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Témoignage Coupe du monde 2022 : "Quand tu travailles dur pour un salaire faible, c'est de l'esclavage", dénonce un ouvrier au Qatar

À trois jours du début de la Coupe du monde de football, franceinfo a pu rencontrer des travailleurs étrangers qui dénoncent leurs conditions de travail dans l'émirat.

Article rédigé par franceinfo - Noé Pignède
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Un ouvrier balaie un escalier à l'intérieur du stade Al-Bayt à al-Khor, le 12 novembre 2022, avant la Coupe du monde de football de la FIFA Qatar 2022.  (GABRIEL BOUYS / AFP)

"On n'est pas en sécurité, on n'a pas le droit de s'exprimer ici". À la tombée de la nuit, caché dans une voiture, dans la zone industrielle de Doha, Peter* accepte de témoigner, mercredi 16 novembre, à quatre jours du début de la Coupe du monde de football, malgré le risque d'arrestation. "Si tu essaies de lutter ou que tu parles de tes conditions de vie, la police peut débarquer en cinq minutes. Et s'ils attrapent, ils te déportent", dénonce-t-il à franceinfo.

>> Coupe du monde 2022 : comment le Qatar a étouffé toute contestation sociale sur son sol

Ces dernières années, le Qatar, pays hôte du Mondial 2022, régulièrement critiqué par les syndicats internationaux et les ONG pour ses manquements aux droits humains, notamment ceux des travailleurs migrants, a entrepris de vastes réformes de sa législation du travail. Mais sur le terrain, leurs conditions se sont-elles réellement améliorées ? franceinfo s'est rendu à Doha, dans un quartier en principe interdit aux journalistes où s'entassent 400 000 travailleurs étrangers, africains ou asiatiques.

Payé un euro de l'heure        

Cet ouvrier de 23 ans assure la maintenance dans un stade. Pour venir au Qatar, il y a dix mois, il a fait un prêt de 5 000 euros. S'il espérait le rembourser rapidement et pouvoir envoyer de l'argent à sa famille restée au pays, la réalité l'a rattrapé : il gagne à peine un euro de l'heure. "En ce moment, mes parents me disent qu'ils ont besoin d'aide pour payer leurs traitements médicaux, explique-t-il. Bien sûr, je leur mens sur la situation pour ne pas qu'ils s'inquiètent".

"Tous mes proches comptent sur moi. Je suis désespéré. Quand tu travailles dur comme ça, pour un salaire faible, pour moi, c'est de l'esclavage."

Peter, ouvrier dans un stade au Qatar

à franceinfo

Les jeunes hommes rencontrés sont amaigris, épuisés. Ils décrivent tous la chaleur étouffante, les cadences infernales, les maltraitances et le racisme. Joseph, Ghanéen, est homme de ménage au Qatar depuis sept mois. Il nettoiera les tribunes après les matches. "Quand je suis arrivé ici, je pesais 60 kilos. Maintenant, j'en fais 53, regrette Joseph, La nourriture est vraiment mauvaise."

"Je me sens faible, mais ils s'en fichent. Il te force à travailler quand même. Tu bosses sous pression avec quelqu'un qui te crie dessus. Ça finit par te tuer. Certains d'entre nous vont développer des maladies."

Joseph, Ghanéen

à franceinfo

Quand on lui parle des progrès vantés par les organisateurs du Mondial en matière de droit du travail, sa réaction est claire : "Ça me met très en colère", répond Joseph. "Peut-être que la Fifa devrait venir voir nos conditions de travail. Je ne pense pas que les droits humains existent ici", poursuit-il. Et de glisser sous forme de conclusion : "J'aime beaucoup le football, mais la vie des gens compte plus qu'un jeu." 

Joseph ne pourra pas suivre les matches de cette Coupe du monde. Pour un ouvrier comme lui, les billets sont hors de prix. Quant au dortoir insalubre où il s'entasse avec sept autres personnes, il n'y a pas de télévision.

*nom d'emprunt

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