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Témoignage Tour de France : "Je me relève et je vois plein de coureurs par terre", raconte le spectateur qui a fait tomber le peloton en 2011

En 2011, Théo a fini dans le fossé avec une dizaine de coureurs autour de lui. Son visage a fait le tour des chaînes de télévision, bien avant celui de la spectatrice à la pancarte qui a marqué le début du Tour 2021 en Bretagne.

Article rédigé par Raphaël Godet - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Théo rencontre le cycliste espagnol Alberto Contador, le 11 juillet 2011, à Murat (Cantal), lors d'un jour de repos sur le Tour de France.  (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO / AFP / L'EQUIPE)

Un coureur qui mord le bas-côté, un spectateur planté là et, quelques secondes plus tard, une grappe de cyclistes qui valdingue. Cela vous rappelle quelque chose ? Dix ans avant la spectatrice à la pancarte "Allez Opi-Omi" sur la première étape du Tour de France 2021, le petit Théo avait, lui aussi, fait les gros titres. Le 2 juillet 2011, l'enfant de 12 ans avait provoqué une énorme chute, à quelques kilomètres de l'arrivée de l'étape inaugurale en Vendée. Franceinfo a retrouvé ce gamin, qui se fait encore appeler "la Dame jaune", une allusion au tee-shirt qu'il portait ce jour-là. 

Franceinfo : Racontez-nous ce samedi 2 juillet 2011...

Théo : Les coureurs sont partis le matin du passage du Gois, à Noirmoutier, direction le mont des Alouettes, aux Herbiers. Avec ma famille, on décide de s'installer quelques kilomètres avant l'arrivée, pour les voir passer. Je ne suis pas un grand fan de cyclisme mais, voilà, le Tour de France qui passe près de chez toi, ça ne se rate pas. J'ai 12 ans, je porte un tee-shirt jaune et je prends des photos avec mon appareil jetable. C'est le milieu d'après-midi. Comme tout le monde, j'attends les coureurs.

Vous allez les voir de près...

De très près, même. En quelques secondes, je suis propulsé en arrière. Je tombe et, paf, je me retrouve dans le fossé. Je ne comprends pas du tout ce qui se passe. Je me relève, tremblant, et là, truc de fou, je vois plein de coureurs par terre, à ma gauche, à ma droite. Il y a des vélos partout au sol. Tout le monde est affolé. Moi, j'ai mal à l'épaule et aux côtes, à cause du guidon du vélo qui m'a percuté.

Comment réagissez-vous ?  

Les coureurs se remettent en selle et partent. Moi aussi, je pars. Mon père me prend sur son scooter et on rentre à la maison. On allume la télé. On voit les images tournées par l'hélicoptère. Je me reconnais. Je me dis : "Merde, qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

"Je me souviens de ma maman qui me dit, pour nous rassurer : 'C'est bon, ne t'inquiète pas. Ils disent à la télé qu'ils cherchent une femme !'"

Théo

à franceinfo

Les gens confondent car j'ai les cheveux plutôt longs à l'époque. J'entends qu'on cherche la fameuse "Dame en jaune", à cause du tee-shirt que je porte. 

Comment se passent les heures et les jours suivants ?

On décide de n'en parler à personne. J'ai peur de l'annoncer aux copains et que ça devienne la blague qui reste pendant tout le collège et le lycée. Mais je ne suis pas fier. Alberto Contador a perdu beaucoup de temps à cause de moi [l'Espagnol vient de perdre 1'30 sur ses principaux concurrents] et ça m'embête vraiment. Je veux m'excuser auprès de lui.

Le journal L'Equipe finit par me retrouver quelques jours après et me propose de le rencontrer, pour lui dire ce que j'ai à lui dire. Je débarque donc dans le Cantal avec mon papi et ma mamie. C'est jour de repos pour le peloton. Contador est OK pour me recevoir. Je n'en mène pas large. J'angoisse, j'ai peur de sa réaction, j'ai peur qu'il me fasse des reproches. Après tout, j'ai fait perdre beaucoup de temps à l'un des favoris du Tour cette année.

"J'ai la boule au ventre. Je ressens comme une petite pression au niveau de la gorge, j'ai les mains moites."

Théo

à franceinfo

Et finalement ?

Finalement, ça se passe super bien. Il est très gentil. Il y a un traducteur français-espagnol avec lui. Il se moque même des sandales horribles que je porte ce jour-là. Il me dit : "Elles doivent être belles, ces sandales, pour que tu ne puisses pas arrêter de les fixer." La vérité, c'est que je n'ose pas le regarder dans les yeux. Mais sa blague détend l'atmosphère. Il me rappelle surtout que ça roule vite. Bon, j'ai bien compris...

Quelle a été votre réaction en voyant la chute provoquée par une spectatrice entre Brest et Landerneau, le 26 juin dernier ?

Je me suis totalement revu en elle. Je me suis dit : "Oh la pauvre." Je sais maintenant que le peloton ne t'évite pas. Il ne l'a pas évitée. A l'époque, j'avais été la cible d'insultes sur internet. J'avais retrouvé 12 pages, que j'ai fait supprimer. Les réseaux sociaux n'étaient pas aussi développés qu'aujourd'hui. Pour la spectatrice, ça a été bien pire. Twitter, Facebook... Je trouve ça vraiment dommage. Elle doit être déjà assez mal comme ça, pas besoin de l'accabler encore plus. 

Dix ans après, qu'avez-vous gardé de cette histoire ?

Pas mon appareil photo, qui a fini dans le fossé et que je n'ai jamais retrouvé. En revanche, j'ai toujours le fameux tee-shirt.

"Le tee-shirt jaune est chez mes parents, encadré, vitré, avec la signature de Contador dessus."

Théo

à franceinfo

Le tee-shirt jaune que Théo portait le 2 juillet 2011, sur les bords de la route, lors de la premère étape du Tour de France. (COLLECTION PRIVEE)

Certains m'appellent encore aujourd'hui "la Dame en jaune". J'en parle facilement mais, à l'époque, j'ai bien mis un mois avant de le dire. Même ma prof de français n'y croyait pas.

Votre "carrière" dans le cyclisme n'est pas allée plus loin ? 

Je ne suis pas devenu plus passionné de vélo avec cette histoire. J'ai aujourd'hui 22 ans et je viens de passer mon Master 1 pour devenir prof de SVT. Mon frère, lui, s'est mis davantage au vélo. Mais je n'hésite pas à lui rappeler que, moi, je connais Alberto Contador.

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