, la fédération française de voile a réussi à réaliser une belle saison estivale, ce qui lui donne un peu d’air. “La voile est un sport saisonnier. Contrairement à d’autres sports, la prise de licence s’effectue plutôt l’été. Si nous avons vraiment eu peur pendant le confinement avec une chute importante, les vacances d’été ont été un bon rattrapage. En école de voile, on a même refusé du monde”, précise Nicolas Henard, le président de la fédération française de voile. “Les voileux, nous sommes habitués à s'adapter à ce qu’on a, car dans notre discipline, on doit s’adapter aux conditions climatiques”, souligne le président. Malgré un été satisfaisant, la FFV ne sera pas épargnée par les conséquences économiques. “Sur un budget de 11 millions d’euros environ, cinq millions proviennent des licences, cinq millions sont des aides directes ou indirects de l’Etat et le million restant est apporté par les partenaires. Donc avec une chute de 15% environ des licences, c’est un million de perte sur le budget. Cela nous fait souffrir, mais on sort quand même pour le moment.” 

A la fédération de Judo aussi, les chiffres sont en baisse. Mi-octobre, le pourcentage de prise de licence était de –27% par rapport à 2019. Si ces chiffres ne sont pas encore définitifs, ils n’en restent pas moins un coup lourd à porter. "Si la situation continue comme ça, avec des infrastructures fermées, nous avons estimé les pertes à 6 millions d’euros", souligne Jean-Luc Rougé, président de la Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées (FFJDA), qui tient aussi à rappeler que toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. “Dans le Lot, nous avons un nombre de licenciés qui se maintient, car il n’a pas de restrictions. En revanche, en Gironde, la préfète a interdit l’ouverture des clubs. Il faut aussi prendre en compte que parfois, ce sont les maires qui ne veulent pas rouvrir des salles pour ne pas prendre de risque ou parce que les petites municipalités n’ont pas les moyens financiers pour mettre en place les mesures sanitaires”, ajoute le président de la FFJDA, qui doit composer avec toutes ces situations diverses.

Et des situations diverses, la fédération française de handisport en connaît aussi. Dans la même situation que de nombreuses autres fédérations, elle subit elle aussi une chute d'environ 15% de ses licenciés par rapport à la saison passée. "Nous sommes inquiets", confie la fédération. Seule satisfaction, l'intégration par le ministère en charge des Sports des personnes en situation de handicap à la liste des publics prioritaires, au même titre que les sportifs de haut niveau et les étudiants STAPS par exemple. Un statut qui leur permet de conserver l'accès " à toute forme de pratique sportive, dans tous les types d’équipements sportifs (couvert ou plein air) sur l’intégralité du territoire (y compris zones de couvre-feu)". Mais malgré cette nouvelle mesure, les réalités locales sont encore trop disparates, et loin d'être mise en oeuvre dans l'ensemble des territoires, regrette la fédération. 

Le foot, le tennis, l’équitation et le rugby se maintiennent à flot 

Quelques disciplines seulement parviennent à tirer leur épingle du jeu. Si la fédération française de football n'aura des chiffres consolidés qu'en début d'année 2021, la tendance de la rentrée est satisfaisante. Au 18 septembre, dernier relevé, la FFT enregistrait une baisse globale de -0,2%, ce qui est infime. De son côté, le tennis ne concède qu’une légère baisse de moins de 7000 licenciés, soit moins de 1%. Tout comme l’équitation, qui se félicite d’une tendance plutôt positive. En ce début 2020, la FFE comptait déjà 601 166 en 2020 contre 617 524 en 2019.

Le rugby aussi se porte bien malgré la crise sanitaire. Au 30 septembre, 195 013 licenciés étaient déjà affiliés, soit une progression de +4,73% de licenciés par rapport à l’année précédente au même moment de la saison. Ces sports bénéficient notamment d’un atout de taille, celui de se pratiquer en plein air, et pour le tennis s’il est joué en intérieur d’être un sport sans contact. L’athlétisme, discipline qui peut aussi compter sur ces même atouts, n’a pas encore relancer son programme de licence. Contrairement aux autres fédérations, elle a décidé de prolonger les licences de l’an passé sur autant de mois que les licenciés n’ont pas pu pratiquer. Les licences actuelles courent donc jusqu’à fin novembre. Un moyen qui leur permettra peut-être de sauver leurs réinscriptions de cette nouvelle saison.  

Quel avenir pour les fédérations ?

Les fédérations ne sont guère optimistes à les écouter dresser les lignes des prochains mois. Car les scientifiques le disent de plus en plus aujourd'hui, une issue n’est pas envisageable avant au moins l’été 2021. La nécessité de vivre avec le virus est donc essentielle. Dans cette optique, chacun essaie d’avancer. A la fédération de voile, le président espère que, grâce aux protocoles strictes mis en place, des décisions locales ne seront pas prises en plus des décrets nationaux, mais aussi que le “tissu économique sera au rendez-vous pour les prochains événements. On a fait le dos rond cette année, mais on aimerait ne pas le faire chaque année”, craint Nicolas Hénard. Du côté du judo, Jean-Luc Rougé veut croire en l’avenir. “On est comme tout le monde, on vit au rythme du virus. Aujourd’hui, notre espoir est que les effets de la fermeture des salles se ressentent avant la fin des vacances scolaire de Toussaint. Si c'était le cas, ça serait intéressant car peut-être que les parents pourraient réinscrire leur enfant”. 

La Fédération française de basket se projette quant à elle déjà à l’année prochaine. “Si la situation perdure, c'est un vrai drame car il sera difficile de récupérer les adhérents en cours de saison. Il faudra que les clubs s'adaptent. Par exemple, pourquoi pas proposer des cotisations loisir dès janvier à un tarif réduit ?”, imagine la FFBB. Plus globalement, c’est la pratique du sport qui est mise en avant, car c'est pour elle que se battent les fédérations. “Ce n’est peut-être pas le sport qu'il faut limiter en ce moment, car il y a des enjeux de santé. Toutes les fédérations ont mis en place des protocoles très stricts et ont travaillé avec le ministère des Sports de manière très rapprochée pour mettre en place ces protocoles. Je pense donc qu'il serait bien que les clubs soient respectés”, conclut Pierre-Henri Paillasson, directeur technique national de la fédération française de la montagne et de l'escalade.  

* Les informations ont été récoltées avant l’annonce du couvre feu. Les fédérations ne comptabilisent pas toutes les licenciés de la même manière. Certaines comptent à la fin de chaque mois, d'autres par semaine par exemple. 
* La fédération de handball n'a pas répondu à nos demandes. 

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