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En Corée du sud, être une femme aux cheveux courts signifie détester les hommes

Depuis quelques mois, le pays est en proie à un mouvement antiféministe qui s’attaque aujourd’hui aux femmes ayant les cheveux courts. L’une des cibles est la triple championne olympique de tir à l’arc.

Article rédigé par franceinfo, Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
An San, triple médaillée d'or au tir à l'arc aux Jeux olympiques de Tokyo accusée de féminisme en Corée du sud parce qu'elle a les cheveux courts. (ADEK BERRY / AFP)

En Corée du Sud,  An San, une archère exceptionnelle qui a remporté trois médailles d’or au tir à l’arc aux JO de Tokyo, n’a pas été acclamée à son retour, bien au contraire. Un enchaînement de victoires qui aurait dû pourtant susciter les applaudissements, les félicitations et inspirer les archers du pays. Eh bien, pas du tout. An San, 20 ans, a fait l’objet de virulentes critiques parce qu’elle a les cheveux courts. Et en Corée, cela dérange, parce qu’avoir les cheveux courts, c’est être féministe et manquer de féminité. Dans ce pays, le féminisme n’est pas seulement défendre la femme, sa position dans la société, ses droits, c’est aussi chargé d’un sens très négatif : quand on est féministe, on déteste les hommes. Un beau raccourci.

An San a reçu le soutien de milliers de femmes aux cheveux courts qui ont posté des photos d’elles sur les réseaux. Mais ce soutien est loin d'être généralisé, car en Corée du sud, depuis #Metoo et la libération de la parole des femmes, les mouvements anti-féministes ont émergé, et ils demandent à la championne olympique de rendre ses médailles et de s’excuser. Ces mouvements sont très actifs sur les réseaux sociaux, sur internet, ils ont des chaînes YouTube. L’une d’entre elles a 300 000 abonnés.

Qui sont derrière ces mouvements antiféministes ?

Même si le mouvement traverse toute la société, il trouve particulièrement écho chez les jeunes hommes. Ils estiment qu’ils sont moins bien traités que les femmes en Corée du sud. Par exemple parce qu’ils font près de deux ans de service militaire et les femmes non. Ces hommes entrent donc plus tard sur le marché du travail. La Corée du sud tente de mettre en place une politique de quotas pour favoriser l’accès des femmes à certains postes. Des universités leur sont réservées alors que l’équivalent n’existe pas pour les hommes. "Certains jeunes hommes se considèrent comme des victimes du féminisme", notamment en raison de la discrimination positive, explique à l’AFP Jinsook Kim, chercheuse à l’Université de Pennsylvanie.

Les partis conservateurs profitent de ce ressentiment et exploitent la situation pour s’assurer des votes aux prochaines élections. Une membre du Parti au peuple, Ha Tae-keung, réclame d’ailleurs la suppression du ministère de l’Égalité des sexes, créé en 2001, car il aggraverait selon elle les tensions sociales. Dans un sondage le mois dernier, 48% des Sud-Coréens, dont une majorité d’hommes, demandaient également sa disparition

Des frustrations de part et d’autre que les autorités vont devoir gérer tôt ou tard. Alors que la Corée du sud, 12e puissance économique mondiale, est leader dans le secteur des nouvelles technologies, avec des marques comme Samsung et LG, la société reste très patriarcale. Et les inégalités homme-femme importantes. Parmi les pays de l’OCDE, la Corée du sud est l’un des États où l’écart salarial entre les deux sexes est le plus élevé. Les femmes gagnent un tiers de moins que les hommes.

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