Après la victoire à l'Euro, la France va-t-elle (enfin) devenir un pays de basket ?
Vous avez peut-être vibré dimanche devant l'exploit de la bande à Tony Parker. De là à vous passionner pour le ballon orange sur la durée ?
En Lituanie, l'adversaire malheureux de la France en finale de l'Euro, dimanche 22 septembre, on vit basket, on respire basket et on mange basket. Littéralement. Il n'est pas rare de manger des pizzas en forme de ballon de basket, note PressEurop. On en est encore très loin en France, malgré la victoire de la bande à Parker, qui met fin à 70 ans de disette et de places d'honneur.
Le deuxième sport collectif de France... sur le papier
Sur le papier, le basket a tout pour réussir. Deuxième sport collectif en terme de licenciés, cinquième au total derrière le foot, l'équitation, le tennis et le judo, il se situe devant le rugby et le handball, avec près de 450 000 mordus. Le ballon orange séduit particulièrement les femmes, avec 40% de licenciées, et une équipe de France - les Braqueuses - qui enchaîne les performances depuis cinq ans. Avec la finale féminine et la victoire des hommes, la fédération peut tabler à coup sûr sur une hausse du nombre de licenciés pour cette nouvelle année. Mais de là à ancrer durablement le basket dans le paysage sportif français, il y a une marge.
La France du basket, c'est une France des villes moyennes du Nord-Ouest, aire délaissé par le foot et le rugby. La taille moyenne des villes représentées en Pro A s'élève à 90 000 habitants contre 800 000 en Espagne ou 450 000 en Italie. Difficile dans ces conditions de faire émerger un grand club avec une grande salle et des moyens à l'avenant.
Le tournant manqué des années 90
Pourtant, au début des années 90, le basket est ambitieux. Le président de la fédération de l'époque rêve de devenir "le sport de l'an 2000" avec 800 000 licenciés au tournant du millénaire, note Basket Info. A l'époque, les meilleurs clubs hexagonaux, Limoges, Villeurbanne, Pau, accumulent les épopées européennes et ont droit aux honneurs de diffusions sur les chaînes nationales. La consécration arrive aux Jeux olympiques de Sydney (Australie), quand les Bleus échouent en finale, battus de peu par les Etats-Unis.
A l'époque, la fédération se trouve prise de court et peine à surfer sur ce succès. Pour preuve, le nombre de licenciés baisse juste après la médaille olympique !
C'est à ce moment-là que le basket laisse s'échapper le rugby, puis le handball, dans la hiérarchie des sports collectifs dans les médias. Depuis, le basket est devenu un sport mineur, même si la fédération parvient à bien médiatiser les compétitions des équipes nationales chaque été. Comme le résume Gilles Dumas, président de l'agence de marketing sportif Sportlab, "le public s'enthousiasme sur une finale aux JO, un moment de forte médiatisation pour les sports mineurs, mais sa capacité d'oubli est très forte."
"Dans dix jours, le grand public les aura oubliés"
Et il y a risque majeur d'oubli. Car le championnat de France ne fait pas rêver grand monde. Seuls quatre des douze champions d'Europe y jouent. "Ils vont faire 'Le Grand Journal', on va les voir en photo dans toute la presse, mais dans dix jours, on les aura oubliés, car on ne reverra plus l'équipe de France avant l'été prochain à la Coupe du monde en Espagne, regrette Antony Thiodet, ancien président du club de Villeurbanne, contacté par francetv info. La victoire des Français a été incarnée dans les médias par Tony Parker. Or, "TP" vit à 10 heures d'avion de Paris. C'est pour ça que cette victoire ne changera pas la face du basket français."
Pour fidéliser le public acquis lors de cette victoire, rien de tel... qu'un championnat national fort, véritable feuilleton, à même de maintenir l'intérêt tout au long de l'année. Quelques exploits européens feraient bien dans le paysage. Rien de tout ça dans le basket français. Chaque année, une équipe différente est sacrée - en juin, c'était le petit poucet Nanterre - et, en Coupe d'Europe, les clubs tricolores regardent les matchs importants à la télévision.
L'ombre étouffante de la NBA
Renforcer les clubs en faisant venir des stars dans le championnat, c'est mission impossible. "Même avec l'argent du Qatar, un éventuel PSG Basket ne pourrait pas mettre 10 millions de dollars par an pour récupérer Tony Parker. Même un joueur français qui joue 3 minutes par match en NBA ne reviendrait pas, regrette Antony Thiodet. En basket, il est difficile d'être attractif pour un club français."
Le public a donc le choix entre regarder les stars de la NBA à 2 heures du matin ou tenter de suivre des Gravelines-Roanne avec 5 000 spectateurs dans la salle et quelques dizaines de milliers devant leur poste de télévision. Le choix se fait très largement en faveur de l'hégémonique championnat américain. "Cette médaille d'or ne peut qu'être un plus, pas un acte fondateur, estime Nicolas Bourreau, auteur du blog spécialisé AdVitam Basketball, contacté par francetv info. Ça va aider le basket en France, mais pas le basket français, qui n'est pas prêt à profiter de ce succès. On l'a déjà vu quand les joueurs de NBA sont revenus en France, lors du lock-out aux Etats-Unis, ça a fait parler deux mois et ensuite l'intérêt pour la Pro A s'est estompé." Un basket français doit se réinventer pour ne plus être dépendant des exploits de l'équipe nationale.
Exploits qui seront peut-être de courte durée. Tony Parker, Nicolas Batum et Boris Diaw risquent fort de faire l'impasse sur la Coupe du monde en Espagne, à l'été 2014, et pour une fois souffler pendant l'été. Une élimination prématurée n'est pas à exclure. De quoi (déjà) dilapider le capital sympathie de cette équipe ?
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