"Ces images n'ont jamais passé la censure" : une rafle à Paris en 1941 remonte à la surface après la découverte de photos inédites d'un soldat allemand
Cet épisode, à l'issue duquel 6 000 Juifs étrangers de Paris, principalement des Polonais, seront déportés vers les camps de la mort, était passé sous les radars de l'histoire. La découverte d'une centaine de clichés pris par un soldat allemand documente cette séquence oubliée.
Dans une simple enveloppe de papier, 98 photos sur cinq planche contact provoquent un bond en arrière de 80 ans. Le reportage réalisé en 1941 dans le Paris occupé par les Allemands, en pleine Seconde Guerre mondiale, commence au gymnase Japy, un des centres de rassemblement où 800 juifs vont se présenter, répondant à une convocation reçue par la poste.
Un soldat allemand de la Propagandakompanie (PK), une unité de la Wehrmacht, a pris les photos. "On y voit des femmes, des enfants qui ont accompagné leurs pères et leurs maris, détaille Lior Lalieu-Smadja, responsable de la photothèque du Mémorial de la Shoah. Et c'est une vraie découverte : ces images n'ont jamais passé la censure. On les voit encadrées de policiers français. Elles sont angoissées sur certaines photos qu'on a agrandies, certaines ont des mouchoirs, pleurent..."
Une séquence très peu documentée
La "rafle du billet vert" est un épisode de la Seconde Guerre mondiale passée sous les radars de l'Histoire. Les 14 et 15 mai 1941, un "billet vert" appelle les plus de 6 000 juifs étrangers de Paris, principalement des Polonais, à venir se faire recenser dans les commissariats de la ville et de la région parisienne. Près de 4 000 d'entre eux seront arrêtés par la police française, rassemblés au gymnase Japy, transportés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande (Loiret), déportés vers les camps de la mort.
La rafle, moins connue que celle du Vel-d'hiv, était assez peu documentée avant la découverte d'une centaine de clichés pris par ce soldat allemand et acquis récemment par le Mémorial de la Shoah à Paris. Les regards perdus, le dernier baiser d'un couple, la raideur des policiers : les clichés contrastent avec ceux de la propagande, jusqu'à aujourd'hui les seuls documents disponibles.
"Là, on a un couple qui s'embrasse, qui se dit adieu. Il y a très, très peu de photos qui montrent cette séparation, les rafles, les déportations et qui montrent le côté humain."
Lior Lalieu-Smadjaà franceinfo
Le soldat allemand avait une ascendance juive, ce qui pourrait expliquer la sensibilité de ses photos et sa volonté de garder une trace. Ses images, malgré leur intérêt documentaire, ont mis longtemps à remonter à la surface. "Ce sont deux collectionneurs qui sont venus nous voir, poursuit Lio Lalieu-Smadja. Ils avaient acheté ce fonds à un brocanteur qui se l'était procuré sur une foire à Reims il y a dix ans. C'est la seule histoire que nous connaissons aujourd'hui."
Le Mémorial de la Shoah travaille pour remonter le fil. Le musée espère également que sur ces clichés, des familles pourront reconnaître un grand-père, un grand-oncle, pour peut-être mettre un jour un nom sur ces visages longtemps oubliés.
Une exposition, installée en extérieur et organisée par le Mémorial de la Shoah, est visible dès le jeudi 14 mai au gymnase Japy, dans le 11e arrondissement de Paris.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.