Cet article date de plus d'un an.

Brittney Griner : de son arrestation à sa libération par échange de prisonniers, on vous résume l'affaire en huit actes

Condamnée à neuf ans de prison pour "possession de stupéfiant" par la justice russe, la basketteuse américaine Brittney Griner a été libérée, jeudi.
Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
La Basketteuse Brittney Griner lors du match pour le titre olympique contre le Japon, le 8 août 2021, à Saitama (Japon). (CHARLIE NEIBERGALL / AP)

Il aura fallu 10 mois pour que la joueuse retrouve son pays. Emprisonnée depuis février en Russie pour "possession de stupéfiant", la basketteuse américaine Brittney Griner, double championne olympique et considérée comme l'une des meilleures joueuses de basket au monde a été libérée jeudi 8 décembre, lors d'un échange de prisonniers entre Washington et Moscou. Initialement condamnée à neuf ans de prison ferme pour ce délit, la star des Phoenix Mercury (Arizona) a été échangée jeudi à l'aéroport d'Abou Dhabi, contre un prisonnier russe, détenu aux Etats-Unis. Retour en huit dates clés sur l'affaire Griner. 

17 février : Brittney Griner est arrêtée à Moscou 

Tout commence le 17 février. Ce jour-là, à quelques jours de l'offensive russe en Ukraine, l'athlète de 31 ans débarque à l'aéroport de Sheremetyevo de Moscou par un vol en provenance de New York. L'athlète est arrêtée en possession d'un liquide de vapoteuse à base de cannabis, substance illégale en Russie. L'inspection de son bagage à main permet de "confirmer la présence de vapoteuses (et) d'un liquide présentant une odeur particulière", précise alors le service fédéral des douanes de Russie dans un communiqué. 

La star de la ligue de basket nord-américaine féminine s'était rendue en Russie pour y jouer lors de l'intersaison américaine. Une pratique courante pour les basketteuses de WNBA, qui gagnent souvent mieux leur vie à l'étranger qu'aux Etats-Unis.

5 mars : l'affaire révélée publiquement

Jusqu'ici l'arrestation est passée sous silence. Mais quinze jours après l'interpellation de Brittney Griner, celle-ci est révélée publiquement. Toutefois, entre son interpellation et la révélation publique de l'affaire, l'armée russe a lancé une offensive en Ukraine, le 24 février. L'information passe ainsi au second plan et sous silence.

A Washington, où l'on redoute que la joueuse ne devienne un outil de pression dans le conflit ukrainien, on justifie cette absence de réaction par de la stratégie d'action. "Pour les Américains détenus, nous ne donnons généralement pas de détails car cela ne fait pas avancer les choses pour les ramener à la maison", commentait alors Jen Psaki, porte-parole de la Maison-Blanche. 

Son club des Phoenix Mercury publie un court communiqué, écrivant simplement avoir été "informé" de la situation de sa joueuse. Sa femme, Cherelle Griner, appelle à "respecter [leur] vie privée" pendant qu'elle travaillait "à faire rentrer [s]a femme en toute sécurité".

4 juillet : Brittney Griner appelle Joe Biden à l’aide

Les mois passent, et la situation de Griner s'enlise dans une certaine indifférence, du moins publiquement. Le 4 juillet, Brittney Griner lance alors un appel à l’aide dans une lettre destinée au président américain Joe Biden. "Je suis terrifiée à l’idée d’être ici pour toujours. Je me rends compte que vous faites face à tant de choses, mais s’il vous plaît, ne m’oubliez pas, ainsi que les autres détenus. S’il vous plaît, faites tout ce que vous pouvez pour nous ramener à la maison", écrit la basketteuse.

Sa femme monte elle aussi au créneau pour la première fois dans les médias pour demander une réaction à la Maison Blanche. En parallèle, la superstar de la NBA LeBron James, interpelle le monde sur le cas de la joueuse, double championne olympique à Rio et Tokyo. Il estime que les autorités américaines ne font pas suffisamment d'efforts pour rapatrier sa compatriote. "Comment peut-elle se sentir soutenue par les Etats-Unis ?", s'était interrogé le joueur, quadruple champion NBA et désigné quatre fois meilleur joueur de la ligue sur YouTube. "Dans son cas, je me demanderais : 'Est-ce que j'ai même envie de rentrer en Amérique ?'"

Washington n'a plus d'autres choix que de réagir. Joe Biden décide donc de signer un décret autorisant les agences gouvernementales à imposer des sanctions financières ou des interdictions de voyager aux fonctionnaires étrangers ou aux acteurs non étatiques impliqués dans des détentions injustes d’Américains.

4 août : Brittney Griner condamnée à neuf ans de prison en Russie

Fin juillet, la joueuse est jugée lors de son procès. Depuis son arrestation, elle clame son innocence et indique avoir apporté par inadvertance du cannabis médicinal en Russie, prescrit par son médecin, sans jamais avoir eu l'intention de faire de la contrebande de drogue. "Je n'ai pas eu l'idée, ni ne prévoyais d'introduire des substances interdites en Russie", déclare l'Américaine.

Brittney Griner parle avec ses avocats Alexander Boykov (à droite), et Maria Blagovolina, dans une salle d'audience du tribunal du district de Khimki, à côté de Moscou (Russie), le 15 juillet 2022. (DMITRY SEREBRYAKOV / AP)

Elle précise qu'elle ne faisait usage de cannabis médicinal, légal aux Etats-Unis, uniquement sur ordonnance et sur ses jours de repos, afin de soulager des "douleurs" liées à sa pratique intensive du basket. "C'est à cause de toutes les blessures que j'ai eues pendant cette longue période de basket-ball. Cela va de mon dos aux cartilages. Et j'ai été en chaise roulante pendant quatre mois, je m'étais foulé la cheville", détaille-t-elle devant les juges.  "J'ai commis une erreur de bonne foi et j'espère que le jugement ne mettra pas fin à ma vie ici", supplie-t-elle. Mais sa justification ne convainc pas les juges, qui la déclarent coupable de possession et de trafic de drogue et requièrent "neuf ans de détention dans une colonie pénitentiaire" à son encontre. Immédiatement, les avocats de Brittney Griner annoncent qu'elle fera appel.

Sa condamnation suscite une vague d’indignation, à commencer par la Maison blanche, qui dénonce une détention "abusive" et "arbitraire".. "C’est inacceptable et je demande à la Russie de la libérer immédiatement afin qu’elle puisse retrouver sa femme, ses proches et ses coéquipières", exhorte Joe Biden dans un communiqué après l’annonce du jugement. La WNBA et la NBA dénoncent d'une même voix une décision "injustifiée et malheureuse. Le verdict […] était prévisible et Brittney reste détenue à tort". Ce même 4 août, les joueuses de Phoenix et de Connecticut observent 42 secondes de silence, comme le numéro de maillot de la joueuse, avant leur match de championnat.

5 août : la Russie "prête" à discuter d'un échange de prisonniers

Au lendemain de la condamnation de la basketteuse, la Russie ouvre la voie à un échange de prisonniers avec les Etats-Unis. "Nous sommes prêts à discuter de ce sujet, mais seulement dans le cadre du canal [diplomatique] qui a été convenu par les présidents Poutine et Biden", avance vendredi 5 août le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Du côté américain, on assure que les discussions se poursuivent. 

Dès fin juillet, Washington avait déclaré avoir fait une offre "conséquente" et "sérieuse" à la Russie afin d'obtenir le retour de Brittney Griner et de Paul Whelan, un Américain qui purge une peine de 16 ans de prison en Russie pour "espionnage". Le nom de Viktor Bout, surnommé le "marchand de mort", un trafiquant d'armes russe qui purge 25 ans de prison aux Etats-Unis, est cité comme contrepartie pour les Russes. 

25 octobre : Griner voit sa demande en appel rejetée

La guerre fait toujours rage et les tensions entre Moscou et Washington restent élevées. Toujours emprisonnée en Russie, Brittney Griner espère voir une issue dans sa demande d'appel. Mais le 25 octobre, sa demande de réduction de peine est rejetée par la justice russe. En parallèle, les négociations pour les échanges de prisonniers semblent au point mort.

Seule petite victoire pour la joueuse : chaque jour passé en détention avant sa condamnation le 17 février sera comptabilisé comme un jour et demi, et déduit du total de la peine à purger.  

17 novembre : transfert dans une prison en dehors de Moscou

Après plusieurs mois incarcérée dans une prison moscovite, Brittney Griner est transférée début novembre dans une autre prison, en dehors de Moscou, sans pour autant avoir une officialisation de sa localisation précise. Ce n'est que le 17 novembre que les avocats de la championne américaine rendent l'information publique, précisant que leur cliente est détenue dans une colonie pénitentiaire pour femmes en Mordovie, au sud-est de Moscou. 

Les colonies pénitentiaires russes, particulièrement en Mordovie, sont réputées pour les mauvais traitements infligés à leurs détenus, qui sont entassés dans des baraquements insalubres et souvent sans accès à des soins adéquats. "La Fédération de Russie n'a toujours pas fourni de notification officielle pour un tel déménagement d'une citoyenne américaine, ce que nous contestons vivement. L'ambassade a continué à faire pression pour obtenir plus d'informations sur son transfert et son emplacement actuel", a réagi un porte-parole du gouvernement américain.

Cherelle Griner, épouse de la star Brittney Griner, a pris la parole après l'annonce par le président Joe Biden, de la libération de sa femme, dans le cadre d'un échange de prisonniers avec la Russie, jeudi 8 décembre 2022. (PATRICK SEMANSKY / AP)

8 décembre : Griner est libérée lors d'un échange de prisonniers

Après dix mois d'incarcération, Brittney Griner est libérée le jeudi 8 décembre lors d'un échange de prisonniers entre Washington et Moscou. La joueuse a été échangée contre le marchand d'armes russe Viktor Bout. Les autorités russes ont affirmé que la procédure d'échange avait été "accomplie avec succès" à l'aéroport d'Abou Dhabi. La fin d'un long calvaire. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.