"Gilets jaunes" : le mouvement a "changé de nature" avec une volonté affirmée "de démocratie directe horizontale", estime un historien
Alors qu'une nouvelle journée de manifestations a eu lieu ce samedi à Paris et dans plusieurs grandes villes, Sylvain Boulouque, spécialiste des mouvements sociaux, affirme que "le refus des intermédiaires" est plus fort qu'au début de la contestation.
"On a un rebond du mouvement des "gilets jaunes", qui est même un rebond de la contestation sociale actuellement", affirme samedi 12 septembre sur franceinfo Sylvain Boulouque, historien des mouvements sociaux, alors que plusieurs milliers de "gilets jaunes" ont à nouveau manifesté ce samedi dans plusieurs grandes villes de France.
Une hostilité envers certains "gilets jaunes"
"Pendant les dernières semaines et les derniers mois, il y avait quelques centaines de manifestants et là, aujourd'hui, on a plusieurs milliers de manifestants, note Sylvain Boulouque. On retrouve la configuration à une échelle plus réduite de ce qui pouvait se passer en 2018 avec des "gilets jaunes" venant d'horizons politiques très différents mais qui aujourd'hui, sont sur des manifestations relativement différentes. Cette évolution des moyens d'action est due selon l'historien à une forme de tri opéré par les manifestants eux-mêmes et par "la mémoire de ce mouvement qui fait que certaines personnes sont hostiles à la présence d'autres "gilets jaunes"".
Selon Sylvain Boulouque, on retrouve dans cette reprise des manifestations "la volonté de démocratie directe horizontale, qui n'était pas forcément présente tout au début du mouvement des "gilets jaunes"". "On avait plutôt un refus de la pression fiscale", estime l'historien des mouvements sociaux.
Cette recherche de démocratie horizontale et ce refus des intermédiaires est beaucoup plus fort aujourd'hui dans l'expression du mouvement qu'il ne pouvait l'être il y a quelques années.
Sylvain Boulouque, historienà franceinfo
Sylvain Boulouque pointe notamment "des bases locales qui existent réellement autour de quelques lieux", ainsi que "plusieurs villes et ronds-points en France où ils ont structuré le mouvement de manière complètement différente de ce qu'il pouvait être en novembre 2018".
Pas forcément de débouché politique
En vue de l'élection présidentielle de 2022, "il peut y avoir un durcissement" du mouvement, affirme l'historien. Mais il ne pense pas que les "gilets jaunes" prendront part à la campagne : "Ce sont des personnes qui ne vont pas voter et qui ne se reconnaissent plus dans le système électoral tel qu'il existe. Donc ce n'est pas du tout sûr que ce mouvement trouve un débouché politique comme ça aurait pu être le cas début 2019."
Sylvain Boulouque est persuadé que le mouvement "a changé de nature". "On est uniquement dans l'expression d'un mouvement social et d'un mécontentement politique, mais qui ne prendra pas forcément une forme politique au sens contemporain du terme."
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