: Reportage A moins d'un an des Jeux paralympiques, l'équipe de France de rugby fauteuil se frotte aux meilleures nations mondiales à Paris
Des bruits d'impact résonnent avec insistance, alors que la porte d'entrée de la Halle Carpentier, au sud de Paris, vient tout juste d'être franchie. Lundi 16 octobre, sur le faux parquet installé pour l'occasion au centre de la salle, l'équipe japonaise de rugby fauteuil est en plein entraînement. Elle veut prendre ses marques avant le coup d'envoi de la Coupe internationale de la discipline, du 18 au 22 octobre, dans la capitale.
Tout au long de la séance d'1h30, les contacts et les chocs se multiplient entre les joueurs. "En vidéo, on voit que c'est un sport physique", précise Michel Terrefond, le directeur sportif de l'équipe de France. "Mais c'est souvent quand on observe les choses en vrai, quand on 'branche le son', qu'on se rend mieux compte de la dimension athlétique." Pourtant, le nom d'origine du rugby fauteuil, né au Canada dans les années 1970, donnait un petit indice : le "Murder Ball".
>> Règles, contacts... à la découverte du rugby fauteuil avec l'équipe de France
A côté de l'aire de jeu, un panneau en PVC attire l'attention. Dessus, on peut lire la formule suivante, juste à côté du logo paralympique : "Entrez en Jeux". De quoi donner le ton à moins d'un an du début des hostilités (28 août au 8 septembre). "On est surtout là pour se tester et préparer l'été prochain", indique d'ailleurs Michel Terrefond. "Cette Coupe, c'est l'occasion de voir ce que l'on vaut par rapport aux sept meilleures nations du classement de la World Wheelchair Rugby [WWR, la fédération internationale]."
Si la pratique du rugby fauteuil s'est démocratisée depuis déjà un certain temps outre-Atlantique, elle n'a véritablement fait son apparition en France qu'en 2005. La discipline a bénéficié de la candidature de Paris, qui souhaitait accueillir les Jeux en 2012, pour créer sa propre sélection en 2007-2008. Aujourd'hui, on compte 200 licenciés sur le territoire et le championnat est composé de 15 clubs et 18 équipes réparties en trois niveaux.
La France a comblé son retard
Joueur au Stade Toulousain Rugby Handisport, Rodolphe Jarlan fait presque partie des meubles chez les Bleus. Le joueur de 35 ans a vécu les aventures paralympiques à Rio puis Tokyo. Pour lui, l'effet de lumière sur le rugby fauteuil avec Paris 2024 est réel. "Depuis trois ans, beaucoup de choses ont changé. Il y a davantage de rassemblements avec l'équipe de France, de compétitions, de matchs... On est entrés dans la cellule 'haute performance', c'est-à-dire que l'on fait partie des sports considérés comme médaillables l'été prochain. On a un statut semi-professionnel, on est défrayés et il y a la possibilité de détacher du temps pour s'entraîner. Il y a également des aides régionales pour accéder aux CREPS de nos villes respectives, et des conventions signées avec des clubs de rugby professionnels pour améliorer notre préparation."
Une bonne partie du retard a été rattrapée, en témoignent les deux titres de champions d'Europe glanés en 2022 et 2023. "Aujourd'hui, on sait qu'on tient face à des équipes de très haut niveau, et on espère le montrer devant notre public."
Quarante-huit heures plus tard, mercredi 18 octobre, l'ambiance n'est plus tout à fait la même dans la Halle Carpentier. Une banda fait vibrer les quelque 2 000 spectateurs réunis en ce début d'après-midi pour la cérémonie d'ouverture de la compétition. Sourire aux lèvres, le capitaine tricolore Jonathan Hivernat conduit ses coéquipiers devant la foule et les officiels avant, quelques minutes plus tard, de regagner le hall d'entrée pour préparer leur entrée dans le tournoi.
Une salle à l'unisson derrière les Bleus
Dans le couloir, les regards des joueurs du coach Bob Vanacker deviennent soudainement plus concentrés avant de défier les vice-champions du monde américains. "Pas de complexe les gars !", peut-on entendre de la part du staff. A 17 heures, les deux équipes font leur entrée sur le terrain.
Le premier quart-temps de huit minutes est celui permettant de se familiariser avec les règles pour la plupart des personnes en tribunes, devant ce rugby orphelin de l'en-avant. Quatre joueurs de chaque côté avec des handicaps plus ou moins faibles, des rôles offensifs et défensifs, une zone d'en-but, interdiction du retour en zone, un système de prison en cas de faute... La discipline emprunte des éléments au basket, au hockey ou au foot américain, mais demeure parfaitement lisible pour les non-initiés.
Le ballon file à toute vitesse d'un camp à un autre, et les temps morts se font très rares. Seule femme présente sur la feuille de match – le rugby fauteuil est un sport mixte – Sarah Adam est souvent celle qui vient conclure les attaques américaines. Mais côté français, on s'acharne à garder son marquage en phase défensive et, au contraire, à exploiter les espaces en phase offensive, avec Sébastien Verdin dans le rôle du scoreur. À la mi-temps, les USA mènent de deux points (27-29).
Installés à quelques mètres seulement des joueurs, Alice et les 12 élèves de l'IEM (Institut d'éducation motrice) Helen Keller n'en ratent pas une miette. Ils sont venus du Havre pour le premier jour de la compétition. "Le projet dans notre établissement, c'est de montrer aux jeunes en situation de handicap qu'ils peuvent faire des choses, explique-t-elle. En assistant à un tournoi comme celui-là, ça peut susciter chez eux l'envie d'essayer ce genre de sports."
Juste derrière, une des écolières, Mariam, se tient debout et continue à donner de la voix pour soutenir les Bleus. "C'est la première fois que l'on voit du rugby fauteuil, et c'est trop génial ! Mais par contre, c'est aussi trop stressant !"
La fin de match ne viendra pas contredire la jeune fille. Menés de cinq points, les Français parviennent à revenir à une longueur à moins de deux minutes du quatrième et dernier quart-temps. De quoi chauffer un public pris par l'enjeu. Malheureusement, pour leur entrée en lice dans cette Coupe internationale, Rodolphe Jarlan et ses coéquipiers s'inclinent 53-51.
"On a fait quelques erreurs avec des ballons forcés, des situations de deux-contre-un que l'on négocie mal et où l'on perd la balle... À ce niveau, la moindre faute se paie cash."
Bob Vanacker, l'entraîneur de l'équipe de Franceà franceinfo: sport
"On n'était pas loin face à une équipe qui est numéro un mondiale", commentera à chaud Jonathan Hivernat. "Ça pouvait aussi pencher de notre côté mais on fait peut-être des erreurs qui nous coûtent le match, surtout sur notre système d'attaque où on a manqué de justesse." Le vice-capitaine Cédric Nankin se voulait, lui, malgré tout optimiste : "Il y a de la déception, surtout à la maison. Mais ce n'est pas fini, ce n'est que le premier match de poules. On sait que contre le Japon [le 20 octobre à 17 heures], ça va être compliqué mais on va se battre, et on peut le faire". Avant cela, c'est un rendez-vous déjà crucial pour atteindre les phases finales – qui se joueront dimanche 22 octobre à l'Accor Arena – qui les attend ce jeudi à 9 heures contre la Nouvelle-Zélande.
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