: Reportage "J'ai senti le souffle des coureurs !" : ils ont vécu la finale olympique du 100 mètres masculin au plus près de la piste... en cassant leur tirelire
Nichola remet en place sa longue mèche blonde et se tourne vers son mari. "Tu crois que quelqu'un peut être encore plus près que nous de la ligne d'arrivée ?" Son mari Steven a un sourire malicieux aux lèvres : "Pas possible, ou alors il porte un cuissard, il a un dossard, et c'est un athlète." La finale du 100 mètres hommes a lieu dans plus de deux heures, dimanche 4 août, mais ce couple de Britanniques, originaire de Lake District, en Angleterre, est déjà confortablement installé dans les tribunes du Stade de France. Et pas n'importe où : devant, tout devant, tout tout devant. "A la même hauteur que les athlètes, quoi".
De leurs sièges, pas besoin de jumelles pour apercevoir la course. Ni d'écran géant pour distinguer les sprinteurs. La ligne d'arrivée est à "15 mètres, allez, peut-être 20". Si près qu'on devrait voir leurs bobines sur les photos officielles immortalisant plus tard le successeur de l'Italien Marcell Jacobs sur l'épreuve reine de l'athlétisme.
Avec 200 autres spectateurs, Nichola et Steven s'apprêtent à vivre une expérience unique. Son nom : "On the finish line" ("Sur la ligne d'arrivée"). Bref, "comme si vous étiez". Pour bénéficier de ce placement de premier choix, il fallait mettre la main à la poche. Les billets se sont vendus entre 5 500 euros et 8 500 euros, explique l'entreprise On Location, fournisseur officiel et exclusif des programmes d'hospitalité pendant les Jeux olympiques. Dans ce carré spécial, auquel franceinfo a eu accès, on entend un peu parler français, mais surtout chinois, anglais, espagnol ou arabe. A gauche, un drapeau américain flotte dans les airs. "Si le vainqueur est de chez nous, on pourra lui tendre", imagine Kelly, déjà toute excitée.
"Papa, tu es sûr qu'on est là ?"
Au tout premier rang, une famille franco-espagnole n'en revient pas d'être aussi bien placée. En arrivant, les trois enfants ont d'ailleurs hésité à suivre leur père qui descendait, sûr de lui, les gradins, jusqu'à la barrière de sécurité qui borde la piste en tartan. "Papa, tu es sûr qu'on est là ?", a demandé l'une des filles. "Voilà, c'était une surprise", a répondu Rudy. "On a commencé par acheter des places classiques pour l'athlétisme, plus haut dans les tribunes, raconte le père, ravi. Puis, on a craqué. On s'est dit : 'C'est une fois dans la vie.'"
21h53. Les lumières roses scintillent dans l'enceinte. Les huit coureurs se mettent dans les starting-blocks. 21h55, coup de feu. C'est parti, c'est déjà fini. 9 secondes et 79 centièmes plus tard, le sprinteur américain Noah Lyles l'emporte à la photo-finish, devant le Jamaïcain Kishane Thompson, pour cinq millièmes. Du jamais-vu en finale olympique.
Les 80 000 spectateurs du Stade de France explosent. Au premier rang, dans le carré premium, Nichola, Steven et les autres n'ont même pas besoin de zoomer sur leurs téléphones pour photographier le nouveau roi du 100 m, déjà sacré champion du monde l'an dernier. Rudy et sa famille savourent : "Absolument unique, impressionnant. Une fois dans sa vie, on s'est sentis au centre du monde pendant dix secondes." Dans l'escalier, un homme n'en finit plus de se dandiner. "J'ai senti la foulée des coureurs, j'ai senti leur souffle !", promet John, originaire du Texas. "Vraiment ?", lui demande un voisin. "JE VOUS JURE."
Un rendez-vous privé avec Carl Lewis
Lorsque nous l'avons rencontré deux heures plus tôt, John s'amusait à faire le calcul avec nous. "8 500 euros la finale, soit 850 euros la seconde, soit 85 euros le mètre. C'est ça ?" C'est ça. "Je m'en fiche. Jusqu'à maintenant, les Usain Bolt, les Linford Christie, les Justin Gatlin, c'était à la télé. Là, je pourrai dire : 'J'y étais !'"
Romain et ses six amis, assis au troisième rang, sont venus là pour la même raison. Tout est parti d'une blague, d'un pari. "On se disait : 'Qu'est-ce qui serait dingue à faire aux JO ?' Quelqu'un a sorti : 'Vivre le 100 mètres sur la ligne d'arrivée !'" La bande a d'abord ri, avant de découvrir que c'était possible. Ils ont cliqué sur le bouton "achat" en novembre. "C'est un vrai, vrai effort financier, reconnaît celui qui travaille dans l'événementiel. Mais c'est l'expérience d'une vie. Je sais que je ne le ferai qu'une fois. Je le fais à Paris, ma ville". Il se touche la tête : "C'est dedans jusqu'à la fin de mes jours".
"Certains préfèrent avoir plein de voitures différentes dans leur vie, très bien. Certains veulent absolument aller aux Maldives, très bien. Certains veulent aller au ski tous les ans, très bien. Eh bien, moi, c'est de vivre l'expérience de la ligne d'arrivée."
Romain, spectateur privilégié de la finale du 100 mètres hommesà franceinfo
Si un prix d'appel à 85 euros a été mis en place pour les prestations "hospi", comme on dit dans le jargon, l'expérience "On the finish line" est l'une des plus chères de ces JO de Paris. C'est aussi une nouveauté. "Pour la première fois dans l'histoire des Jeux olympiques, vous pouvez assister à l'athlétisme comme jamais auparavant, avec une hospitalité de classe mondiale et une vue ultime sur la ligne d'arrivée", pouvait-on lire sur la plaquette commerciale.
Elle promettait aussi des "moments exclusifs" avec des stars de l'athlétisme. C'est ainsi que Carl Lewis, qui a gagné dix médailles olympiques, dont neuf en or, a soudain poussé la porte des trois salons baptisés "Victoire", "Clameur" et "Etoile". Chacun est ensuite reparti avec un authentique bâton de relais. A l'intérieur du coffret, que franceinfo a pu voir, un mot de Tony Estanguet les attendait : "Ayant eu l'honneur de participer à plusieurs olympiades, je sais à quel point le soutien du public est déterminant dans la course à la médaille d'or, et tout près de la ligne d'arrivée, votre présence a très certainement aidé nos champions à repousser leurs limites". Une autre manière, après tout, d'inscrire son nom au palmarès olympique.
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