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JO de Pékin : le boycott par la diplomatie américaine permet de "contrecarrer" la volonté de la Chine de "montrer sa puissance", selon un géopolitologue

Les États-Unis ont annoncé lundi un boycott diplomatique des Jeux olympiques d'hiver en Chine en raison du "génocide et des crimes contre l'humanité en cours au Xinjiang".

Article rédigé par franceinfo
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Des personnes passent devant le logo des Jeux olympiques d'hiver 2022 se déroulant en Chine, à Pékin le 1er décembre 2021. (NOEL CELIS / AFP)

Le boycott des JO de Pékin par la diplomatie américaine "permet de retourner l'attention médiatique contre la Chine", a analysé mardi 7 décembre sur franceinfo Jean-Baptiste Guégan, auteur de Géopolitique du sport : une autre explication du monde. Les États-Unis ont annoncé qu'ils n'enverront pas de représentants diplomatiques à la cérémonie des Jeux olympiques d'hiver à Pékin en raison du "génocide et des crimes contre l'humanité en cours au Xinjiang".

>> JO 2022 : quatre questions sur le boycott diplomatique des États-Unis aux Jeux olympiques d'hiver de Pékin

Cette décision des États-Unis "préserve les sportifs", souligne Jean-Baptiste Guégan, et permet de "contrecarrer" la volonté de la Chine de "montrer sa puissance". Il estime par ailleurs que ce n'est "pas forcément aux sportifs" américains "d'être les ambassadeurs de la cause" des Ouïghours car "la liberté d'expression pour le CIO a une vraie limite".

franceinfo : Êtes-vous surpris par la décision des Etats-Unis de boycotter les JO de Pékin ?

Jean-Baptiste Guégan : Pas du tout, puisque depuis l'arrivée de Joe Biden au pouvoir on savait que cette posture allait être avancée. Elle préserve les sportifs. Elle n'empêchera pas les sportifs américains de ramener des médailles et donc aux États-Unis de montrer leur puissance sportive. Elle permet de retourner l'attention médiatique du monde entier contre la Chine, là où le pays voulait l'utiliser au travers des Jeux d'hiver.

La Chine voulait-elle se servir des JO comme une vitrine ?

Exactement. Les Jeux olympiques d'hiver, dans la continuité des Jeux de Pékin en 2008, servent à montrer la position de la Chine sur la scène internationale. Ils servent à montrer sa puissance, qu'elle est capable d'accueillir des grands événements, tout en étant capable de montrer qu'elle est sportivement dominante. Les Etats-Unis vont justement contrecarrer cela, en faisant de la question des droits de l'homme et la question du Xinjiang [territoire autonome au nord-ouest de la Chine] la priorité sur l'agenda médiatique.

Les États-Unis peuvent-ils entraîner d'autres pays derrière eux, et notamment les pays européens ?

Les entraîner, cela paraît vraisemblable. Après, les États européens n'ont aucun intérêt à y aller seul. Il faut une posture commune. Parce que sinon les rétorsions et les représailles de Pékin seront évidemment beaucoup plus simples et beaucoup plus lourdes pour les États. Y aller au nom de l'Union européenne, cela montre déjà une capacité à faire bloc et cela permet d'éviter des représailles ciblées.

Quelles représailles peut décider la Chine vis-à-vis des Etats-Unis ?

Déjà, il y a une question de désinformation. On a vu la réaction des Chinois via le Global Times, un des organes officiels du parti, qui renvoyait les Etats-Unis à l'origine du virus. Donc il faut s'attendre à de la désinformation. Il y aura probablement des représailles commerciales. On peut imaginer que sur chaque situation, la Chine aura une position clivante et hostile aux intérêts américains.

Faut-il s'attendre à des messages de soutien aux Ouïghours de la part des athlètes américains qui iront aux Jeux de Pékin ?

C'est une question qu'il faudrait poser au CIO, puisque l'article 50 du CIO, normalement, oblige les sportifs à une certaine neutralité. Les Américains travaillent justement sur cette question pour alléger cette contrainte et ce fardeau de l'article 50.

"Tout athlète américain qui s'exposerait sur le territoire chinois aurait d'abord à subir probablement les foudres du CIO, et plus sûrement des autorités chinoises."

Jean-Baptiste Guégan

à franceinfo

Donc, ce n'est pas forcément aux sportifs d'être les ambassadeurs de la cause. Ils auront sûrement l'occasion de le faire avant et après. Pendant, cela paraît compliqué. Le problème, c'est que le CIO voit cette opération des Jeux olympiques comme une vitrine. Ces sponsors aussi. Et puis, le pays organisateur a dépensé énormément d'argent pour accueillir cette manifestation. La liberté d'expression pour le CIO a une vraie limite. On l'a vu aussi à Tokyo, où les sujets avaient été discutés en amont. Là, pour la Chine, on sera sur des sujets qui brusqueront forcément Xi Jinping et le pouvoir chinois. Donc, on peut imaginer des consignes données à l'avance et un rappel simplement à la règle qui est celle de l'article 50.

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