"Madre" : film sensible de Rodrigo Sorogoyen sur l'impossible deuil d'une mère
La caméra de Rodrigo Sorogoyen accompagne avec sensibilité le rythme de cette tragédie.
Après deux films policiers en forme de chroniques sociales et politiques - Que Dios nos perdone en 2017 et El Reino en 2019 - le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen signe un nouveau long-métrage plus intimiste, Madre, sur le deuil impossible d'une mère qui a perdu son enfant. Le film, initialement prévu pour le 22 avril, arrive dans les salles ce mercredi 22 juillet 2020.
Quand le film s'ouvre, Elena (Marta Nieto) arpente son appartement de long en large, sa mère aux basques, la questionnant de manière intrusive sur sa vie privée. On comprend que la jeune femme est célibataire, et agacée par l'interrogatoire de sa mère. Puis le téléphone sonne et le film prend alors une tournure de thriller. C'est le fils d'Elena, en vacances avec son père. II a six ans et il est seul sur une plage dans les Landes en France. Il ne sait pas où est son père. La jeune femme essaie de comprendre ce qui se passe, et de garder son calme. Mais le petit garçon est de plus en plus paniqué…
Plus tard, on retrouve Elena. Le temps a passé. Elle travaille dans un restaurant en bord de mer sur la côte basque française, où son fils a disparu dix ans plus tôt. Pendant ses heures de loisir, regard perdu, la jeune femme marche sur les vastes plages de la côte landaise, le flux et le reflux des flots sur le sable évoquant la tragédie sans cesse ressassée. Un jour, elle aperçoit sur la plage Jean (Jules Poirier) dans un groupe d'adolescents, un garçon qui lui rappelle son fils disparu. Une amitié étrange se noue, qui bouscule le garçon, sa famille, et le nouveau fiancé d'Elena…
Sidération
Ce cinquième film de Rodrigo Sorogoyen est le développement d'un court-métrage éponyme, qui a reçu de multiples prix. Le réalisateur y creuse la question de la perte d'un enfant, en même temps qu'il évoque l'émancipation d'un jeune garçon. Le film se déroule en trois temps : la scène fondatrice, courte, rythmée, effrayante. C'est cette scène qui constituait l'essentiel de son court-métrage.
Puis avec des plans larges, longs, fixes ou en mouvements très lents, le réalisateur installe le spectateur dans la torpeur, celle qui s'est emparée d'Elena, comme engourdie dans une sidération dont elle ne peut s'extraire. L'air du grand large n'y fait rien. La jeune femme se laisse happer par l'immensité des paysages de la côte landaise.
Enfin la caméra se met en mouvement, en plans séquence. C'est la rencontre avec Jean, la naissance d'une relation ambigue, dérangeante, mais aussi l'amorce de quelque chose, un sursaut, la possibilité du deuil et d'un retour à la vie pour Elena.
L'histoire est servie par des comédiens engagés et par une photographie très soignée, certains plans éclairés et composés comme les tableaux du peintre américain Edward Hopper. Si le film est un peu long, il aborde avec sensibilité, sans pathos et sans clichés, cette tragédie. Il souligne avec justesse la palette des sentiments, de l'anéantissement à la colère, en passant par la culpabilité, qui saisissent une mère confrontée à une telle épreuve.
La fiche
Genre : Drame, Thriller
Réalisateur : Rodrigo Sorogoyen
Acteurs : Marta Nieto, Jules Porier, Alex Brendemühl
Pays : Espagne, France
Durée : 2h 09min
Sortie : 22 juillet 2020
Distributeur : Le Pacte
Synopsis : dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, alors âgé de 6 ans, a disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où seul et perdu sur une plage des Landes, il lui disait qu’il ne trouvait plus son père. Aujourd’hui, Elena y vit et y travaille dans un restaurant de bord de mer. Dévastée depuis ce tragique épisode, sa vie suit son cours tant bien que mal. Jusqu’à ce jour où elle rencontre un adolescent qui lui rappelle furieusement son fils disparu…
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