Paris 2024 : le parcours météorique d'Alexandra Nouchet, para-athlète française en route vers les Jeux paralympiques
A peine arrivée, son sourire irradie les coursives du stade Charléty. Présente, vendredi 14 juin, pour disputer le concours du lancer du poids en catégorie F63 du Handisport Open Paris – abrégé en HOP –, Alexandra Nouchet prend le temps d'adresser un petit mot à chaque visage connu. "C'est une crème, elle est vraiment très cool", confesse une bénévole habituée à la côtoyer lors des meetings de para-athlétisme.
La bonhomie contagieuse de la jeune femme de 26 ans contraste, pour autant, avec sa férocité sur la piste ou sur l'aire de lancer. "Elle est très exigeante avec elle-même, et ça paie", analyse Franck Foucat, son coach sur le poids et référent de l'équipe de France paralympique sur la discipline. "L'année dernière, lors des Mondiaux dans ce même stade Charléty, elle avait lancé à 8,89 mètres. Il y a trois semaines, elle a pulvérisé le record du monde dans sa catégorie avec un lancer à 10,64 mètres aux championnats du monde à Kobe. Sa marge de progression est assez folle."
Cette évolution est d'autant plus saisissante au regard du parcours d'Alexandra Nouchet dans le haut niveau paralympique. Pendant près de 12 ans, celle qui souffre d'une anomalie congénitale à la jambe droite – une jambe légèrement plus courte et atrophiée que l'autre – a écumé les bassins en paranatation, au point de passer tout proche d'une qualification pour les Jeux de Rio en 2016. Non sélectionnée, elle va un peu accuser le coup et prendre du temps avant de revenir dans le sport.
Des bassins à l'athlétisme, une ascension fulgurante
Deux ans plus tard, elle intègre le Centre fédéral handisport du Centre de ressources d'expertise et de performance sportive (Creps) de Bordeaux, qui propose plusieurs disciplines dont le para-athlétisme. Convaincue par l'ambiance détendue, elle fait son trou sur le saut en longueur et la course, avec des premières performances à l'international. Puis elle découvre les lancers fin 2022-début 2023 grâce à un athlète et guide de l'équipe de France, Lucas Mathonat, qui la coache désormais au quotidien.
"C'est lui qui m'a dit d'essayer le poids. Il m'a lancé un challenge un peu sur le ton de l'humour et je l'ai pris au mot", explique la native de Lille. "On a regardé les minima pour les Mondiaux à l'époque, on l'a testée et elle a terminé à 50 centimètres sans aucune technique", explique Franck Foucat. En un an et demi, elle a appris à appréhender cette discipline "comme un jeu", à "prendre du plaisir et de la confiance" au point de faire du lancer de poids sa meilleure chance d'atteindre les Jeux à Paris (avec le 100 m).
Une heure à peine avant de s'engager dans son concours au HOP, "Alex" est toujours présente en tribunes aux côtés des autres athlètes tricolores. C'est même elle qui fait le plus de bruit pour soutenir la candidate pour être porte-drapeau, Nantenin Keïta, lors de son 400 mètres (T13, déficience visuelle).
"On forme un duo de ouf ! Je sais qu'elle va encore évoluer, elle vient de commencer. Elle va réussir, elle n'a pas le choix et on se l'est dit : on va à Paris ensemble !"
Dimitri Pavadé, vice-champion paralympique du saut en longueur T64à franceinfo: sport
Une fois partie s'échauffer, les langues de ses camarades du collectif France se délient pour dresser le portrait de la championne. "Elle est la définition du mot énergie", débute Trésor Makunda. Pour le médaillé de bronze à Tokyo sur le 400 mètres en T11 (cécité totale) avec son guide (un certain... Lucas Mathonat), Alexandra "est une pépite, l'avenir du para-athlétisme français". "On a un pacte entre grand frère et petite sœur elle et moi. Je ne peux pas le dévoiler avant les Jeux paralympiques", ajoute-t-il, l'air mystérieux.
"Pour une fille qui vient de l'eau et qui arrive sur terre, elle est forte ! Musculairement déjà, elle en impose. Je n'avais pas de doutes sur le fait qu'elle allait réussir en athlétisme, c'était une évidence." Tout juste sorti de son concours de reprise après un an d'absence pour blessure, Dimitri Pavadé, le vice-champion paralympique du saut en longueur en catégorie T64 (partie inférieure de la jambe modérément limitée, ou absence d’une jambe), n'en oublie pas de glisser un mot sur "sa petite moitié" de l'équipe de France. "On s'est connus en Tunisie en mars 2021, on était à un meeting et lors de l'échauffement, j'ai mis de la musique, un morceau de Burna Boy je crois. Elle m'a regardé de loin et m'a dit : 'ah ouais, ça, c'est mon gars !' On s'est rapprochés et on ne s'est plus lâchés."
"Ça m'émeut d'entendre ça, mais je ne me considère pas comme une pépite", nuance la principale intéressée. "Je prends du plaisir, je m'entoure de personnes positives, j'ai de bons coachs, des préparateurs physiques, un préparateur mental, ma nutritionniste, mes prothésistes, ma kiné... tous contribuent à ce gros projet. Sans oublier mes partenaires et mon entreprise (EDF) ! Ce sont eux qui me permettent de gravir les échelons et me donnent la motivation."
A en croire Franck Foucat, elle commence tout juste à se rendre compte qu'elle n'est plus une intruse dans le monde des lancers. Le record du monde battu au Japon en mai a fait office de déclic sur le plan mental. Elle se considère désormais tout à fait légitime dans sa discipline. "L'année dernière ici même, je lui avais dit : 'tu peux gagner entre 2 mètres et 2,5 mètres, c’est-à-dire être très proche du podium', poursuit-il. Elle a déjà gagné ses 2 mètres, il reste 50 centimètres à aller chercher sur les 12 ou 13 semaines qui nous restent avant Paris 2024. C'est faisable mais on est un peu pris par le temps. La cible reste vraiment les Jeux de Los Angeles en 2028, mais si tout se passe bien cet été, ce ne sera que du positif."
Toujours dans un sourire, Alexandra Nouchet promet simplement de "continuer à travailler dur et [de] faire en sorte de représenter au mieux la France". Et avant de rentrer dans les vestiaires, sac en main, elle lance un appel aux supporters tricolores : "J'espère qu'on pourra s'ambiancer tous ensemble sur du Beyoncé au Stade de France, alors soyez là !"
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