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Tennis : "Roland-Garros sera très ouvert cette année", prévoit Patrick Mouratoglou, nouveau consultant France Télévisions

Patrick Mouratoglou est notamment l'entraîneur emblématique de Serena Williams, mais aussi de Stefanos Tsitsipas et, récemment, de Simona Halep.

Article rédigé par franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Patrick Mouratoglou à l'entraînement sur le court Philippe-Chatrier de Roland-Garros, le 29 mai 2021. (ROB PRANGE / SPAIN DPPI / AFP)

Patrick Mouratoglou est l'une des figures du tennis mondial. Entraîneur de plusieurs des meilleurs joueurs et joueuses du circuit depuis une dizaine d'années, le Français sera consultant pour France Télévisions lors de Roland-Garros, en 2022. L'occasion pour Tout le sport de faire le point avec l'entraîneur historique de Serena Williams sur l'édition du majeur français à venir, mais aussi sur le phénomène Carlos Alcaraz et les athlètes qu'il a sous sa houlette. Entretien réalisé par Fabien Lévêque.

Tout le sport : Nous devrions assister cette année à une édition très ouverte de Roland-Garros. Quelle analyse avez-vous sur la quinzaine à venir ?

Patrick Mouratoglou : L'édition de cette année est très ouverte. On ne peut pas dire qu'elle l'était depuis un certain nombre d'années à cause d'un joueur espagnol qui a tout raflé (sourire). Et pour la première fois cette année, même s'il a très bien joué toute la saison, sa blessure soudaine va générer un manque de matchs, va laisser l'occasion à Novak (Djokovic) de se refaire et, du coup, ça rebat les cartes. Et il y a ce fameux (Carlos) Alcaraz qui ne cesse d'impressionner et qui arrive comme un boulet de canon.

Justement, ce que fait Carlos Alcaraz depuis le début de saison est assez éblouissant. On le sent même en mesure d'aller chercher Roland-Garros dès cette année. Est-ce aussi votre impression ?

Honnêtement, oui. Cela paraît fou, parce que évidemment il y a les deux monstres : Rafa et Novak. Il y a aussi un groupe de jeunes qui s'est imposé depuis deux, trois ans avec des (Alexander) Zverev, (Daniil) Medvedev, (Stefanos) Tsitsipas. Il y a quand même du monde. Et puis il y a ce jeune qui arrive, qui joue un tennis incroyable et qui montre sur le papier tout ce qu'il faut pour gagner. D'abord les victoires, car il ne cesse de gagner, des qualités physiques hors normes – et on sait à quel point c'est important dans un tournoi comme Roland qui est un vrai marathon , un mental incroyable et une espèce de puissance. On a l'impression que c'est un rouleau compresseur incroyablement dur à arrêter. Un Rafa en pleine confiance s'est imposé avec beaucoup de difficultés face à lui. On ne peut pas le mettre parmi les favoris, ce serait fou, mais juste derrière.

"S'il y avait des cases à cocher pour Carlos Alcaraz, il les cocherait toutes"

Est-ce qu'il peut donc gagner dès cette année à Roland-Garros ?

Oui, Carlos Alcaraz peut gagner Roland-Garros dès cette année. Il n'y a aucun doute pour moi. Ça peut le faire, je ne dis pas qu'il va le faire, mais qu'il en a la capacité. Il va tenir cinq sets sans aucun problème, il va tenir quinze jours sans aucun problème, il a battu déjà quasiment tous les meilleurs, il n'a aucune pression et une qualité physique et de jeu incroyables. Il est en telle progression qu'il va être très dur à arrêter.

Nouveau consultant France Télévisions, Patrick Mouratoglou nous livre son analyse sur la prochaine édition de Roland-Garros. Carlos Alcaraz peut-il gagner cette édition 2022 ?
Tennis : l'analyse de Patrick Mouratoglou Nouveau consultant France Télévisions, Patrick Mouratoglou nous livre son analyse sur la prochaine édition de Roland-Garros. Carlos Alcaraz peut-il gagner cette édition 2022 ?

Qu'est-ce qui vous impressionne le plus chez Carlos Alcaraz ?

Tous les joueurs que je connais qui ont joué contre lui, depuis longtemps, me disent : "Qu'est-ce qu'il est fort !". Même des joueurs qui l'ont battu, il y a un an. Et il y a déjà un monde entre le Alcaraz d'il y a un an et celui d'aujourd'hui. C'est un joueur qui progresse à une vitesse phénoménale, c'est un signe, incontestablement. Quand un joueur brûle les étapes comme lui, en général, c'est très bon signe. Il impressionne tout le monde par la qualité de sa frappe, par ses qualités physiques et sa capacité à gagner. On a l'impression qu'il n'a aucun doute, qu'il se sent au niveau des meilleurs et qu'il a une ambition débordante. Il n'y a rien qui le satisfait à part gagner des tournois, et peu importe lesquels. S'il y avait des cases à cocher, il les cocherait toutes.

Vous entraînez aussi désormais Simona Halep, pourquoi avoir fait ce choix ?

C'est vraiment un choix du coeur. J'ai toujours fait comme ça, j'ai toujours suivi mes instincts. Simona est une joueuse exceptionnelle qui a déjà fait des choses fantastiques dans sa carrière. On a déjà une matière première qui est top, on a une relation de confiance sur laquelle on peut construire quelque chose. Elle a encore la capacité de faire beaucoup mieux que ce qu'elle a fait aujourd'hui. Elle a 30 ans, le même âge auquel j'ai commencé à travailler avec Serena (Williams). On est un peu dans la même configuration où elle joue moins bien depuis deux ans, elle se pose plein de questions. On a fait deux entraînements, la mayonnaise a pris et elle a vite retrouvé toute la motivation.

Et quid de Serena Williams ?

Je ne veux pas parler en son nom. On a eu une discussion avant que je commence à travailler avec Simona. Je lui ai demandé si elle avait pour projet de rejouer à court terme, elle ne m'a pas donné de réponse. Donc je lui ai dit que j'avais envie de travailler et que, si elle avait de nouveau de la visibilité, on rediscuterait. Depuis, elle a annoncé vouloir jouer Wimbledon sur les réseaux sociaux, ce qui m'a surpris, mais c'est parfois difficile de décrypter le langage Serena, même si je la connais depuis dix ans.

Serena Williams et son coach Patrick Mouratoglou lors de son entraînement à Roland-Garros, le 24 mai 2018. (MAXPPP)

D'autant plus que la fin de carrière approche pour Serena Williams...

Évidemment, elle va avoir 41 ans au mois de septembre. Elle est maman, elle a beaucoup, beaucoup de choses dans sa vie. C'est une businesswoman accomplie qui vient de faire une grosse levée de fonds pour un fonds qu'elle a créé pour investir dans la tech. Elle a déjà suffisamment de choses à faire pour sa prochaine vie et pour les deux prochaines même. Mais en même temps, le tennis c'est sa vie. Elle y joue depuis qu'elle a quatre ans, c'est la chose qui lui a donné le plus de satisfactions et je pense que c'est dur pour elle d'arrêter. D'où ces hésitations et c'est parfaitement compréhensible.

Vous accompagnez aussi Stefanos Tsitsipas. Qu'est-ce qui lui manque pour aller chercher ce grand chelem, là où on l'attend finalement ?

Il ne lui manque pas grand chose mais pas mal de choses en même temps. On peut faire une finale de grand chelem et en gagner une, on a l'impression que ce n'est pas grand-chose : il lui a manqué un set. Mais bon, voilà, ce set là, il faut le faire. Il y a encore des domaines dans lesquels il peut progresser. Ce qui est très bien c'est qu'il a cette volonté de progresser, il a un super état d'esprit et il est archi, archi motivé. L'an dernier il a fait une grosse saison. Il y a plusieurs secteurs du jeu où il doit être meilleur. Car à ce niveau-là, les moindres faiblesses seront utilisées par les adversaires. Je cherche d'ailleurs toujours les faiblesses de Novak et Rafa. 

La saison est aussi très particulière pour Novak Djokovic. Quel est votre regard sur la saison du Serbe ?

Il y a deux éléments qui pèsent : évidemment le manque de matchs et surtout le nombre de défaites. Ce n'est pas un joueur qui a l'habitude de perdre. Sur ces tournois-là, il ne perd jamais sinon en finale contre un Rafa ou un joueur comme ça. Donc pour lui, perdre au troisième tour à Dubaï et encore pire, au premier de Monte-Carlo, forcément ça génère du doute. Ajouté à cela le départ de son entraîneur, qui est quand même historique pour lui et qui l'a accompagné tellement longtemps. Il avait déjà eu cette période de flottement après s'être séparé de son entraîneur.

Et puis il y a toutes ces histoires qui pèsent. Il a déchaîné les foudres autour de lui et ce n'est pas un contexte très apaisant. Si on cumule tout cela, ça fait beaucoup pour un homme. Il était en position idéale pour devenir le plus grand, et là il y a un coup d'arrêt. Et ça a redonné la confiance à Rafa. Il ne peut pas se permettre de ne pas gagner Wimbledon et, idéalement, il faudrait gagner Roland-Garros aussi. Il doit se remobiliser tout de suite. Si j'étais à sa place, j'irais jouer des petits tournois pour gagner des matchs, tout Novak qu'il est.

Rafael Nadal sera là pour Roland-Garros avec les dents qui rayent le parquet. On sait qu'il sera présent pour récupérer son titre...

Est-ce que vous avez déjà vu Rafael Nadal sans les dents qui rayent le parquet ? (rires) C'est quand même une de ses plus grosses qualités. C'est vrai qu'après la défaite l'an dernier il va revenir avec encore plus d'envie, si c'est possible, mais en tout cas avec beaucoup de confiance. Je crois qu'il n'a jamais fait un début de saison comme ça, jusqu'à se blesser. Il va un peu manquer de matchs mais je pense qu'on va avoir un Rafa en grande confiance à Roland, à moins qu'il ne soit arrêté par Novak, mais pas celui de Monte-Carlo.

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