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Témoignage Eurovision 2023 : "Je suis une femme du peuple", confie La Zarra avant la finale du concours

La chanteuse représente samedi la France à l'Eurovision, perchée sur une plateforme de plusieurs mètres de haut. Elle revient pour franceinfo sur ses choix artistiques, sa proximité avec le public et ses années difficiles avant de percer avec le tube "Tu t'en iras".
Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
La chanteuse La Zarra, à Liverpool (Angleterre), le 11 mai 2023. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Quand elle était petite, sa mère lui fredonnait L’Oiseau et l’enfant, soit la chanson de la dernière lauréate française du concours de l'Eurovision. Quarante-six ans après la victoire de Marie Myriam, au tour de La Zarra de représenter la France lors de la 67e édition, samedi 13 mai, dans la ville des Beatles, à Liverpool (Angleterre).

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Connue pour son tube Tu t'en iras et son premier album très remarqué Traîtrise, la chanteuse originaire du Québec concourt avec la chanson Évidemment. À quelques heures de monter sur la scène de l’Eurovision, posée sur une impressionnante colonne lumineuse, la mystérieuse La Zarra, dont l’âge reste un secret bien gardé, a accepté de se confier à franceinfo sur sa prestation, ses exigences vis-à-vis de l’organisation du concours pour que tout soit "parfait", et dévoiler un peu sa vie et son passé loin des projecteurs. 

franceinfo : 46 ans que la France attend de gagner l'Eurovision. C'est beaucoup de pression ? 

La Zarra : Oui, c'est beaucoup de pression parce que je sais qu'il y a un vrai espoir avec moi quand même, comme il y en a eu un avec Barbara Pravi (qui a fini à la deuxième place en 2021). Elle a été si proche, je considère qu'elle aurait dû gagner. Il y a énormément de pression.

"J'ai cette espèce de phobie d'arriver cinquième, dixième ou vingtième. J'ai peur, ce serait comme si j'avais menti aux gens."

La Zarra

à franceinfo

Quand on a révélé que vous seriez la représentante de la France à l'Eurovision, vous nous avez dit, droit dans les yeux, que vous alliez gagner. Où en est-on à l'approche de la grande finale ?

Je veux gagner, je veux gagner... (sa voix tremble) Le "veux" tremble un peu parce que j'ai quand même compris qu'il y avait d'autres éléments à l'Eurovision. Je pense que tout le monde le sait. Il y a des éléments entre les pays, c'est un peu politique. Est-ce que le fait d'ouvrir les votes au monde peut provoquer un changement (les téléspectateurs des pays qui ne sont pas dans la compétition pourront désormais voter) ? Est-ce que ça va nous aider ? Je ne sais pas.

Vous allez monter sur scène devant presque 200 millions de téléspectateurs. Comment vous sentez-vous après des mois de préparation ?

Ça va ! Le stress commence à venir une heure et demie avant de monter sur scène, et c'est là que toutes les émotions entrent d'un coup, on se dit 'je peux y aller', puis 'non je ne serai pas capable'... On est en schizophrénie totale !

Surtout quand on est perché à trois mètres de haut...!

C'est encore plus haut, parce que quand vous calculez trois mètres de haut, c'est la plateforme qui monte mais en dessous, il y a une autre espèce de plateforme, et en plus il y a la scène, donc ça doit faire un petit 6 ou 7 mètres.

Peut-on chanter normalement, quand on est perché comme ça ?

Ça fait peur, il n'y a rien de normal de chanter comme ça. C'est très nouveau. On a fait quelques répétitions, les retours du son en hauteur sont très différents. C'est à moi de faire en sorte de me recentrer pour pouvoir donner la meilleure performance possible. 

Quelle est l'idée derrière le fait de se mettre sur cette colonne, sur un piédestal, un peu disco en mode boule à facettes ? 

Il fallait suivre un peu la dynamique de la chanson. Donc moi, je voulais que ça commence de façon un peu cinématographique, que ce soit impactant. Être en hauteur et créer comme une grande robe pour que ça fasse un peu statue, une œuvre d'art, une peinture qu'on veut regarder longtemps.

Il y a eu une répétition générale en vidéo. Est-ce que vous prenez en compte les conseils des fans de bouger la caméra ou de changer la lumière ?

Bien sûr que oui, parce que mon public est bienveillant envers moi. C'est concret et pertinent, même s'il y a certaines personnes qui ont dit des trucs qui n'avaient pas de sens. On va pousser, je vais demander. Ce que les gens ne savent pas, c'est que là, c'est un peu chaud, on ne peut pas demander certains changements mais, notamment au niveau de la voix, ce sont des choses qui avaient déjà été demandées et qui n'ont pas été faites. Donc c'est important pour moi que ce soit parfait, notamment pour le son du téléspectateur devant sa télé.

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Est-ce que cette bulle de l'Eurovision, cet univers, correspond à ce que vous attendiez ou ça dépasse finalement vos attentes ? 

Alexandra (Redde-Amiel, la cheffe de la délégation française) m'a expliqué mais on ne peut pas avoir une compréhension totale puisqu'on ne l'a jamais vécu. Moi, ce qui m'a fait du baume au cœur, c'est le public. Je pense que je suis une femme du peuple.

"J'ai besoin de parler aux gens. J'ai besoin de les toucher, de les écouter. Pour moi, ce ne sont pas 'mes fans' parce que ce mot, c'est poubelle, ça veut dire 'fanatiques', c'est de l'idolâtrie. Quand je rentre à la maison, je suis comme eux."

La Zarra

à franceinfo

Là, vous n'êtes pas en pyjama non plus...

Oui, mais je vous représente, je représente la France à l'étranger  ! Vous pensez que je vais arriver avec mon chandail que je mets pour acheter mes tomates, mais ce n'est pas possible, vous n'allez pas aimer ça ! (rires)

Vous revendiquez cette proximité, cette simplicité dans cette grandiloquence qui vous caractérise, tout en même temps ?

J'ai commencé à montrer plusieurs facettes de ma personnalité. Je ne me prends absolument pas au sérieux, jamais. J'adore rigoler de tout, c'est un peu comme dans la chanson de Drake (elle se met à chanter) : "started from the bottom, now we're here". On vient d'en bas, on est monté. Je viens d'une famille de sept enfants. Je suis une femme du peuple. 

Sur les réseaux sociaux, on vous appelle "maman", vous parlez vous-même du fait que vous avez une fille. Est-ce que ça peut servir aussi dans l'interprétation, lorsqu'on monte sur scène ? 

Chacun son parcours, mais quand tu es une mère monoparentale, tu dois te battre pour nourrir ton enfant, pour offrir une belle éducation.

" Je pense qu'être maman, ça te donne une force. J'ai vécu les factures qui s'accumulent et quand tu as fini[ avec les factures], la voiture est cassée et, là, tu dis 'comment je veux faire'. Je me souviens très bien de ces années de galère. Et je pense que ça m'a donné une force parce que tu te bats pour quelqu'un. Si ce n'était que moi, je serais allée dormir sur le canapé d'une copine... !"

La Zarra

à franceinfo

Je chante parce que c'est essentiel pour moi, c'est ma façon de m'exprimer. J'ai vu que je pouvais avoir une carrière et payer mes factures. À la fin de la journée, c'est un cliché, mais je veux mettre ma fille et ma famille à l'abri !

Qu'est-ce que vous avez envie de montrer sur scène, si l'on met de côté la peur et le stress ?

Je veux montrer ce qui se passe à l'intérieur de La Zarra : la mélancolie, beaucoup, beaucoup d'amour et de sensibilité. 

Pour finir, qu'est-ce qu'on vous dit ? "Bonne chance", ou ça porte malheur ? 

Moi non plus, je ne sais pas. Il faut parler aux énergies, les chakras, hop, ça monte au ciel, on demande et on gagne ! 

La Zarra avec ses fans à Liverpool avant la finale de l'Eurovision - Reportage de Benjamin Illy

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