Park Heong-joon, maire de Busan, ville sud-coréenne candidate à Expo 2030 : "C'est avant tout une exposition pour les générations futures"
Le 28 novembre, la 173e assemblée générale du Bureau international des expositions (BIE) qui siège à Paris va élire la ville hôte de l'Exposition universelle de 2030. La ville du Busan, en Corée du Sud, est l'une des trois candidates finalistes. Nous avons rencontré son maire, Park Heong-joon, de passage à Paris en octobre dernier lors de la présentation de sa candidature. Entretien.
Franceinfo Culture : Busan, la deuxième ville la plus importante du pays après la capitale Séoul, est déjà connue pour son festival de cinéma. La culture est l’un des atouts principaux de la Corée du Sud aujourd’hui et vous la mettez en avant dans la promotion de votre candidature...
La société sud-coréenne est très dynamique. Nous avons atteint de nombreux objectifs économiques et, avec le développement économique, nous avons produit une grande diversité de contenus culturels. La Corée du Sud est à la fois créative et innovante. La K-pop, les K-movies (films) et les K-dramas (séries) sont aujourd’hui très populaires dans le monde. Ce qui constitue véritablement un gros atout pour nous. La culture infuse dans tout le pays. L’Exposition universelle de 2030 sera une plateforme d’échanges culturels.
Comment et quand la Corée du Sud a-t-elle décidé de faire de la culture un atout géopolitique en Asie et dans le reste du monde ?
Je pense que c’est depuis le processus de démocratisation en 1987 (année de la première élection présidentielle démocratique du pays). À partir de ce moment, l’atmosphère est alors devenue plus libérale et plus diverse. À l’époque, de plus en plus d’étudiants et des spécialistes se sont mis à produire de nouveaux contenus culturels – films, musique –, dans tous les arts en général. Depuis les années 1990, la culture coréenne monte en flèche. Le passage d’un régime autoritaire à un régime démocratique en Corée du Sud a été un véritable tournant.
Quels sont les atouts de la ville de Busan ?
D'abord, pour la Corée, Busan est un portail international. Elle abrite le deuxième port mondial en termes de fret. La majorité des produits exportés et importés par la Corée passent par Busan. La ville se trouve à la jonction du continent eurasiatique et du Pacifique. Dans cette perspective, elle est adéquate pour accueillir l'Exposition universelle. Ensuite, le climat y est agréable. Nous sommes en train de réaménager un site dédié, qui se trouve dans le centre-ville et à côté de la mer, en utilisant des technologies vertes et de pointe. Il sera construit de façon autosuffisante en énergie et sera neutre carbone.
"Transformer notre monde, naviguer vers un avenir meilleur" est votre slogan. Comment se traduit-il concrètement ?
Dans les années 1960, la Corée était l'un des pays les plus pauvres au monde. Il est devenu, durant les cinq dernières décennies, l’une des dix puissances économiques mondiales. Les Sud-Coréens pensent que cette réussite a été possible grâce à l'aide de la communauté internationale. Nous considérons l'Exposition universelle de 2030 comme l'occasion de lui rembourser notre dette. La Corée du Sud peut jouer un rôle important parce que nous sommes capables de comprendre les inquiétudes des pays en voie de développement, d’être un pont entre eux et les pays développés. À la différence des précédentes Expositions universelles, qui étaient plutôt des plateformes pour présenter des nouvelles technologies et de nouveaux produits des pays développés, nous voulons créer, cette fois, une plateforme de solutions afin que davantage de pays en voie de développement puissent participer à l’Exposition universelle, partager les inquiétudes et les défis auxquels ils sont confrontés. À ce titre, nous avons lancé "l'initiative de Busan", qui vise à appuyer chaque pays en voie de développement dans la résolution de ses problèmes actuels en coopération avec le gouvernement sud-coréen. Ainsi, en 2030, les solutions que nous avons trouvées ensemble seront exposées.
Quel est le budget que Busan et la Corée consacrent à cette Exposition universelle ?
Le budget exact n'est pas encore fixé. Pour les coûts directs, il est de 5 milliards d'euros. En y intégrant le coût de construction des infrastructures, il va atteindre 25 milliards d'euros.
L’été dernier, vous avez organisé le jamboree, le rassemblement mondial des scouts, et cela a été une mauvaise expérience pour vous. Quelles leçons en avez-vous tirées ?
Malheureusement, il y a eu des problèmes durant le jamboree, mais ils sont surmontables. La Corée du Sud a une grande expérience dans l’accueil d’événements mondiaux, notamment des Olympiades. Nous en avons les capacités.
La décision du BIE sera connue le 28 novembre. Qu'est-ce qui vous donne foi en votre candidature face à des concurrents comme Rome et Riyad ?
Tisser un partenariat avec des pays en voie développement suppose de disposer de ce dont ils ont besoin. Dans cette perspective, la Corée du Sud a les capacités de coopérer avec de nombreux pays dans divers domaines, en comparaison avec Rome et Riyad. Notre principe de coopération, c'est de ne pas se contenter de fournir des ressources immédiates, mais de trouver ensemble des solutions pour en acquérir.
La culture est un moyen d'atteindre les jeunes et les artistes de la K-pop sont aussi représentatifs de cette jeunesse coréenne. Comment cette dernière, qui exprime un certain mal-être dans votre pays notamment du fait des inégalités sociales, sera impliquée et associés à l'Exposition universelle ?
Expo 2030 est avant tout une exposition pour les générations futures. Les jeunes Sud-Coréens, comme tous les jeunes du monde, vivent beaucoup de difficultés. Ils vivent toujours dans une atmosphère de concurrence excessive, ce qui crée une grande difficulté. À travers l'Exposition universelle, nous voudrions offrir des opportunités aux jeunes, c'est l’une nos attentes. Le gouvernement sud-coréen est en train de mener plusieurs actions pour accueillir plus de start-up, non seulement dans le domaine culturel, mais dans d'autres domaines dans le cadre de cet événement. Nous allons élargir le champ de créativité pour que plus de jeunes puissent participer. Des investissements qui pourront également créer de nombreux emplois pour eux.
Comment expliquez-vous que les jeunes subissent autant de pression pour réussir dans la société sud-coréenne ?
Dans le cadre du processus de développement, l'objectif a toujours été de rattraper notre retard. Cela a instauré une culture de la performance dans notre pays. À cela s'ajoute la grande importance que nous accordons à l'éducation. La société encourage les jeunes à devenir gagnants, cette concurrence excessive est en quelque sorte l'atmosphère sociale de la Corée du Sud. Il est bien évidemment nécessaire de changer cette culture, d’évoluer vers une société dans laquelle on arrête de se comparer les uns avec les autres et qui privilégie la réalisation des souhaits des individus.
De même, sur le plan régional, le développement du pays s'est fait de manière très concentrée autour de la capitale Séoul, ce qui a renforcé cette atmosphère de concurrence. À travers l'Exposition universelle, nous voudrions créer une base de développement équilibrée avec le développement de Busan, en tant qu'autre axe. Nous souhaitons que l’Exposition puisse atténuer cette concurrence excessive et la structure très verticale de la société sud-coréenne en renforçant sa diversité.
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