Global Games : le président de la Fédération française de sport adapté veut montrer "qu'il y a aussi des athlètes déficients intellectuels aux Paralympiques"
Aux abords du terrain d’athlétisme du CREPS de Vichy, mardi 6 juin, impossible de rater Marc Truffaut. Avec sa carrure imposante et sa casquette de la FFSA (Fédération française du sport adapté, au service des personnes en situation de handicap mental et/ou psychique), il ne manque rien de l’épreuve de lancer du poids du triathlon catégorie II2 (déficience fonctionnelle importante en plus d’une déficience intellectuelle), dans laquelle concourt Nicolas Virapin. Comme plus de 1000 athlètes de 80 nations différentes, le Français participe à la sixième édition des Global Games, qui se tient jusqu’au 10 juin. Le patron du sport adapté lui glisse quelques conseils à l’oreille entre deux jets. Des recommandations payantes puisque l’athlète améliore peu après sa marque pour prendre la tête du classement.
Véritable passionné et défenseur de “ses” sportifs déficients intellectuels, l’homme de 50 ans s’éloigne des pistes quelques instants pour répondre aux questions de franceinfo: sport.
franceinfo: sport : Qu’est-ce que cela représente d’organiser les Global Games en France pour la première fois depuis leur création en 2004 ?
Marc Truffaut : Disons que l'on passe dans une autre étape. On a organisé depuis de nombreuses années plusieurs championnats du monde, d'Europe, les Jeux européens en 2018... La France est l'un des pays leaders au niveau du sport adapté. Les Global Games sont une opportunité de faire parler de nous et, surtout, des sportifs. Le petit plus, c'est ce bon timing, un an avant les Jeux de Paris. C'est également un moyen pour le grand public de découvrir qu'il y a aussi du sport adapté aux Jeux paralympiques, même s'il ne s'agit que de 130 athlètes environ sur les 4 400 au total.
Après le scandale des Jeux de Sydney en 2000 où quelques concurrents valides avaient fait semblant de souffrir de handicap, plusieurs épreuves ont été réintégrées à Londres en 2012 (athlétisme, natation et tennis de table) aux Jeux d'été. Mais le sport adapté n'a toujours pas sa place aux Jeux d'hiver...
En effet, la Fédération internationale de ski n'a pas souhaité promouvoir le développement du sport adapté aux Jeux d'hiver et on le regrette.
Des témoignages de sportifs atteints de trisomie 21 sont également sortis, ces derniers demandant à pouvoir participer aux Jeux paralympiques - ce qui n'est pas le cas actuellement...
Oui c'est vrai. Avec la création de la classe II2 en 2019, il commence à y avoir une reconnaissance des personnes trisomiques. Cela va dans la logique d'une intégration un jour de ces athlètes au sein du mouvement paralympique.
On en est encore loin ?
Oui et non. Jusque-là dans le sport, on faisait une catégorie des personnes trisomiques. Ce n'est pas l'état d'esprit du mouvement paralympique, qui n'établit pas de classe en fonction d'une pathologie. Il établit des classes en fonction de l'impact du handicap dans la pratique sportive. Ça fait une grosse différence. Avoir cette catégorie II2 présente en nombre aux Global Games, cela appuie le fait qu'elle est légitime aux Jeux paralympiques. Andrew Parsons, le président du Comité paralympique international (IPC), était là pour la cérémonie d'ouverture et l'a réaffirmé : il y a une volonté de les inclure, clairement. Reste à déterminer l'échéance.
On évoque ce parallèle avec les Jeux paralympiques mais les Global Games existent depuis près de 20 ans. Est-ce que cette comparaison entre ces deux compétitions a une raison d'être ?
La grosse différence, c'est la reconnaissance. On voit que les médias français viennent à Vichy, des médias japonais aussi. La question c'est comment ces Global Games permettent aux sportifs du monde entier d'être soutenus par leurs gouvernements. En France, on a la chance d'avoir l'appui du ministère des Sports qui nous soutient depuis 2009 sans distinction de catégorie et d'impératif paralympique. Tous nos sportifs sont sur les listes ministérielles, ont le statut de sportif de haut niveau pour ceux qui répondent aux critères, mais ce n'est pas le cas partout. Les pays européens et latins sont dans cette logique, pas les pays anglo-saxons. Quand on voit l'équipe d'Australie, la plus performante au niveau du sport adapté : tous les sportifs paient leur inscription pour venir ici à Vichy, leur voyage, leur staff... En plus, il n'y a pas de cash prize [prime au résultat] sur les compétitions. Heureusement pour eux, ils ont des partenaires solides, des actions sont mises en place au niveau local pour les aider à financer. L'idée est que la qualité des Global Games incite les gouvernements à reconnaître que cela fait partie de la famille des épreuves paralympiques.
Vous expliquez que la France est l'un des leaders mondiaux sur le sport adapté. Qu'est-ce qui fait sa particularité ?
C'est simple, il s'agit de la délégation du ministère des Sports. Elle est souvent remise en cause mais cette délégation permet qu'un organisme - la Fédération française de sport adapté (FFSA) - soit garant de la pratique. On ne retrouve pas cela dans d'autres pays. S'il n'y a pas quelqu'un qui est là pour rappeler à l'ordre ou faire entendre notre voix, cette pratique spécifique disparaît et n'est plus identifiée. Au niveau de la Fédération, il y a des programmes sportifs allant des activités motrices jusqu'au sport de haut niveau en passant par le sport adapté jeune, le sport de compétition, le sport loisir... Il y en a pour tout le monde. Notre slogan c'est : "à chacun son défi". Aujourd'hui, on compte 1 300 clubs en sport adapté pour 65 000 licenciés.
Pour revenir sur le plan sportif, comment décririez-vous à des spectateurs ne pouvant pas venir à Vichy la "transformation" de ces athlètes déficients intellectuels au moment de délivrer leur performance ?
Souvent, quand on demande aux spectateurs qui viennent nous voir : "alors, vous en avez pensé quoi ?", ils vont avoir la même réaction. "Mais ils ont quoi ces sportifs ?" C'est récurrent. C'est parce qu'ils les voient dans une situation où ils sont experts. Si vous allez discuter avec eux, tout d'un coup, vous voyez qu'ils vont parfois se mettre dans leur coin, ils vont attendre pendant des heures sans rien dire... Parfois on peut avoir des réactions décalées, exagérées. Mais souvent, avec un peu d'expérience, je me rends compte que cela va être une position de défense de leur part.
Il y a une grande athlète du sport adapté français, quand on lui présentait quelqu'un, sa stratégie était d'arriver avec un bouquin de métaphysique. Un livre de 10 centimètres de hauteur... Elle avait réussi à apprendre tant bien que mal deux pages par coeur qu'elle récitait pour contrer les questions. Ensuite, son interlocuteur passait souvent à autre chose. En faisant cela, personne ne lui posait de questions. C'est une situation de défense, pour donner l'impression que son handicap n'est pas visible, qu'elle est comme les autres et pour éviter d'être dans la difficulté.
Beaucoup ont la même histoire, surtout dans les sports collectifs. Ils ont tous été victimes d'harcèlement scolaire. Sébastien Mengual, un athlète tricolore, en parle sur ses réseaux sociaux par exemple. Quand il performe, il n'hésite pas à l'évoquer de nouveau. C'est une grande fierté pour lui de raconter ce par quoi il est passé. Il fallait cacher le handicap, les difficultés... Aujourd'hui, les sportifs arrivent à les mettre en avant et en faire une force.
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