Suspension de la démolition d'un bâtiment de l'Institut Curie à Paris : on vous résume la polémique en quatre actes

Un bâtiment de l'Institut Curie, le Pavillon des Sources, devait être détruit à partir de lundi. Mais la ministre de la Culture a annoncé la suspension des travaux vendredi, après une mobilisation des défenseurs du patrimoine dont l'animateur Stéphane Bern.
Article rédigé par franceinfo - Julien Ricotta
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le Pavillon des Sources, sur le site de l'Institut Curie, à Paris le 4 octobre 2023. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA)

Le sort d'un bâtiment de l'Institut Curie, un centre de recherche sur le cancer à Paris, suscite la polémique. Le Pavillon des Sources, situé dans le 5e arrondissement, devait être détruit à partir du lundi 8 janvier. Cette bâtisse, actuellement abandonnée, servait de "lieu de stockage de déchets radioactifs" pour Marie Curie, selon un communiqué de l'Institut. Mais des défenseurs du patrimoine, dont Stéphane Bern, ont lancé un appel au président de la République Emmanuel Macron. "Ce n'est pas une architecture extraordinaire, mais c'est un patrimoine symbolique, mémoriel", avait déclaré l'animateur, jeudi sur France Culture.

Le lendemain, vendredi 5 janvier, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak a annoncé sur le réseau social X la suspension de la "démolition du Pavillon des Sources", afin d'étudier "toute alternative possible". Franceinfo revient sur cette polémique autour de ce site.

Acte 1 : l'entrepôt de Marie Curie

Le Pavillon des Sources constitue, avec le Pavillon Pasteur et le Pavillon Curie, le grand ensemble de l'Institut Curie. Ce petit bâtiment en briques beiges, construit au XXᵉ siècle, servait à entreposer les matières premières utiles aux recherches de Marie Curie, prix Nobel de chimie en 1911. Mais selon l'Institut, la célèbre scientifique "n’a jamais travaillé" au sein du Pavillon des Sources, puisque son laboratoire était situé au Pavillon Curie. Le bâtiment au cœur de la polémique était "un ancien lieu de stockage de déchets radioactifs, de 100 m², aujourd’hui vide", précise la fondation créée en mémoire de la physicienne. "C'est un laboratoire qui n'a jamais servi à faire des travaux de recherche", appuie Raphaël Rodriguez, chercheur à l'Institut Curie.

Un square et un jardin, avec notamment des tilleuls et des platanes, sont situés juste à côté. Le jardin a été créé en 1912 par Marie Curie, qui l'a entretenu elle-même pendant de nombreuses années, comme le raconte le site internet du musée Curie.

Acte 2 : un permis de démolir, en mars 2023

L'Institut Curie avait obtenu un permis de démolir de la Ville de Paris, le 24 mars 2023. Le projet visait à raser le Pavillon des Sources pour construire un immeuble plus grand, dans le cadre d'un agrandissement du campus Pierre-et-Marie-Curie-Val-de-Grâce. Ce nouveau bâtiment de cinq étages, avec environ 2 000 m2 de surface, doit abriter "le premier centre de chimie biologique sur le cancer en Europe".

La commission du Vieux Paris, service municipal dédié notamment à la protection du patrimoine, a cependant émis un avis défavorable à trois reprises pour ce projet. Cette Commission a également demandé le classement de l'Institut du radium de Marie Curie, comprenant le Pavillon des Sources et son jardin, le Pavillon Curie et le Pavillon Pasteur, au titre des monuments historiques par le ministère de la Culture. Une demande qui n'a pas été suivie.

Acte 3 : une levée de bouclier des défenseurs du patrimoine

Des associations de défenseurs du patrimoine s'étaient mobilisées ces derniers mois contre le projet. SOS Paris avait estimé que le futur bâtiment représentait un danger pour les "tilleuls centenaires", ce que réfute l'Institut Curie. L'association Paris Historique avait de son côté demandé une "instance de classement", selon des propos relayés par l'AFP. Une pétition, lancée sur le site change.org pour demander le classement du Pavillon des Sources aux monuments historiques, n'avait cependant récolté qu'environ 700 signatures. La sénatrice Les Républicains Catherine Dumas avait, de son côté, dénoncé la destruction d'arbres "centenaires, voulus et plantés par Marie Curie elle-même".

Tout s'est accéléré avec la prise de parole de Stéphane Bern, jeudi sur France Culture. "L'opprobre retomberait sur l'Institut Curie", a mis en garde l'animateur, se disant "mobilisé" contre la démolition du Pavillon des Sources. Stéphane Bern, qui dit avoir "échangé par SMS" sur le sujet avec Emmanuel Macron, a lui aussi demandé une "instance de classement" pour "trouver une autre solution".

Acte 4 : Rima Abdul Malak suspend les travaux, les "alternatives" étudiées

Le dossier a connu un rebondissement vendredi, avec l'annonce de la suspension des travaux par la ministre de la Culture. "J’ai échangé ce matin avec Thierry Philip, président de l'Institut Curie. Nous sommes convenus qu'il suspende la démolition du Pavillon des Sources", a écrit Rima Abdul Malak sur X. Cette suspension doit permettre, selon la ministre, d'étudier "toute alternative possible". Mais alors, faut-il comprendre que la construction du nouveau bâtiment n'aura pas lieu ? Contacté ce vendredi par franceinfo, l'Institut Curie estime que le projet "n'est pas enterré", mais qu'il doit "évoluer".

Le centre de recherche se dit également, dans un communiqué publié vendredi, "conscient de l’émoi suscité chez les défenseurs de la mémoire".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.