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Procès d'Harvey Weinstein : qui sont les deux plaignantes qui accusent l'ancien producteur de viols et d'agressions sexuelles ?

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Mimi Haleyi, ex-assistante de production, lors d'une conférence de presse à New York, le 24 octobre 2017. (SETH WENIG / AP / SIPA / JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Après avoir été reporté à deux reprises, le procès de l'ancien producteur de cinéma s'ouvre ce lundi pour environ six semaines. L'homme est poursuivi pour viols, agressions sexuelles prédatrices et acte sexuel criminel.

Toutes deux pensaient qu'Harvey Weinstein les aiderait à faire décoller leur carrière. Mimi Haleyi et une autre femme – dont l'identité n'a pas été révélée – sont les deux plaignantes du procès du producteur déchu d'Hollywood, qui débute, lundi 6 janvier, devant la Cour suprême de New York. Parmi le torrent de dénonciations qui vise le producteur, seules les accusations de ces deux femmes ont pu faire l'objet de poursuites judiciaires. Au total, plus de 80 femmes ont accusé Harvey Weinstein de viols et d'agressions sexuelles. Lui affirme que toutes ses relations étaient consenties.

Dans le cadre de son procès, le producteur de Pulp Fiction et The Artist est poursuivi pour cinq chefs d'accusation : deux agressions sexuelles prédatrices, un acte sexuel criminel au premier degré et deux viols. En cas de condamnation, Harvey Weinstein encourt la réclusion à perpétuité. Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait des plaignantes.

"Il m'a demandé de lui faire un massage"

Mimi Haleyi a "une vingtaine d'années" lorsqu'elle rencontre le producteur au Festival de Cannes en 2006. A l'époque, elle recherche un travail en tant qu'assistante de production à New York. "J'ai demandé à Harvey si je pouvais l'aider sur certaines de ses productions, explique-t-elle, la voix tremblante et les larmes aux yeux, lors d'une conférence de presse* le 24 octobre 2017.

Un après-midi, elle se rend à l'hôtel cannois où se trouve toute l'équipe de la Weinstein Company, société de production créée par Harvey Weinstein et son frère Bob. "Un(e) assistant(e) m'a conduite dans la chambre d'Harvey puis est parti(e). Après quelques minutes de politesse, Harvey m'a soudainement demandé si je pouvais lui faire un massage, raconte-t-elle. Je lui ai dit que j'étais désolée, que je n'étais pas masseuse, et je lui ai suggéré de contacter la réception pour cette demande." Le producteur insiste. Mimi Haleyi finit par quitter la chambre d'hôtel en pleurs.

Je me sentais complètement humiliée et stupide d'avoir été enthousiaste à l'idée de le rencontrer.

Mimi Haleyi

lors d'une conférence de presse

Quelques jours plus tard, le producteur la recontacte pour lui proposer du travail sur un programme télévisé à New York. "J'ai accepté. Je ne lui ai plus parlé avant la fin du tournage du programme. Ensuite, je lui ai envoyé un e-mail pour le remercier de cette opportunité", détaille Mimi Haleyi. Le producteur lui signale qu'il a reçu d'excellents retours sur son travail et lui propose de la revoir pour "discuter" dans le hall de l'hôtel Mercer, dans le quartier de Soho. La rencontre se passe normalement, le producteur se montre même très agréable. "Il était absolument charmant et se conduisait comme un vrai gentleman", décrit-elle devant la presse.

Mimi Haleyi et son avocate Gloria Allred lors d'une conférence de presse à New York, le 24 octobre 2017. (MIKE COPPOLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

La jeune femme revoit à nouveau le producteur au siège de sa société. L'entrevue se déroule une nouvelle fois sans encombre. "Il m'a parlé de ses différents projets, comme le film Factory girl (...) Il m'a aussi prêté le livre Tendre est la nuit de Francis Scott Fitzgerald, avant de me faire raccompagner chez moi par un(e) assistant(e)", raconte-t-elle, assise à côté de son avocate Gloria Allred, connue pour défendre les femmes victimes de violences sexuelles.

Un cunnilingus sans consentement

Peu après, Harvey Weinstein demande à Mimi Haleyi de l'accompagner à Paris pour un voyage. Il lui promet un séjour de rêve : jet privé, chambre au luxueux Ritz et défilés de mode. "J'ai refusé car cela ressemblait à une invitation romantique", reprend la plaignante. Mais son refus déclenche la colère du producteur. "Il n'a pas arrêté de m'envoyer des messages et de m'appeler. En une journée, il est venu deux fois là où je logeais dans l'East Village. Il a littéralement forcé ma porte pour me supplier de venir avec lui à Paris", décrit Mimi Haleyi.

Je lui ai dit : 'Je ne viendrai pas à Paris avec toi. J'ai appris que tu avais une horrible réputation avec les femmes.

Mimi Haleyi

lors d'une conférence de presse

A son retour de Paris, Harvey Weinstein recontacte Mimi Haleyi pour lui proposer de se voir cette fois chez lui. L'assistante de production accepte pour rester en bons termes avec le producteur, réputé pour faire la pluie et le beau temps à Hollywood. Dans la voiture qu'il envoie chez elle, Mimi Haleyi aperçoit une photo du producteur et de sa compagne de l'époque, posée sur la banquette arrière. "Je me suis demandé s'il l'avait placée stratégiquement pour me faire sentir que j'avais manqué quelque chose", dit-elle.

Harvey Weinstein et son ex-épouse Georgina Chapman place Vendôme à Paris, le 6 juillet 2006. (BENAROCH/SIPA / SIPA)

Une fois arrivée à l'appartement, la jeune femme regarde la télévision avec Harvey Weinstein pendant un bref moment. "Très vite, il s'est mis à me faire des avances sexuelles, décrit Mimi Haleyi, en pleurs. Je lui ai dit que j'avais mes règles et que rien ne se passerait entre nous." Mais le producteur la pousse dans une petite pièce sombre. Des dessins d'enfants sont accrochés aux murs. "Il m'a poussée et allongée dans le lit. Je n'arrêtais pas de lui dire d'arrêter mais c'était impossible. Il était extrêmement insistant et imposant physiquement."

Il m'a imposé un cunnilingus alors que j'avais mes règles. J'étais mortifiée. Je n'aurais laissé personne faire ça, même pas mon compagnon.

Mimi Haleyi

lors d'une conférence de presse

Puis, Harvey Weinstein s'allonge sur le dos et lance : "Ne trouves-tu pas que nous sommes plus proches l'un de l'autre maintenant ?" "J'ai répondu 'non'", précise Mimi Haleyi en sanglotant. Pour ces faits, le producteur est poursuivi pour acte sexuel criminel au premier degré et agression sexuelle prédatrice.

Une accusation de viol dans un hôtel en 2013

L'autre plaignante a souhaité rester anonyme. Selon ses déclarations à la police, elle accuse Harvey Weinstein de l'avoir violée dans une chambre d'hôtel à Manhattan, le 18 mars 2013. Un acte consenti, selon les avocats du producteur. Son premier conseil, Benjamin Brafman (qui s'est retiré de l'affaire depuis), affirme ainsi que la plaignante entretenait une relation "depuis des années" avec le producteur.

En 2018, l'avocat a d'ailleurs fait savoir qu'il détenait des mails prouvant, selon lui, l'innocence de son client. Dans ces mails envoyés quelques heures seulement après le viol présumé, la plaignante désignée sous le nom de CW-1 invite une amie à la rejoindre à la projection d'un film en compagnie d'Harvey Weinstein. Une présence confirmée lors de l'enquête par l'intéressée. "Pourquoi une victime déclarée de viol irait passer du temps avec son 'violeur' quelques heures à peine après avoir été agressée ?" interroge alors la défense, citée par le site Vulture*.

Les avocats du producteur affirment que CW-1 et Harvey Weinstein s'envoyaient par ailleurs d'autres mails "chaleureux" et avaient des rapports sexuels consentis. La plaignante envoie par exemple ce message à Harvey Weinstein, le 11 avril 2013 : "J'espère te voir plus tôt que plus tard." Le 21 avril 2013, elle écrit : "Ce serait vraiment bien si on pouvait se voir autour d'un verre." Elle lui parle de son "sourire" et de ses "beaux yeux" le 5 janvier 2014. Le 26 juillet 2014, elle écrit au producteur qu'elle pense à lui. "J'aime quand tu penses à moi", répond-il. 

Je t'aime, toujours. Mais je déteste avoir l'impression d'être un plan cul.

la plaignante anonyme

dans un mail envoyé le 8 février 2017

Arguant que ces mails n'avaient jamais été présentés à un grand jury (chargé de décider si les éléments de l'enquête sont suffisants pour justifier la tenue d’un procès), la défense a demandé au juge James Burke, en charge de l'affaire, de rejeter la plainte de CW-1. Une requête écartée, le juge estimant que ces informations ne disculpaient pas Harvey Weinstein de viol.

D'autres femmes appelées à témoigner

Une troisième femme devrait témoigner lors du procès. Annabella Sciorra, connue pour son rôle dans la série Les Soprano, accuse le producteur de l'avoir violée en 1993 à Manhattan. Des faits aujourd'hui prescrits et qui ne peuvent pas être poursuivis séparément. Le procureur Cyrus Van Jr est tout de même parvenu à faire citer l'actrice en tant que témoin. 

L'actrice Annabella Sciorra lors du 20e anniversaire des "Soprano" à New York, le 9 janvier 2019. (CHARLES SYKES / AP / SIPA)

Son témoignage permettrait à l'accusation de prouver le chef d'agression sexuelle prédatrice, qui est valable si au moins deux femmes ont été agressées sexuellement par le même accusé. "Il n'y a pas de nouvelles accusations en soi, c'est plutôt que [l'accusation] essaie de s'y prendre de façon différente", a rétorqué la nouvelle avocate du producteur Donna Rotunno.

Une audience sur la question clé du nombre de femmes appelées à témoigner s'est tenue à huis clos en avril 2018. Selon des documents judiciaires, trois femmes pourraient témoigner pour des actes commis respectivement au printemps 2004, en mai-juillet 2005 à New York et en février 2013 dans un hôtel de Beverly Hills. Le nombre d'accusatrices citées à la barre pourrait être déterminant pour convaincre les jurés de déclarer Harvey Weinstein coupable, comme l'a montré la condamnation de Bill Cosby en 2018. La star avait été jugée coupable au terme d'un second procès lors duquel cinq femmes, en plus de son accusatrice principale Andrea Constand, avaient pu témoigner.

* Lien en anglais

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