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Restitution de 26 œuvres au Bénin : six choses à savoir sur la cérémonie au musée du Quai Branly

26 œuvres d'art pillées par les troupes coloniales vont être restituées au Bénin mercredi 27 octobre à l'occasion d'une cérémonie présidée par Emmanuel Macron.

Article rédigé par franceinfo Culture
France Télévisions - Rédaction Culture
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Présentation des œuvres royales d’Abomey sur le plateau des collections du musée du quai Branly–Jacques Chirac de 2012 à 2021, prise de vue effectuée en 2018. (© musée du quai Branly–Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine)

Emmanuel Macron présidera mercredi 27 octobre au musée du Quai Branly la cérémonie de restitution au Bénin de 26 œuvres des trésors royaux d'Abomey, conservés au musée parmi 70 000 œuvres d'Afrique subsaharienne. Ce retour avait été promis par le chef de l'Etat et permis par une loi votée fin 2020. Quelles sont ces oeuvres et dans quel contexte cette restitution a-t-elle lieu ?

Des œuvres pillées à l'époque coloniale

Œuvres d'art volées au Bénin : une restitution historique et une enquête
Œuvres d'art volées au Bénin : une restitution historique et une enquête Œuvres d'art volées au Bénin : une restitution historique et une enquête (France 2)

Les oeuvres restituées au Bénin sont des statues de trois rois de l'ancien royaume d'Abomey, objets d'art et aussi objets sacrés, les trônes en bois sculpté des rois Ghézo (1818-1858) et Glèlè (1858-1889), de style afro-brésilien, un tabouret tripode, un récipient et couvercle en calebasse sculptée, les portes ornées du palais du roi Glèlè, des pièces de tissu, un sac en cuir...

Ces pièces ont été pillées lors de la mise à sac du palais d'Abomey par les troupes coloniales du général Dodds en 1892, avant l'envoi en exil en Martinique puis en Algérie du roi Béhanzin.

Entre la France et le Bénin, l'histoire des 26 oeuvres

Les trois statues royales du royaume du Danhomè dans une salle du musée d'ethnographie du Trocadéro, en 1895. Don André Leroi-Gourhan (© Société d’excursions des amateurs de photographie © musée du quai Branly - Jacques Chirac)

Les œuvres royales d'Abomey ont été exposées en France dès leur arrivée au musée d'Ethographie du Trocadéro en 1893, puis en 1895. En 1937, à l'ouverture du musée de l'Homme, certaines ont été exposées dans des vitrines. En 1989, pour la première fois depuis leur pillage, quelques-unes ont été prêtées par le musée de l'Homme à Abomey pour une exposition.

Elles ont été transférées au musée du Quai Branly à son ouverture en 2003. En 2006, deux statues royales étaient présentées au public avec un multimédia qui relatait l'histoire de la collection. En 2006 également, des œuvres étaient prêtées pour l'exposition "Béhanzin" à la Fondation Zinsou à Cotonou. En 2012, l’espace dédié au royaume du Danhomè au musée du quai Branly était agrandi.

Destination : le futur musée d'Abomey

 Porte du palais royal d'Abomey (© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado)

Deux conservateurs béninois sont en France pour organiser le retour des œuvres. Au Bénin, elles iront d'abord dans un lieu de stockage, puis dans d'autres lieux de manière pérenne : à l'ancien fort portugais de Ouidah et à la maison du gouverneur, lieux historiques de l'esclavage et de la colonisation européenne, en attendant la construction d'un nouveau musée, le musée de l'épopée des Amazones et des rois du Danhomé, à Abomey, capitale historique de l'ancien royaume, une des destinations touristiques emblématiques du Bénin.

Le patrimoine africain de 85% à 90% hors du continent

Likohin Kankanhau Sossa Dede ou Famille Houeglo, Statue royale bochio mi-homme mi-poisson du roi Béhanzin [1890-1894] Bénin, Abomey, entre 1890 et 1892 Bois, pigments, métal,  Ancienne collection Dodds, Musée d’Éthnographie du Trocadéro, Musée de l’Homme, musée du quai Branly– Jacques Chirac (© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Patrick Gries)

Selon des experts, 85 à 90% du patrimoine africain serait hors du continent. Au moins 90 000 objets d'art d'Afrique subsaharienne sont dans les collections publiques françaises. 70 000 d'entre elles sont conservés au Quai Branly, dont 46 000 sont arrivées durant la période coloniale.

Un travail pour identifier les oeuvres

Calebasse à couvercle (© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon)

"Tous les objets qui sont dans les collections en Europe n'ont pas été volés", a souligné dans une interview à l'AFP le président du musée du Quai Branly, Emmanuel Kasarhérou. Le musée s'est engagé dans un travail de recherches pour identifier dans ses collections les objets acquis "de manière problématique".

"Cela consiste à faire un travail quasi-exhaustif sur les 300 000 œuvres du musée (…) pour identifier celles qui auraient été prises de manière violente sans le consentement des propriétaires, par des prises de guerre ou par des coercitions de l'administration coloniale. Ça peut être assez simple comme pour les 26 objets du Bénin car il s'agissait d'une campagne militaire qui a donné lieu à beaucoup d'archives. Mais beaucoup d'objets ont été acquis de seconde ou de tierce main et c'est beaucoup plus difficile", ajoute Emmanuel Kasarhérou.

L'encadrement des restitutions en question

Détail d'un siège royal (© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon)

Après que le président Emmanuel Macron s'y est engagé en 2018, le parlement français a approuvé en décembre 2020 la restitution des 26 œuvres au Bénin. Car les biens patrimoniaux conservés par les Musées de France sont inaliénables et imprescriptibles, ils ne peuvent pas changer de propriétaire quelle que soit la circonstance historique de leur acquisition. Seule une loi dérogeant à cette inaliénabilité peut permettre un transfert de propriété.

Mais les sénateurs souhaitent que la restitution des biens culturels soit encadrée et viennent de déposer une proposition de loi transpartisane dans ce sens. Ils demandent la création d'un "Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens" composé d'experts, qui donnerait un avis non contraignant, "en toute impartialité", sur les demandes, avant que les autorités françaises y répondent. Il permettrait selon eux que l'aspect diplomatique ne soit pas le seul en jeu.

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