Académie française : comment l'institution est longtemps restée une "réunion d'hommes"
Qui succédera à Hélène Carrère d'Encausse à l'Académie française ? Après la mort de l'académicienne cet été, un nouveau secrétaire perpétuel de l'institution sera élu ce jeudi 28 septembre. Mais on sait déjà que ce ne sera pas une femme, puisque seuls deux hommes sont candidats : les écrivains Amin Maalouf et Jean Christophe Rufin.
Il faut dire que depuis sa fondation par le cardinal Richelieu en 1635, l'Académie française, comme l'a dit Jean d'Ormesson, a longtemps été "une réunion d'hommes".
Seulement 11 femmes parmi les plus de 740 académiciens élus
Aujourd'hui, elles sont six à occuper l'un des fauteuils du quai de Conti. Mais si on fait les comptes, seules onze femmes ont siégé parmi les "immortels", sur plus de 740 académiciens élus depuis la fondation de l’Académie française par Richelieu en 1635. Une Académie régulièrement accusée au fil des ans, de profonde misogynie.
Comme en 1975, lorsqu'une journaliste interroge l'écrivaine Chantal Dupille, candidate pour rejoindre l'institut. "Vous pensez avec quelque chance ?", lui demande la journaliste. "Non, aucune, je suis lucide. Je suis femme et tout le monde sait que les Académiciens sont des antiféministes notoires", répond-elle.
Par exemple, l'historien et académicien Pierre Gaxotte déclare en 1980 : "Si on élisait une femme, on finirait par élire un nègre." Une phrase raciste, machiste, et prémonitoire puisque la même année, Marguerite Yourcenar est la première femme élue sous la Coupole, malgré le vote contre du philosophe Jean Guitton. Lui déclare notamment, "l'Académie pendant 300 ans avait vécu sans femmes et qu'elle pouvait encore vivre 300 ans sans femmes".
20 ans pour valider officiellement les noms de métiers féminisés
Devant les journalistes, l'essayiste André Chamson se défend de tout antiféminisme et prend l'exemple de sa fille, écrivaine également. Mais quand on lui demande s'il est "pour l'entrée d'autres femmes encore", il répond que "quand même, on ne va pas se mettre 45 femmes et 22 hommes, ce serait ridicule". N'en déplaise à certains, l'arrivée de Marguerite Yourcenar est une révolution à l'Académie française et elle ne se prive pas de le rappeler dans son discours d'entrée : "Accompagnée d'une troupe invisible de femmes, qui auraient dû recevoir beaucoup plus tôt cet honneur."
Malgré l'arrivée de quelques autres femmes dans les fauteuils du quai de Conti, pas question pour autant de féminiser le mot "académicien", et plus généralement, les noms de métier. Il faut attendre 1998 pour voir une avancée, grâce à une circulaire du Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin.
L'année suivante, des mots comme "chirugiennes", "commandante" ou "ingénieure" entrent dans les dictionnaires Larousse et le Petit Robert. Mais il faut encore 20 ans de plus à l'Académie, pour valider officiellement l'usage de ces noms de métiers féminisés dans la langue française. Et l'Académie ne compte pas en faire la liste dans son neuvième dictionnaire toujours en cours de rédaction, la tâche, selon l'institut, serait insurmontable.
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