Biennale des arts de Nice : la fleur dans tous ses états avec Matisse et Hockney durant tout l'été
Pendant tout l'été, les musées de la ville de Nice accueillent onze expositions sur le thème de la fleur. Une source d'inspiration sans fin par sa forme et ses couleurs, pour les peintres, les sculpteurs, les photographes. La Biennale des arts offre le regard d'Henri Matisse et de David Hockney, deux artistes que le temps et le style semblaient éloignés mais que la nature fait se rejoindre.
Henri Matisse vécut longtemps à Nice. Arrivé en 1917, les couleurs et la lumière de la Riviera ont influencé son oeuvre. David Hockney, lui vit plus au nord, en Normandie, et depuis 2012, il s'est attaqué à la nature morte sur Ipad. Tout pourrait les séparer, la fleur les a rassemblés. Ils sont exposés ensemble au Musée Matisse. Visite dans le cadre de cette Biennale des arts parfumée et colorée.
La fragilité des fleurs en peinture à la Biennale des arts
La fleur était déjà représentée sur les murs des cavernes de l'homme préhistorique. Depuis le 16e siècle, la nature morte est un thème de prédilection pour les peintres. Les tournesols de Van Gogh sont devenus un poster et les guirlandes de fleurs de Brueghel sont des bijoux de précision. Pourquoi cette attirance chez les peintres ?
La réponse est donnée par Jean-Jacques Aillagon, commissaire général de la Biennale des arts : "Peindre des fleurs au bord du moment où elle va faner, c'est la beauté du vivant et toute sa fragilité qui s'exprime." La fleur comme résumé de la vie ne pouvait que fasciner les artistes. A travers les fenêtres du musée Massena, on aperçoit la silhouette éternelle des palmiers de la promenade des Anglais et le bleu si significatif de la méditerranée niçoise. Ces visions ont inspiré les peintres attirés par la lumière. Sont venus ici, Dufy, Chagall, Matisse.
Au mur de cette villa stylée où l'on imagine les réceptions d'un autre temps, celui de Napoléon III, les affiches du début du 19e siècle racontent le temps où le voyage vers la Cote d'Azur était un périple. Le regard se pose sur une affiche réalisée par Marc Chagall. Tel un slogan touristique et publicitaire, Chagall annonce le propos : "Nice, soleil et fleurs". Dans une autre salle du musée, ce sont les branches d'orangers de Berthe Morizot qui donnent des envies de douceurs printanières. Il ne manquerait que l'odorama. Sur les oeuvres rassemblées à Massena, la fleur est à la fois un argument touristique, un intérieur Art déco, et un parfum de nostalgie du jardin d'Eden .
La fresque de Matisse : un plongeon dans un jardin
Direction les hauteurs de Nice, vers le musée Matisse. Depuis 1989, la Villa des Arènes abrite la Collection Matisse. Une bâtisse imposante pour abriter l'oeuvre du plus niçois des peintres français. Il fallait cela pour présenter Fleurs et fruits. Cette fresque mesurant 8,70 mètres sur 4,10 mètres est une composition en papiers gouachés découpés, réalisée en 1951. Elle ouvre d'une manière spectaculaire l'exposition Un paradis retrouvé. Un face-à-face, ou plutôt un côte-à-côte entre Matisse et Hockney.
"Matisse, de tout temps, a été fasciné par les fleurs", nous dit Claudine Grammont, directrice du Musée Matisse. "Un peu comme Claude Monet, il aimait regarder leurs couleurs et leurs floraisons. C'est un motif qui revient dans sa peinture toute sa vie." Demeurer sur les canapés du musée Matisse face à cette fresque, c'est pénétrer dans un jardin d'interieur. Arrivé à un degré de simplicité, de pureté dans les formes et dans les choix des couleurs, le tableau entraîne à la sérénité, à la grâce. "Vous êtes transporté dans la couleur" insiste Claudine Gramont. "Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir", écrivait le peintre en 1947, au sortir de la guerre. Preuve de sa volonté de combattre la grisaille et la peur. Pour lui ce fut une manière de voir le monde avec enchantement. Une idée fixe et délicate chez Matisse.
Les "Fresh Flowers" de David Hockney, des fleurs numériques issues du confinement
A l'étage au-dessus, un long alignement de nature morte, format 40x60. Voici les Freshs flowers de David Hockney. En octobre dernier, une frise de 90 mètres de long était installée au Musée de l'Orangerie à Paris. Son auteur : David Hockney, justement, l'un des peintres les plus cotés d'aujourd'hui. Un des derniers artistes du pop art toujours en activité. Il est réputé pour ses piscines californiennes des années 60. La fresque racontait les quatre saisons dans sa campagne normande. C'était aussi un hommage aux Nymphéas de Monet.
A Nice, le peintre britannique présente pour la premiere fois ses Fresh flowers, des natures mortes de fleurs dans un vase posé sur une table. Le propos semble desuet, peut être un brin kitsch ou trop post-moderne pour un artiste qui a bousculé le monde de l'art. Ce serait oublier que Hockney reste un jeune homme. Ces fleurs, l'Anglais les peint sur Ipad. Depuis 2010, il utilise cette technique. Il raconte dans le catalogue de l'exposition qu'il les a peintes toujours au même endroit, quand le soleil bas projette des ombres. Il choisit les fleurs chez le fleuriste de Dozulé, dans le Calvados, proche de chez lui. Le résultat est bluffant.
Les fleurs sont imprimées en numérique sur des imprimantes douze couleurs, tient à affirmer David Hockney, maître en technologie autant qu'en peinture. La lumière semble sortir du dessin. Et l'eau du vase devient transparente. "J'ai toujours aimé dessiner l'eau et les choses transparentes. C'est pour cela que j'ai fait des piscines." La boucle est bouclée entre Hollywood 1970 et la Normandie 2020.
Hockney-Matisse, presque une évidence
Rapprocher les deux artistes ne sautait pas aux yeux de prime abord. Pourtant les similitudes en parcourant l'exposition deviennent limpides. Hockney admire l'utilisation de la couleur chez Matisse. "Picasso et Braque se servaient de la ligne, Matisse utilisait la couleur". Matisse comme Hockney ont peint énormément d'interieurs avec vue. Durant toutes leurs carrières, ils ont cherché à représenter cette lumière qui surgit de dehors. Matisse dans ses appartements-ateliers de Nice. Hockney en Californie. Matisse a toujours été préoccupé par la reproduction. David Hockney, évidemment aussi. Ses Freshs flowers le prouvent. "Je suis presque certain que cela aurait passionné Matisse de peindre sur Ipad."
Et comme le dit Claudine Grammont, qui est partie chercher Hockney dans son refuge normand : comment ne pas faire le parallèle entre deux artistes vieillissants trouvant un subterfuge à leurs corps empêchés ? Matisse avec ses papiers découpés et Hockney avec son Ipad. Une manière de dire que la création sera plus forte que la vieillesse. Ces rapprochements deviennent le guide de cette exposition joliment nommée : Un Paradis retrouvé.
La biennale des arts de Nice : Fleurs ! jusqu'au 31 décembre 2022 dans 11 musées de la Ville de Nice
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