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"Certaines athlètes brûlent leurs trophées pour ne pas être démasquées", se désole Kamia Yousufi, porte-drapeau afghane aux JO de Tokyo

La prise de pouvoir des talibans suscite de fortes inquiétudes sur le sort des athlètes afghanes, menacées de ne plus pouvoir pratiquer leur sport. Certaines sont même en danger de mort.

Article rédigé par Célia Sommer, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Kamia Yousufi lors du 100 m femmes aux Jeux olympiques de Rio.  (OLIVIER MORIN / AFP)

"Je suis très inquiète pour la sécurité des athlètes restées en Afghanistan", s'alarme Kamia Yousufi. Jointe par WhatsApp, la sprinteuse de 25 ans a été la première femme porte-drapeau afghane aux Jeux olympiques de Tokyo cette année. Réfugiée en Iran depuis sa naissance, elle avait l'habitude de se rendre régulièrement en Afghanistan pour s'entraîner. Depuis la prise de pouvoir des talibans, elle tente de maintenir le contact avec des connaissances coincées au pays.

"Certaines athlètes essayent d'effacer leurs traces. Elles brûlent leurs trophées, leurs coupes ou leurs médailles pour ne pas être demasquées et pour que les talibans ne sachent pas qu'elles ont fait du sport. Celles qui ont eu la chance d'étudier font pareil avec leurs cahiers et leurs vêtements. Au risque de se faire tuer", raconte Kamia Yousufi.

Kamia Yousufi n'est pas la seule athlète à exprimer ses craintes. Khalida Popal, ancienne capitaine et fondatrice de la sélection féminine de football afghane, est installée au Danemark depuis dix ans. Désormais dirigeante de l'équipe nationale, elle a été contrainte de fermer le compte Twitter de l'équipe et a conseillé aux joueuses de supprimer leurs réseaux sociaux, de peur qu'elles ne soient identifiées par les talibans.

La pratique du sport par les femmes en danger

Lorsque les talibans étaient au pouvoir, entre 1996 et 2001, les femmes n'avaient pas accès au travail, à l'école, aux jeux, à l'art, ou encore au sport, condamnées à l'inactivité dans la société. Si les nouveaux maîtres de Kaboul essayent de rassurer et promettent de respecter le droit des femmes dans les limites du "cadre de la loi islamique", Kamia Yousufi ne se fait guère d'illusions sur le sort qui sera réservé aux Afghanes. 

"Pour l'instant, les talibans jouent la carte de la conciliation. Mais cela n'est qu'en apparence. Je pense qu'ils n'ont pas changé", redoute la sprinteuse, également terrifiée par l'avenir du sport dans son pays.

À cause de la siuation actuelle, la délégation afghane pour les Jeux paralympiques ne sera pas du déplacement à Tokyo. Zakia Khudadadi aurait dû être la première femme à représenter son pays lors des Jeux paralympiques. Et il se pourrait qu'elle n'atteigne jamais son rêve. Dans une vidéo confiée à Reuters le 18 août dernier, la para-taekwendoïste dit être "emprisonnée" à l'intérieur de sa maison et ne pas pouvoir sortir de chez elle pour faire ses courses ou s'entraîner, sans se sentir en sécurité.

Le sport, c'est mon rêve. Quoi qu'il arrive, je porterai le drapeau traditionnel de l'Afghanistan pour représenter ma nation. C'est une fierté à mes yeux."

Kamia Yousufi

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"Je vous exhorte toutes, les femmes du monde entier, les institutions protégeant les droits des femmes, les gouvernements, à ne pas laisser les droits d'une citoyenne afghane dans le mouvement paralympique être ôtés si facilement", supplie-t-elle. "Nous avons accompli tant de choses, cela ne peut pas être pris à la légère. J'ai énormément souffert. Je ne veux pas que ma lutte ait été vaine et sans résultat."

Face à la gravité de la situation de sa compatriote restée au pays, Kamia Yousufi refuse de baisser les bras. La jeune femme compte bien continuer à défendre les couleurs de son pays lors des grandes compétitions. "Le sport, c'est mon rêve. Quoi qu'il arrive, je porterai le drapeau traditionnel de l'Afghanistan pour représenter ma nation. C'est une fierté à mes yeux", confie-t-elle avec une grande détermination. "Nous, les femmes Afghanes, ne reculons jamais. Nous irons toujours de l'avant."

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