Polanski primé, départ d'Adèle Haenel, discours d'Aïssa Maïga... récit d'une 45e cérémonie des César orageuse
La cérémonie a été marquée par la polémique suscitée par les prix attribués à Roman Polanski pour "J'accuse" malgré les accusations de viols qui pèsent sur le cinéaste.
L'affaire Polanski, le discours pour la diversité dans le cinéma français d'Aïssa Maïga, la sortie furieuse d'Adèle Haenel après l'attribution du César de la meilleure réalisation pour J'accuse ont marqué la 45e cérémonie des César.
Adèle Haenel quitte la salle après le prix attribué à Roman Polanski
A la surprise générale, Roman Polanski, accusé de viol et d'agression sexuelle, a reçu le prix de la meilleure réalisation pour J’accuse, ce qui a provoqué le départ immédiat de l’actrice Adèle Haenel, suivie par la réalisatrice Céline Sciamma et toute l'équipe de Portrait de la jeune fille en feu."Distinguer Polanski revient à cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, 'ce n'est pas si grave de violer des femmes'", avait confié cette semaine Adèle Haenel, nommée dans la catégorie meilleure actrice, au New York Times.
A l'annonce du César de la Meilleure Réalisation pour Roman Polanski ("J'accuse"), Adèle Haenel quitte la salle.
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"La honte", a lancé en partant la comédienne, symbole d'un nouvel élan de #MeToo en France depuis qu'elle a accusé le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements répétés" quand elle était adolescente.
Florence Foresti face au "dossier" Polanski
"Bonsoir, bienvenue à la cérémonie des taulards!... Euh des César. Il parait qu'il y a des gros prédateurs... Euh producteurs dans la salle. Ça tombe bien, je suis bien équipée." En ouvrant la cérémonie, Florence Foresti n'a pas mâché ses mots à l'encontre du réalisateur Roman Polanski qui a récolté 12 nominations.
"Il faut qu'on règle un dossier sinon on va avoir un souci pendant la cérémonie. Il y a douze moments où on va avoir un souci. Il faut qu'on règle le problème, sinon ça va nous pourrir la soirée. Qu'est-ce qu'on fait avec Roro ? Qu'est ce qu'on fait avec Popol ? Ne faites pas comme lui, ne faites pas les innocents vous savez très bien de qui je parle. Qu'est-ce qu'on fait avec Atchoum ?", a insisté la comédienne. "J'ai décidé qu'Atchoum n'était pas assez grand pour faire de l'ombre au cinéma français et au reste de la sélection", a ajouté Florence Foresti.
La comédienne s'est éclipsée après la remise du César à Roman Polanski. Florence Foresti a ensuite posté une story sur Instagram se disant "écoeurée".
Manifestations devant le tapis rouge
Des incidents ont brièvement opposé manifestants et forces de l'ordre devant la salle Pleyel moins de deux heures avant la soirée de la cérémonie des César. Les manifestants avec des fumigènes ont tenté d'approcher de la salle Pleyel protégée par des policiers et des barrières métalliques en criant "enfermez Polanski". Certains, qui tentaient de renverser des barrières, ont été repoussés par la police.
Une "révolution" est en cours pour Sandrine Kiberlain
Sandrine Kiberlain a pris son rôle de présidente à bras le corps. Visiblement émue, elle a notamment déclaré : "J'ai confiance dans la nouvelle génération et dans les films", parlant d’une "nouvelle page qui se tourne" en cette "année symbolique" de "la parole libérée". Elle a fait référence à une "révolution en cours" et conclu en citant Fabien Sullivan Grandfils : "Derrière chaque grand homme se cache une femme, mais pourquoi ne pas dire une grande femme ?", pour lancer la musique de La Nuit américaine de François Truffaut, signée Georges Délerue.
"Les Misérables", meilleur film, remporte trois autres César
"La misère ne touche pas que les habitants des banlieues. Elle touche tout le monde. La France est un pays blessé mais c'est notre pays. Faisons en un grand pays. Le seul ennemi ce n'est pas l'autre c'est la misère", a affirmé le réalisateur récompensé par le César du meilleur film pour Les Misérables. Le discours généreux de Ladj Ly aura été un des seuls moments de grâce d'une cérémonie tendue.
Les Misérables remporte par ailleurs trois autres récompenses : meilleur espoir masculin pour Alexis Manenti, meilleur montage pour Flora Volpelière et décroche le César du public.
Le distributeur (Le Pacte) a rappelé que le film était "parti de Montfermeil pour arriver juqu’ici", aux César, remerciant les deux millions de spectateurs" du film en France. Ladj Ly a quant à lui rappelé que "le cinéma sert la banlieue", étant originaire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), en étant "fondateur d’espoir".
Le discours d'Aïssa Maïga pour la diversité
Chargée de remettre le César du meilleur espoir féminin, Aïssa Maïga a appelé à plus de diversité dans le cinéma français. "Dès que je me retrouve dans une grande réunion du métier, je ne peux pas m'empêcher de compter le nombre de noirs et de non-blancs dans la salle", a-t-elle déclaré.
"On est une famille, on se dit tout non ?" : @AissaMaiga, présidente des collectifs 50/50 et Noire n'est pas mon métier.
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"J'ai toujours pu compter sur les doigts d'une main le nombre de non-blancs", a déploré l'actrice. "On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménages à l'accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées... Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille (...) La bonne nouvelle, c'est que l'inclusion ne peut se faire sans vous", a insisté la présidente des collectifs 50/50 et Noire n'est pas mon métier.
Nicolas Bedos, Mounia Meddour et Jérémy Clapin primés
Ces 45e César ont distribué plusieurs récompenses dans un esprit d’équité et de rajeunissement. Le premier bénéficiaire est Nicolas Bedos qui avec La Belle époque, son deuxième film seulement, remporte trois César : meilleur second rôle féminin pour Fanny Ardant, meilleur scénario original pour Nicolas Bedos, et meilleurs décors pour Stéphane Rozenbaum.
Mais ce renouvellement est incarné surtout par Papicha, qui remporte le César du meilleur premier film, pour l'Algérienne Mounia Meddour, ainsi que celui du meilleur espoir féminin, revenu à Lyna Khoudri. Une nouvelle génération également incarnée par Anaïs Desmoutier pour son César de la meilleure actrice dans son rôle dans Alice et le maire, très reconnaissante de son réalisateur Nicolas Pariser et son partenaire Fabrice Luchini. Renouvellement et innovation sont également visibles dans les deux César revenus à J'ai perdu mon corps, premier film d'animation de Jérémy Clapin, également meilleure musique (Dan Lévy).
Le cinéma "peut faire trembler"
Nombre de lauréats ont axé leur propos sur ce que représente le cinéma à leurs yeux, souvent dans des termes émouvants. Swann Arlaud recevant le César du meilleur second rôle masculin à souligné combien "le cinéma peut faire trembler", et porter un message fort tel que celui de Grâce à Dieu, sur la pédophilie dans l'Eglise, pour lequel il a été honoré.
Fanny Ardant compare les récompenses "à une glace", "une grande joie, mais éphémère". Roschdy Zem, César du meilleur acteur, a longuement remercié son réalisateur de Roubaix, une lumière, Arnaud Desplechin, qui a écrit son rôle pour lui, en saluant tous les réalisateurs qui ont forgé sa carrière, pour arriver à la récompense suprême.
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