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La Russie a menacé les contrôleurs et empêché 736 contrôles antidopage depuis novembre 2015

L'Agence mondiale antidopage (AMA) a annoncé que certains de ses contrôleurs avaient été menacés d'exclusion du pays par les services secrets russes, et que 736 contrôles antidopage n'avaient pas pu se dérouler. Cette annonce intervient à deux jours de la décision de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) de maintenir ou pas la suspension des athlètes russes pour les Jeux Olympiques de Rio, cet été.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Trois des membres de la Commission indépendante de l'Agence mondiale antidopage (FABRICE COFFRINI / AFP)

La Russie a-t-elle changé ? L'état russe a-t-il tourné le dos à son fonctionnement passé, décrit dans le rapport de la commission d'enquête indépendante de l'AMA ? Visiblement, l'Agence mondiale antidopage n'y croit pas. A deux jours de la décision de la Fédération internationale (IAAF) d'interdire de JO les athlètes russes à Rio ou de les remettre dans le jeu, les annonces de l'AMA pourraient ressembler à un dernier coup de boutoir pour éviter que les Russes ne soient sur la piste d'athlétisme à Rio cet été.

Des contrôleurs antidopage ont été menacés d'exclusion de Russie par les services secrets russes alors qu'ils tentaient de mener des tests sur des sportifs du pays en amont des JO de Rio, a indiqué mercredi l'Agence mondiale antidopage. Ces menaces, ainsi que l'impossibilité de mener 736 contrôles dans le pays sur près de 3000 réussis depuis novembre 2015, témoignent des difficultés rencontrées par l'AMA à évaluer les progrès de la Russie en matière de lutte contre le dopage.

"Des argents armés du FSB (les services secrets russes) ont menacé d'expulser du pays des contrôleurs", écrit l'AMA dans son rapport. Ces scènes se sont passées en Russie, dans des villes de garnison, "souvent choisies" comme lieu de résidence par de nombreux sportifs russes obligés de se géolocaliser conformément au code mondial antidopage, afin que les contrôleurs puissent les trouver. Ces villes de garnison ont la particularité d'être difficiles d'accès. "Les sportifs savent qu'il est nécessaire d'obtenir des autorisations spéciales pour y pénétrer", écrit l'AMA. L'accès à ces villes a été demandé en février 2016. "Au 27 mai 2016, l'Agence russe antidopage (Rusada) en a garanti l'accès mais aucun document officiel n'a été fourni par le ministère des Sports", explique l'AMA. Dès lors, les contrôleurs qui s'y aventurent sont victimes "d'intimidations".

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Pour l'AMA, le comportement des Russes demeure donc celui qui a été mis en cause lors des JO-2014 de Sotchi, où le services secrets avaient déjà joué un rôle pour éviter à des athlètes dopés d'être contrôlés positifs, en changeant les prélèvements dans le laboratoire antidopage. Et pourtant, officiellement, la Russie a assuré l'AMA de son plein concours. Une simple formule de politesse, semble-t-il bien loin de la réalité...

Les sportifs russes ont malgré tout subi 2947 contrôles antidopage entre le 18 novembre 2015 et le 29 mai 2016, pour 52 résultats anormaux dont 49 dus au seul meldonium, détaille l'AMA dans un listing exhaustif. Mais il a été impossible de mener 736 contrôles antidopage en Russie depuis novembre 2015, un ratio très important au regard des tests complétés dans la même période. Sur les 2947 tests complétés, 2142 concernent les sports olympiques d'été, 805 ceux d'hiver. L'Agence britannique antidopage, mandatée par l'AMA pour surveiller les efforts russes, n'a pu en faire que 455. L'IAAF, 655.

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Depuis le début du scandale, l'AMA joue un rôle moteur. C'est sa commission indépendante, dirigée par Dick Pound, qui a révélé toutes les zones d'ombre de la Russie vis-à-vis du dopage. C'est l'Agence qui a demandé que l'IAAF suspende les athlètes russes de toutes compétitions officielles. Et au travers de différents avis, elle a, depuis le mois de novembre, régulièrement rappelé les efforts qui restaient à faire, les problèmes qui restaient posés. Si les présidents des commissions d'athlètes du CIO et de l'AMA ont pointé du doigt les deux instances dans une lettre, c'était aussi une manière de mettre la pression sur l'IAAF de ne pas faiblir au moment décisif.

Les 31 nouveaux cas de dopage découverts récemment grâce au réexamen des échantillons prélevés lors des JO-2008 de Pékin, parmi lesquels certains Russes, ne sont pas là pour disculper un comportement visiblement répandu parmi les sportifs en Russie. L'AMA enfonce le clou en citant ainsi l'exemple d'un "laboratoire analytique opérationnel" présent sur les lieux du championnat national d'haltérophilie. Il comportait "une centrifugeuse et d'autres équipements d'analyses en action et les sportifs y allaient librement", écrit l'Agence internationale. De même, "un certain nombre de laboratoires accrédités par l'AMA (et chargés d'analyser les échantillons prélevés en Russie) ont constaté que les boîtes d'expédition contenant les échantillons avaient été ouvertes par les douanes russes".

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