Chris Paul, enfin parmi les géants
Été 2013. Après neuf saisons et un titre à Boston, Doc Rivers prend la tête des Clippers, l’un des effectifs les plus étoffés de la ligue. Chris Paul est l’un des premiers joueurs avec lequel il tient à s’entretenir individuellement. Le meneur de jeu se souvient : "En gros, il m’a dit que je n’étais rien. Il m’a dit que je n’avais rien fait, rien gagné dans cette ligue. Il avait raison". Depuis, le septuple All-Star est toujours le premier à hausser le ton quand les choses ne vont pas, à se jeter sur une balle perdue, à aller au charbon et à prendre ses responsabilités quand l’écart est minime ou quand son équipe court après le score. Mais au final, trop souvent, son équipe perd quand même.
Ce n’est pas une question de talent, de cœur, ni même d’attitude : CP3 est l’un des meilleurs meneurs de jeu au monde, un indéniable leader. C’est davantage une question de trempe. Celle qui forge les winners : Kobe Bryant, Dwyane Wade, Paul Pierce, auxquels Chris Paul ne peut être comparé tant qu’il n’a "rien gagné".
De la caste sélect’ des gagnants, Tony Parker et Tim Duncan sont les plus éminents représentants. Eux n’ont jamais raté les playoffs, et ont plus souvent remporté le titre (depuis l’arrivée de "TP" : 2003, 2005, 2007, 2014) que perdu au premier tour (2009, 2011). Ce sont des vainqueurs, des vrais. Mais la nuit passée, alors que San Antonio et Los Angeles étaient au coude-à-coude (109-109) dans le money time d’un Game 7 étouffant, Chris Paul a attaqué le panier sous les yeux de Tony Parker, puis a déclenché un tir alambiqué au-dessus des longs bras de Tim Duncan.
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"Avec Doc (Rivers) et Blake (Griffin) on a parlé ce matin même de ce cas-de-figure précis, un shoot à la dernière seconde, a expliqué Paul à la fin de la rencontre. On a déjà été souvent dans cette situation, et pour être honnête, on s’en est rarement bien sorti". Cette fois-ci, son shoot à une main et en déséquilibre a caressé le haut de la planche pour faire mouche alors que le chrono s’arrêtait à une seconde du buzzer. En une action de légende, Chris Paul a éliminé les champions NBA en titre, peut-être mis fin à la carrière de Tim Duncan, sans doute à celle de Manu Ginobili. En un match impeccable (27 points à 9/13 au final), il a effacé les déceptions passées et pris une nouvelle dimension.
"Dans 20 ans, j'en parlerai encore"
Chris Paul n’a jamais manqué de caractère. Lorsqu’il était au lycée, son grand-père avait été assassiné à l’âge de 61 ans. Le lendemain, il lui avait rendu hommage en marquant 61 points. L’histoire peut sembler un peu trop romancée, elle est pourtant véridique et témoigne de la mentalité du garçon : il sait faire face à l'adversité, se relever des échecs, des doutes. Samedi, Paul a même passé outre ses douleurs aux ischio-jambiers, qui l’avaient pourtant obligé à rejoindre le banc en fin de premier quart-temps. "J’ai pensé à notre saison, à Blake (Griffin), à DeAndre (Jordan), à tous les gars de l’équipe, à leur implication. J’étais pris par l’émotion car après des mois de travail, d’entraînement, de repos, de privations, mon corps me lâchait au pire des moments".
En revenant sur le parquet avant la mi-temps, Paul est clairement limité mais il ne flanche pas. Il marque 18 de ses 27 points en deuxième période. Au buzzer du troisième quart-temps, sur une jambe, il rentre un improbable trois-points. Puis ce game-winner, le plus important de sa carrière. Si CP3 et les Clippers doivent désormais confirmer face aux Rockets en demi-finale de conférence, le shooteur de l’effectif californien, J.J Redick, n'oubliera jamais la performance de son meneur : "Dans vingt ans, je parlerai encore de ce match, de cette série, de ce petit gars et du cœur qu’il avait sur un terrain de basket".
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