Cinéma : à Rome, les studios de Cinecittà en pleine renaissance

Article rédigé par Bruno Duvic
Radio France
Publié
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L'entrée des studios de la Cinecittà à Rome, le 19 novembre 2021. (LAURENT EMMANUEL / AFP)
En déclin depuis les années 1980, les studios de cinéma aux portes de Rome enchaînent aujourd'hui les productions de films et séries, grâce à l'essor des plateformes de streaming.

Une voiturette roule sous les pins parasols au son du gazouillis des oiseaux. Elle slalome entre les studios de cinéma. Aux portes de Rome, en Italie, Cinecittà vit une renaissance. En déclin depuis les années 1980, ces studios de cinéma enchaînent désormais les productions de films et de séries.

Au sein de ses 40 hectares de superficie, Cinecittà compte aujourd'hui vingt studios, et des espaces de tournage en extérieur, comme cette ville antique reconstituée naguère pour la série Rome. Simona Balducci, responsable des décors et scénographies à Cinecittà, est installée dans son bureau devant un immense dessin pour un film à venir. "C'est l'intérieur d'un navire à vapeur", confie-t-elle.

Parmi les superproductions de 2023, la série de Roland Emmerich sur les gladiateurs, avec Anthony Hopkins, est le symbole des cadences infernales qui ont repris ici. "Ils ont tourné pendant dix mois" et le réalisateur "va très vite", se souvient Simona Balducci. "On avait à peine construit et livré un décor qu'il en fallait un autre le lendemain."

Un taux d'occupation des studios proche de 80%

Anthony Hopkins, Angelina Jolie ou encore Adam Driver... Le gratin d’Hollywood revient à Cinecittà, devant ou derrière la caméra. Le Covid, période de grande remise en cause pour le cinéma, fut un moment de bascule. "Après la pandémie, quand les tournages ont repris, les sociétés de production ont compris que c'était plus simple de tourner en un seul endroit, explique la responsable des décors et scénographies. Ils ont redécouvert les avantages des studios."

Cinecittà, c’est une croissance à deux chiffres en 2023 et le taux d’occupation des studios s'élève presque à 80%. "Cinecittà vit un nouvel âge d'or parce que dans notre pays il y a une fiscalité favorable", explique l’administrateur général Nicola Maccanico.

"Il y a un système de crédit d'impôt qui nous permet d'être compétitif sur les principaux marchés européens et mondiaux et puis, surtout, le marché de l'audiovisuel a explosé."

Nicola Maccanico, administrateur général

à franceinfo

Nicola Maccanico fait allusion à la multiplication des plateformes qui ont toujours besoin de contenus nouveaux. Cinecittà a également noué un accord avec le groupe audiovisuel Freemantle pour l’occupation de six plateaux. Elle a aussi décroché de l'argent européen pour construire cinq nouveaux studios et en rénover quatre.

De l'artisanat et des technologies de pointe

L’image vieillotte de Cinecittà est donc en train de s’estomper, en témoigne le Teatro 18, à la pointe pour les tournages en réalité virtuelle. Mais ce qui attire les équipes de production ici, c’est le mélange de la technologie avec l’artisanat. Les menuisiers, peintres, ferronniers et autres professionnels sur le site jouent grandement dans sa réputation. À la menuiserie, travaillent 16 personnes, ils étaient 40 à l'époque où presque tout se faisait à la main. Les équipes se servent, par exemple, d'une machine avec un contrôle numérique pour couper le polystyrène. "Si on doit fabriquer des corniches en hauteur que personne ne va toucher, le polystyrène fait l'affaire. Ensuite c'est au peintre de lui donner l'apparence du bois ou du marbre, cela coûte moins cher", détaille Paolo Perugini qui dirige la menuiserie des studios. D'après lui, "les artisans de Cinecittà ont l'art de faire paraître vraies des choses fausses".

Ce qui fait l’atout du site tout près de la capitale italienne, ce sont des gens comme lui, au savoir-faire très rare. Paolo Perugini est là depuis plus de 30 ans. "Depuis 1992, je ne sais pas à combien de films j'ai participé", mais "j'ai le numéro de téléphone des plus grands architectes et scénographes de spectacle, souligne l'artisan. Il y a peu de gens qui savent faire mon travail." La transmission de ce savoir-faire suscite d'ailleurs une réelle inquiétude. Il est difficile de recruter de jeunes artisans. Depuis que le site a été racheté par l’État en 2017, les règles de recrutement sont plus strictes et on ne peut plus se coopter de père en fils.

"Cinecittà, c’est nous"

Le film Finalmente l'alba (Finalement l'aube en français) sort en salles en Italie mercredi 14 février. Il a été tourné en grande partie dans les studios romains et rend hommage à leur histoire. Italien, pur Romain, son réalisateur Saverio Costanzo affirme : "Cinecittà, c’est nous." S'il vient tourner ici, c’est aussi pour des raisons artistiques : "Rome a un soleil particulier et à Cinecittà il se reflète de manière unique."

Pour Saverio Costanzo, "les figurants sont fondamentaux". "Quand je dis 'Cinecittà c'est nous', c'est parce que nous avons fait le cinéma italien avec nos visages, notre corps et la composition de tous ces visages est comme une mosaïque qui donne l'image d'un pays", détaille le réalisateur. Finalmente l'alba était l’un des quatre films italiens tournés à Cinecittà en compétition officielle à la dernière Mostra de Venise.

La renaissance des studios de Cinecittà à Rome - Un reportage de Bruno Duvic.

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