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Reportage "On peut tout dire aux enfants, même des choses très dures" : comment les livres jeunesse abordent les questions d'environnement

La 39e édition du Salon du livre et de la presse jeunesse ouvre mercredi à Montreuil en Seine-Saint-Denis. Dans les ouvrages à destination des enfants, le dérèglement climatique est devenu un thème majeur.
Article rédigé par Thomas Giraudeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Dans Il y avait une maison, Philippe Nessmann parle du dérèglement climatique, des espèces invasives, de la déforestation à des enfants dès l'âge de 5 ans. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Le Salon du livre et de la presse jeunesse ouvre à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, mercredi 29 novembre pour sa 39e édition. C'est le salon le plus important du genre : 180 000 visiteurs ont arpenté ses allées l'an dernier et découvert que de plus en plus d'ouvrages à destination des ados mais aussi des très jeunes enfants, parlent d'environnement, du dérèglement climatique, de préservation de la planète. Alors comment parler de ces sujets complexes, souvent anxiogènes, aux plus jeunes ? 


Dans Il y avait une maison, aux éditions La Cabane Bleue, Philippe Nessmann raconte, pour des enfants dès l'âge de 5 ans, comment un homme fait fuir tous les animaux qui habitent chez lui : "Je voulais raconter le phénomène de la disparition des espèces à hauteur d'enfants. Pour cela, je me suis appuyé sur la structure des Dix Petits Nègres, où tous les personnages disparaissent les uns après les autres. Ici, un jour, l'homme veut un beau parterre de fleurs dans son jardin intérieur. Sauf qu'un arbre fait de l'ombre aux fleurs. Alors, il décide de couper les branches les unes après les autres. Au bout d'un moment, l'arbre meurt. Et l'orang-outan qui vivait dessus est obligé de partir."

Quelques pages plus loin, l'ours polaire s'en va à son tour parce que l'homme met trop de branches de l'arbre dans la cheminée, il chauffe trop la maison. Des animaux s'enfuient face à l'arrivée d'un chien, amené par l'homme, qui les menace : "Je pense qu'on peut tout dire aux enfants, même des choses très dures, mais il faut que dans l'obscurité, il y ait une lumière quelque part. J'ai donc choisi le genre de la fable. Et là, dans ce livre, l'espoir se retrouve à la fin." L'homme s'aperçoit que les animaux sont partis à cause de lui. Il change d'attitude et ils reviennent.

Philippe Nessmann explique en conclusion, dans une double page pédagogique, que cela existe dans le monde réel : l'ours fuit la fonte de la banquise, le singe est menacé par la déforestation, les abeilles par les pesticides, des espèces disparaissent en raison de l'importation d'autres par les humains. 

Philippe Nessmann évoque le réchauffement climatique à travers cet ours, obligé de quitter la maison car l'homme a trop monté le chauffage. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

"Un enfant s'émerveille devant la nature"

"Il n'y a pas d'âge pour en parler à partir du moment où l'enfant est à l'écoute !" Angéla Léry a cofondé La Cabane Bleue, qui édite l'ouvrage de Philippe Nessmann et une quinzaine de titres, parlant tous d'environnement : "On a une collection qui s'appelle Suis du doigt, dès l'âge de 3 ans. C'est très ludique. On a des abeilles, que l'on va suivre du doigt, et on va comprendre où elles vont. Butiner des fleurs puis revenir à la ruche. Cela va leur apprendre des choses très simples sur le rôle de nos abeilles dans l'écosystème. Un enfant s'émerveille devant la nature. Et c'est ce biais-là qui marche super bien ! Parler de la réalité, l'idée n'est pas de la nier. Mais avec cette idée de regarder le monde comme il est beau. Et de fait, c'est nécessaire de préserver cette beauté. On ne va pas parler de fin du monde, de collapsologie à de jeunes enfants, nous allons rester optimistes."
 
Plus l'enfant grandit ensuite, plus les livres peuvent aborder frontalement l'urgence climatique, avec des récits de science-fiction plus sombres. Comme "Oxcean", édité chez Talents Hauts, en lice pour obtenir un prix au salon du livre jeunesse de Montreuil.

"C'est une question qui traverse la littérature jeunesse depuis une vingtaine d'années. Mais le gros de la production est sorti il y a une dizaine d'années, et encore davantage depuis la crise sanitaire. On peut en trouver dans toutes les maisons d'édition, y compris les plus connues du grand public. J'ai comptabilisé environ 850 références sur le sujet", précise la directrice littéraire du salon, Nathalie Donikian. "Les éditeurs savent que cela intéresse les lecteurs, car l'environnement, le dérèglement climatique dont partie de la vie des mômes. Mais surtout les auteurs et autrices ont cette sensibilité pour ces thématiques, ils ont envie d'en parler aux jeunes."

D'Albin Michel à Casterman en passant par les éditeurs spécialisés, y a-t-il un risque d'en avoir trop dans les rayons ? Pas forcément pour Nathalie Donikian. Pour elle, les auteurs s'intéressent de plus en plus à des parcours, des militants méconnus du grand public, comme l'Américaine Rachel Carson, et la thématique est abordée différemment qu'il y a quelques années, avec un focus actuellement sur la relation au vivant.

La directrice littéraire du salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, Nathalie Donikian, feuillette Oxcean, aux éditions Talents Hauts, en lice pour obtenir un prix au salon. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

 

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