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Mort de Jean Teulé : "Dans ma vie, j’ai eu beaucoup de chance", avait confié le romancier sur franceinfo

Le romancier Jean Teulé, dont la maison d’édition a annoncé la mort mercredi 19 octobre, a été deux fois l’invité d’Élodie Suigo pour présenter ses nouveaux livres. À travers ces interviews, se détache le portait d’un homme sensible et attachant.

Article rédigé par franceinfo - Ariane Schwab
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Publié Mis à jour
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Le romancier Jean Teulé, le 24 février 2015. (PHILIPPE CHEREL / MAXPPP)

Jean Teulé aimait "les gens spéciaux". Qu’ils soient fictifs ou historiques, il nous invitait de sa plume crue et visuelle, à pénétrer l’intimité de ses personnages. Le 8 octobre 2020, il était venu parler de son dernier roman dans Le Monde d’Élodie sur franceinfo. Après Rimbaud, Verlaine, Charles IX ou le marquis de Montespan, il s’était attaqué à Baudelaire dans Crénom, Baudelaire ! aux éditions Mialet-Barrault. "Je suis moins pénible que lui, avait-il estimé, se comparant en souriant au poète. Enfant, j’étais plutôt gentil, un petit peu différent, se décrit-il. C’est devenu ma vie d’écrire et je suis très solitaire. Du coup ce n’est pas du tout une souffrance de passer un an et demi sur un livre. Ça me va parfaitement."

Son enfance, il l’a passée sur les bancs du primaire aux côtés de Jean-Paul Gaultier, devenu le styliste et le grand couturier qu’on connaît. Et il note avec une certaine naïveté : "Tous les deux, on se sentait différents des autres enfants. Et ni lui ni moi, on est étonnés par ce qui nous est arrivé. C’est comme si on savait qu’on allait se débrouiller, que ça allait bien se passer et qu’on allait tracer notre route. J’ai eu beaucoup de chance."

"La qualité que je me reconnais au moins c’est que, quand on m’a tendu la main, j’ai su la prendre."

Jean Teulé

à franceinfo

Jean Teulé avait commencé comme auteur de BD jusqu’à ce que le Festival d’Angoulême lui coupe étrangement les ailes en lui remettant un prix en 1990 pour contribution exceptionnelle au renouvellement du genre de la bande dessinée. "J’ai adoré faire de la bande dessinée", a-t-il assuré, mais, quand on m’a donné ce truc-là, j’ai cru que j’étais mort. Ça faisait prix posthume. Le lendemain, c’est vrai,  j’ai arrêté."

Le 2 février 2022, Jean Teulé est de nouveau l’invité du Monde d’Elodie. Cette fois, il raconte la bataille d’Azincourt dans Azincourt par temps de pluie, toujours aux éditions Mialet-Barrault. Contrairement aux livres d‘histoire, il choisit un temps de récit très court, de la veille de la bataille au lendemain. "Je voulais qu’on ait l'impression d'y être et de voir comment s'organisait un truc comme ça", avait-il expliqué. "30 000 Français en cuirasse, en pleine forme, contre 5 000 Anglais malades. Les Français se sont fait laminer. Et on se dit : mais ce n'est pas possible, ils n'ont pas pu être aussi cons !"

Et mission accomplie. Sa façon de raconter très visuelle, presque cinématographique, est l'une de ses fiertés. "Les gens me disent à la lecture du livre, on entend le bruit, on voit les couleurs, on a les odeurs… Et ça, ça me plait bien", confiait-il, de sa voix chaleureuse où perçait une certaine tendresse. Si un livre peut avoir cette magie-là, c’est formidable." 

Une magie bien réelle car il a raconté que les enfants des écoles où il était invité, venaient le voir et lui disaient : "Monsieur, si c'était vous qui nous donniez des cours d'histoire, on aurait de meilleures notes. Je trouvais ça très mignon", se souvenait-il, un brin ému, lui qui n’aimait pas trop l’école, au point d’avoir manqué être remercié en troisième avant d’être rattrapé par un prof de dessin qui croyait en lui.

"De plus en plus inquiet à chaque livre"

Un parcours qui ressemble fort à un message d’espoir et dont il se disait "heureux". Pour autant, Jean Teulé avait confié cette inquiétude bizarrement grandissante au fil des ans. "C'est la première interview que je fais sur Azincourt et je me disais : j'espère que je ne serai pas trop bête. Et je suis de plus en plus inquiet à chaque livre. Je ne sais pas pourquoi. J'ai peur que les gens soient déçus. Je me dis que c'est le vingtième roman, et que ça fait vingt ans que j'en vends, c’est bon ! Mais pas du tout. Je suis de plus en plus nerveux, de plus en plus inquiet. Je croise les doigts en me disant : j'espère que les gens vont accrocher à ce truc-là."   

Dans chaque livre, Jean Teulé "mettait tout". À la question de quoi parlera le prochain, il répondait un peu perdu : "Chaque livre que j’écris, c’est comme si c’était le dernier. Je n’ai aucune idée de ce que sera le prochain !" Ce jour-là, il n’avait toutefois pas caché sa fierté que son livre sur le marquis de Montespan soit adapté et joué au théâtre de la Huchette à Paris. "Je trouve que c’est rigolo, c’est bien d’avoir ses livres adaptés en pièces de théâtre, en film, en bande dessinée. C’est quand même vraiment de la chance ! Il ne manquerait plus que je me plaigne, hein ?"

Jean Teulé nous a quittés mardi 18 octobre au soir, à l'âge de 69 ans. Sa maison d'édition l'a annoncé mercredi.

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