: Reportage Paralympiques 2024 : avec quatre médailles en une matinée, le triathlon français a fait souffler un vent de folie sur Paris
Sur les coups de 13 heures, lundi 2 septembre, personne n'aurait dit non à un cachet d'aspirine sur le pont Alexandre-III. Rien à voir avec le soleil au zénith qui berçait Paris, ni avec une soirée trop arrosée la veille. Si les têtes tournaient dans l'aire d'arrivée du paratriathlon, c'est que les spectateurs venaient d'en prendre plein les yeux. Et pour cause : dès 8h15 et pendant cinq heures, pas moins de 11 paratriathlons se sont succédé, avec à la clé une flopée d'émotions tricolores. Initialement prévues sur deux jours, les courses avaient été reprogrammées à dimanche, puis à lundi, à cause de la qualité de l'eau de la Seine.
Ce qui a accouché d'un programme hyper dense sur le pont Alexandre-III, au milieu duquel il n'était pas toujours aisé de s'y retrouver. Au petit matin, les catégories PTS2 ont ouvert le bal, en douceur. A cinq minutes d'intervalle, les hommes et les femmes se sont élancés, devant un public déjà nombreux. Si la tribune qui bordait la Seine était loin d'être comble, les parties gratuites du parcours avaient fait le plein : il ne fallait pas arriver en retard pour espérer s'accouder aux barrières, notamment au point stratégique entre le pont Alexandre-III et les Invalides.
Courses parallèles et catégories regroupées
Les deux premières courses de la journée, parties à cinq minutes d'écart, ont permis de se familiariser avec les "temps de compensation", ces départs différés en fonction du niveau de handicap des athlètes, les catégories paralympiques regroupant souvent plusieurs niveaux au sein d'une même course. Jusqu'ici, tout allait bien. Mais, une fois les courses en fauteuil terminées, une deuxième salve de départs a eu lieu.
Entre 9h25 et 9h35, trois courses se sont élancées : deux masculines et une féminine. Ces chevauchements ont alors compliqué la lisibilité de la course, avec des pelotons vite mélangés sur un parcours assez court. Pour tout dire, sans l'aide précieuse des chronométrages numériques, il était impossible de savoir qui menait quelle course, entre le mélange des paratriathlètes et les temps de compensation, alors que les différents pelotons faisaient se lever des clameurs des Champs-Elysées à l'Assemblée nationale, en passant par le pont Alexandre-III.
"Ce n'était pas toujours simple à suivre, avouait même après coup Benjamin Maze, directeur technique national des Bleus. Mais on a un staff conséquent pour pouvoir donner des informations sur tout le parcours grâce à des panneaux, tellement l'ambiance était incroyable". Journalistes, spectateurs, para-athlètes venus en amis... Tous étaient plus ou moins perdus dans ce joyeux bazar. L'heure d'une pause arrivait, avec une fanfare du Sud-Ouest pour animer ce temps entre les cinq premières courses et les six suivantes, prévues à partir du midi.
Un chassé-croisé difficile à suivre
C'est là que les choses se sont encore un peu plus compliqué, avec six départs en l'espace de quarante-cinq minutes, qui ont vite donné le tournis avec des paratriathlètes partout dans l'eau, sur le vélo, et en train de courir. Même les speakers n'arrivaient plus à suivre. Ce qui était d'autant plus frustrant pour le public français que les meilleures chances de médailles (Alexis Hanquinquant, Pierre-Antoine Baele, Thibaut Rigaudeau, Elise Marc...) faisaient partie de cette ultime salve de départs.
Les plus identifiables restaient les tandems de Thibault Rigaudeau (guidé par Cyril Viennot) et Antoine Perel (guidé par Yohan Le Berre), récompensés d'une médaille d'argent et une de bronze dans la course hommes PTVI, et pas perturbés par ce trafic digne d'un chassé-croisé sur la route des vacances. "Sur certaines courses, on est vraiment gênés, mais là, ça allait. On a fait comme s'ils n'étaient pas là", souriait ainsi Cyril Viennot, avant d'avouer "quelques dépassements par la droite..."
Car si le public parisien – et une partie des suiveurs – découvrait cette programmation copieuse, les paratriathlètes y sont habitués tout au long de l'année. "Tous courir le même jour, c'est ce qu'on fait d'habitude, et c'est vachement mieux. C'est génial de pouvoir profiter des courses des copains aussi, avant de faire la fête tous ensemble", expliquait ainsi Jules Ribstein, médaillé d'or dans la catégorie PTS2 dans la matinée. Ce qui changeait, en revanche, pour les paratriathlètes, c'était l'ambiance.
"C’était dingue, alors que beaucoup de gens présents dimanche ont dû repartir pour travailler et la rentrée scolaire. Mais c’était noir de monde."
Alexis Hanquinquant, champion paralympiqueà franceinfo: sport
"C'est surtout le bruit qui a tout changé. On s'est donné un quart des communications qu'on se donne normalement en course", expliquait ainsi Thibaut Rigaudeau. "Il y en avait partout, sur les ponts, dans les virages, sur les Champs… Ça me relançait, ça me remotivait, ça m'a vraiment boosté. Le parcours était magnifique", ajoutait Louis Noël, arrivé quatrième en PTWC hommes, avant d'aller encourager ses compatriotes.
Triomphe olympique et paralympique
Venu en masse et de plus en plus bruyant au fur et à mesure de la journée, le public tricolore a participé au succès sportif de l'équipe de France de paratriathlon. Car si la folie était dans les tribunes et sur le bitume, ça l'a aussi été au niveau des résultats pour les Bleus, qui sont repartis avec quatre médailles. Un bilan certes loin de la razzia espérée (puisque l'objectif assumé était de huit médailles), mais tout de même historique.
"On a toujours envie de faire mieux. Il y a des courses où ça ne passe pas loin, comme Louis Noël qui finit 4e, reconnaît ainsi Benjamin Maze. En PTS4, on passe proche d'un triplé historique. Chez les femmes PTS4 aussi, on finit 4e et 5e. On va prendre le temps de faire cette analyse, mais le bilan reste historique."
Malgré les quelques regrets et les nombreuses quatrièmes places, la France conclut la journée avec les deux médailles d'or de Jules Ribstein (PTS2) et Alexis Hanquinquant (PTS4), l'argent avec le duo Thibaut Rigaudeau-Cyril Viennot (PTVI) et le bronze grâce à la paire Antoine Perel-Yohan Le Berre (PTVI). "On a montré qu'on est une fédération complète, qui performe en olympique et en paralympique", savourait Benjamin Maze, aussi heureux qu'après les médailles de Cassandre Beaugrand et Léo Bergère aux Jeux olympiques.
"Avec Alexis Hanquinquant, c’est la première fois que la France a un double médaillé d'or de triathlon aux Jeux. C'est historique, d'autant plus qu'il avait la pression d’avoir été porte-drapeau."
Benjamin Maze, DTN des Bleusà franceinfo: sport
Quelques mètres derrière le patron de l'équipe de France, la grande silhouette d'Alexis Hanquinquant slalome en zone mixte, affichant un sourire aussi radieux que le ciel parisien. En conservant son titre dans la catégorie PTS4, le Normand a le sentiment du devoir accompli : "J'avais à cœur de montrer l'exemple. J'espère qu'avec Jules, on a poussé les collègues du triathlon et les autres pour le reste des Jeux. J'espère qu'il y aura du monde au club France ce soir, parce que nous, on va venir arroser ça." Pour que la folie se prolonge également hors de la zone de compétition et emporte un peu plus le public français.
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