"Beaucoup de bruit" et des démêlés judiciaires autour du nouveau "Gaston Lagaffe" qui vient de sortir
C'est un événement dans le monde de la bande dessinée. Un nouveau Gaston Lagaffe sort en librairie mercredi 22 novembre et cet album s'appelle Le retour de Lagaffe. Ce personnage, contrairement à Astérix, les Tuniques Bleues ou les Schtroumpfs, n'avait jamais été repris. Le créateur, André Franquin, ne le souhaitait pas sauf qu'à sa mort, les droits d'exploitation ne lui appartenaient plus. Un nouvel auteur, le Québécois Delaf s'en empare donc désormais, et il n'imaginait pas la polémique que ce projet allait déclencher.
Delaf a déjà un franc succès avec une série jeunesse à lui, qui s'intitule Les Nombrils. Enfant, son idole n'est autre que Franquin : "Gaston a quelque chose d'un peu sacré pour moi et quand on m'a proposé effectivement de faire tout un album, je n'en revenais pas".
Fred Jannin, ami de Franquin, qui a, entre autres, colorisé tous les albums n'en est pas revenu non plus. Il se rappelle très bien du dîner au restaurant où le couple Franquin, André et sa compagne Liliane, lui avait annoncé la vente des droits du personnage : "Il y a eu un grand silence et Liliane, très gênée mais en même temps un peu autoritaire, a dit 'voilà, c'est comme ça, c'est décidé, on n'en parle plus'. Mais il était évident qu'il vendait ses dessins et il n'était pas question de faire reprendre le personnage par quelqu'un d'autre".
En 2022, il est appelé à la rescousse par la fille, Isabelle Franquin, pour témoigner devant la justice belge et tenter d'empêcher cette parution. "Même si Franquin avait dit 12 fois non et deux fois oui, c'est suffisant pour ne pas le faire", estime-t-il. Pendant ce temps, Delaf peaufine ses pages qui ressemblent à s'y méprendre à des gags du maître.
"Quand je me suis engagé dans ce projet-là, j'avais l'impression que tout était très clair, qu'il y avait un contrat signé de la main de Franquin"
Delaf, auteur du nouveau "Gaston Lagaffe"à franceinfo
"Je veux essayer de faire le meilleur album possible et ce que j'ai trouvé le plus dur, c'est le fait que ce soit si long avant d'avoir une réponse", poursuit l'auteur. Il a fallu attendre presque un an avant d'avoir un accord à l'amiable en mai dernier. Isabelle Franquin obtient un droit de regard sur le résultat avant parution. Elle ne l'utilisera jamais et ne fera pas la moindre remarque.
Le responsable de la programmation culturelle à la Cité de la BD d'Angoulême, Mathieu Charrier, trouve ce débat un peu absurde aujourd'hui. "Quand on voit la manière dont les comics américains sont repris par une multitude de créateurs et parfois pour des reprises fantastiques, je pense à Batman par exemple ou quand on voit qu'au Japon, les mangas sont écrits par toute une flopée de ce qu'on appelle les assistants qui dessinent, on se dit que là, c'est quand même une position très franco-belge. Se dire que quelqu'un va adopter votre enfant à votre décès, ça vous fait mal au cœur. Mais in fine, il faut se dire aussi que votre enfant va continuer à vivre. Ce qui me semble très important, c'est qu'il ne faut pas en faire n'importe quoi", explique-t-il.
Dans cet album, il y a là précisément une volonté de rester le plus fidèle possible à l'oeuvre originale, même dans les situations ou les thèmes abordés, notamment l'environnement. Pour Fred Jannin, c'est un argument de plus : "Ce n'est pas une bonne idée, à mon avis, de faire une espèce de copier-coller qui n'amène absolument rien de nouveau".
"Je suis sûr que si Franquin voyait ce nouvel album, ça le rendrait malade"
Fred Jannin, ami de Franquinà franceinfo
L'un des atouts de l'album est de sourire de cette polémique, on voit dans un gag un collègue de Gaston qui tente de copier Franquin pour réparer une planche abîmée par le gaffeur. "C'était vraiment pour dédramatiser tout ça, reconnaît Delaf. Puis de se dire 'arrêtons de prendre tout ça au sérieux'. Évidemment que je ne suis pas à sa hauteur donc c'était une façon d'avoir un peu d'autodérision par rapport à tout ça".
L'auteur sort de tout cela un peu rincé : "Je suis super reconnaissant d'avoir passé autant de temps avec mon personnage préféré. Disons qu'il y a eu beaucoup de bruit et j'ai envie que tout ça se dépose". Il n'est pas certain de faire une suite. L'éditeur, lui, ne dirait sans doute pas non. Ce galop d'essai est imprimé à 800 000 exemplaires.
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