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Tour de France 2022 : quelles sont les différences entre votre vélo et celui d’un professionnel ?

Trois mécaniciens d’équipes du Tour de France décortiquent les particularités des vélos utilisés par les coureurs lors de cette 109e édition.

Article rédigé par Théo Gicquel - De notre envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les vélos Specialized de la formation TotalEnergies sur le Tour de France 2022. (HORTENSE LEBLANC / FRANCEINFO:SPORT)

Il suffit de flâner aux alentours des bus des équipes du Tour de France, le matin d'une étape, pour voir comment le public observe avec intérêt les vélos. Alors que les coureurs restent le plus longtemps au frais avant d'aller signer sur le podium, leurs montures s'exhibent seules sous la tonnelle, devant les regards envieux des parents et les yeux écarquillés des enfants.

Mais qu'ont-ils de vraiment particulier par rapport aux vélos des amateurs ? Trois mécaniciens du peloton nous détaillent les différences.

Le prix : jusqu'à 20 000 euros 

C'est sans doute la différence la plus importante entre les vélos amateurs et ceux des professionnels : le prix. Sur le Tour de France, les vélos sont dotés des meilleurs matériaux, et coûtent donc une petite fortune. "Nous sommes équipés de Tarmac SL 7, qui coûtent entre 12 000 et 14 000 euros", dévoile Kévin Desmedt de la formation TotalEnergies. L'équipe bénéficie depuis cette année de cycles Specialized, obtenus grâce à la signature de Peter Sagan, déjà partenaire de la marque.

La formation Groupama-FDJ, qui est équipée par la marque dijonnaise Lapierre, est elle sur une gamme légèrement inférieure. "Sur le marché, en prix public, c'est entre 9 000 et 10 000 euros. Il y a un modèle polyvalent pour rouler tous les jours, et un pour les sprinteurs ou ceux qui roulent vite sur le plat", explique Thomas Bourgeois, chez Groupama-FDJ depuis une dizaine d'années.

Le logo UCI présent sur le cadre des vélos de la formation Groupama-FDJ, obligatoire pour homologuer un vélo de professionnel. (HORTENSE LEBLANC / FRANCEINFO: SPORT)

Si les équipes sont libres de confectionner leurs vélos avec les meilleures pièces disponibles, elles ont une limite imposée : il est interdit de rouler avec des prototypes. "Tous les cadres du peloton professionnel sont siglés avec une petite pastille UCI. C'est obligatoire, on ne peut pas rouler avec des vélos qui n'ont pas été homologués par l'UCI", prévient le mécanicien de la formation de Thibaut Pinot.

Les vélos de contre-la-montre, encore plus spécifiques, peuvent, eux, atteindre les 20 000 euros. La grande majorité des modèles se trouve dans le commerce.

Le poids : objectif 6,8 kg

Chaque coureur veut trouver le meilleur rapport entre poids et puissance, et il en va de même pour leur monture. A ce titre, l'UCI met un seul garde-fou pour les vélos de course : leur poids ne peut descendre en dessous de 6,8 kg.

Mais tous les vélos ne pèsent pas exactement le même poids. "C'est en fonction de la taille du coureur : Kevin Geniets est grand (1,93 m), David Gaudu est petit (1,73 m). Donc celui de Gaudu sera un peu plus léger, mais toujours autour de 7 kg", assure Thomas Bourgeois.

Le vélo du David Gaudu, parmi les plus légers de la formation Groupama-FDJ. (HORTENSE LEBLANC / FRANCEINFO: SPORT)

Comment se passe la guerre du poids pour les mécaniciens ? Chaque équipe vise les gains marginaux afin d'alléger toujours plus les vélos. "Sur certains, on recoupe les tiges de selle qui sont dans le cadre pour essayer de gagner quelques grammes. En deux heures de temps, on a allégé un vélo de... 80 grammes. C'est très peu, après, on essaye de mettre de la visserie un peu plus légère", explique le mécanicien de Groupama-FDJ.

Alléger toujours plus oui, mais jamais au détriment de la sécurité, pour des coureurs qui atteignent souvent les 70 km/h au sprint ou en descente. "On a très peu de marge de manœuvre. Dans les magazines, on peut voir des vélos entre quatre et cinq kilos, mais en termes de sécurité, c'est moins fiable", affirme-t-il.

Les matériaux : tout pour le carbone

Pour les matériaux, les professionnels n'en utilisent plus qu'un seul : le carbone, ce qui justifie le prix très élevé des vélos. Plus léger que l'aluminium et le titane, il est désormais le composant de tous les vélos du peloton. "Le carbone donne un meilleur confort pour rouler", explique le mécanicien de TotalEnergies.

Tous les vélos des professionnels sont équipés en carbone, comme les Tarmac SL7 de la formation TotalEnergies. (HORTENSE LEBLANC / FRANCEINFO:SPORT)

"Les cadres sont faits en carbone, les roues et les jantes, tiges et guidons intégraux aussi. Le cintre et la potence sont d'une simple pièce : il n'y a pas d'interface entre la potence et le guidon, donc on gagne en précision de pilotage", ajoute Thomas Bourgeois.

Les mécanismes : selles adaptées, pneus "tubeless" et freins à disque

Les vélos des coureurs du Tour de France bénéficient d'une recherche très poussée, souvent effectuée l'hiver lorsque la saison est finie. C'est le cas des selles, pièces essentielles pour les coureurs. "En décembre, nous avons fait des tests avec Specialized pour voir quelles étaient les meilleures selles pour chaque coureur", révèle Kévin Desmedt.

Le mécanicien de TotalEnergies est rejoint par son homologue chez Groupama-FDJ. "C'est étudié en amont de la saison, tous les vélos de course et de rechange sont réglés au millimètre près. Pour les selles, il y a des modèles différents : un avec un grip dessus ou un autre avec une fente au milieu pour le périné", assure Thomas Bourgeois.

La selle d'Alexis Vuillermoz (TotalEnergies). Toutes les selles des coureurs ont une forme différente adaptée au coureur. (HORTENSE LEBLANC / FRANCEINFO:SPORT)

Au niveau des pneus, les professionnels ont tous délaissé les boyaux classiques pour le "tubeless", qui ne comporte pas de chambre à air mais contient un petit liquide. "Si tu crèves, le liquide viendra boucher le trou. Comme ça, si tu n'as pas une voiture tout de suite derrière toi, tu pourras continuer si le trou n'est pas extrêmement grand", explique Kévin Desmedt.

Longtemps rois au sein du peloton, les freins à patins sont désormais tous remplacés par les freins à disque, plus précis. "Au départ, le lancement était un peu dur. Maintenant tout est au point et les coureurs sont contents", poursuit-il.

Enfin, la jante a aussi ses propres attributs, qui influent sur la vitesse. "Plus on a une jante haute, plus il y aura d'inertie et de prise au vent, et donc plus elle sera lourde", conclut le mécanicien. De quoi adapter en fonction de la course.

Les particularités : "shifters" et bluetooth, innovations précieuses

Enfin, les vélos de course sont affublés de certaines particularités souvent non présentes sur les cycles classiques, comme les "shifters". Ces petites manettes font office de relais plus proches des mains pour changer de vitesse avec un moindre effort. "C'est surtout pour les sprinteurs, car ils ont souvent les mains en bas du guidon pour sprinter. Il y a une version pour les grimpeurs qui se situe sous le cintre, avec les mains en haut du guidon", explique Nicolas Deshaies de la formation bretonne Arkéa-Samsic.

Le "shifter", le petit bouton noir placé sur la poignée du guidon, permet de changer plus rapidement de vitesse.  (HORTENSE LEBLANC / FRANCEINFO:SPORT)

Ces petites modifications se sont accélérées dans le peloton, notamment après plusieurs incidents liés au changement de vitesse. "En 2021, Geraint Thomas était tombé en ratant la manette pour changer de vitesse. S'il avait eu le 'shifter' sprint, il ne serait pas tombé", assure le mécanicien.

Enfin, la technologie s'invite même dans les changements de vitesse chez Groupama-FDJ, avec la possibilité de régler les vélos à distance pour les mécaniciens. "Le changement de vitesse se fait au niveau de la poignée de frein, reliée par Bluetooth au dérailleur arrière, qui est le cerveau du vélo. On règle les vélos par le téléphone via une application, donc tout se règle à distance", détaille Thomas Bourgeois.

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