: Portrait Tour de France femmes 2023 : Evita Muzic, l'espoir français qui veut faire résonner la Marseillaise
A l'évocation de son nom, sur chacune des présentations d'équipes, le public réagit, encourage et applaudit. La Française Evita Muzic ne passe pas inaperçue sur les routes du Tour de France. "Bravo Evita", "Allez Evita", peut-on entendre un peu partout depuis le départ. Depuis plus d'un an maintenant, la Franc-comtoise de 23 ans, au visage juvénile parsemé de taches de rousseur, est l'objet d'une attention grandissante.
"Déjà, l'année dernière, j'ai eu énormément de sollicitations parce que je portais le maillot bleu-blanc-rouge jusqu'au mois de juin. Depuis que je suis rentrée du Giro, il y a quelques jours, j'ai eu des interviews tous les jours. Il faut apprendre à gérer ça", confie la grimpeuse et puncheuse, actuelle 14e du classement général. Une popularité grandissante constatée par ses proches. "Je le vois à travers les réseaux sociaux, elle est très aimée du public, et elle a un nom qui sonne bien et qui marque", sourit son compagnon, Eddy Finé, coureur professionnel chez Cofidis.
Un patronyme qui ne s'oublie pas. Son nom est d'origine slovène, et son prénom fait référence à Eva Perón, une actrice et femme politique argentine, dont "le caractère et la personnalité étaient très forts", confirme Laurence Defaut, la maman d'Evita.
Une progression à suivre
Evita Muzic a commencé le vélo à cinq ans et est passée par les sections juniors, où elle gagnait "contre les garçons, ce qui m'a motivée à continuer." "Elle est presque née sur un vélo et elle a toujours baigné dans ce sport. Son papa était marchand de cycle, moi j'ai fait de la compétition comme son demi-frère. Ce qui lui a plu, c'était l'atmosphère, aller prendre sa licence et attacher le dossard", confie sa maman.
Elle a ensuite poursuivi par le sport études de Besançon (Doubs) en pôle espoir avant de rejoindre son équipe actuelle. Championne de France espoir sur route 2019, elle n'a fait que gravir les échelons depuis. Championne de France sur route en 2021, médaillée de bronze du championnat d'Europe sur route espoirs la même année, huitième du classement général du Tour de France en 2022 et sixième de la Vuelta cette année, Evita Muzic a déjà tout d'une grande et est attendue comme la future pépite de son équipe la FDJ-Suez, qu'elle a rejointe il y a six ans.
"Evita, c'est le talent pur et la fraîcheur. En tant que patron d'équipe, avoir une femme comme ça à diriger, c'est du bonheur au quotidien. Je n'ai pas de doute qu'Evita sera notre fer de lance dans les années à venir. Je ne suis pas capable de donner le timing, si cela sera en 2024 ou 2026. Mais je n'ai aucun doute à dire qu'un jour, elle aura les clés à 100 % de l'équipe", témoigne Stephen Delcourt, manager général de la FDJ-Suez. Si elle n'est pas la leader sur le Tour de France cette année - c'est sa coéquipière danoise Cecilie Uttrup Ludwig, vainqueure d'étape sur le Tour en 2022, qui endosse ce rôle - elle a eu ce statut, il y a quelques semaines, sur la Vuelta, finie à la sixième place. "Ce n'était pas simple d'avoir le statut de leader unique, mais ça m'a poussée, et j'apprends encore", admet-elle.
"La finalité, on la connaît. On sait qu'elle jouera les premiers rôles d'un grand Tour très vite. C'est elle qui décidera du moment".
Stephen Delcourt, manager général de la FDJ-Suezà franceinfo: sport
Pour atteindre ces objectifs, Evita Muzic travaille d'arrache-pied. "Mon objectif est de devenir un jour leader sur le Tour de France et de viser le maillot jaune, confirme la coureuse. Je pense qu'il y a eu une progression linéaire et je fais tout pour y arriver. Si je n'y arrive pas, je n'aurai pas de regrets. L'équipe a confiance en moi et on a le même objectif." Un tempérament de battante que confirme son compagnon, Eddy Finé : "Elle se relève toujours. Elle a eu des hivers tronqués par les blessures, mais elle s'est toujours remobilisée. Elle n’a jamais perdu espoir et est toujours revenue au niveau. C’est ce qui m’impressionne chez elle." "Elle est très calme mais elle sait aussi hausser le ton quand il faut. Elle est déterminée, et elle ne lâche rien", renchérit son amie et coéquipière au sein de la FDJ-Suez, Jade Wiel.
"Elle est l’une des meilleures grimpeuses actuelles. Même quand elle n'est pas bien placée, elle est capable de remonter dans les moments clés."
Jade Wiel, sa coéquipière au sein de la FDJ-Suezà franceinfo: sport
Les deux amies, qui se connaissent depuis leurs 15 ans et le pôle espoir, ont partagé de nombreux podiums chez les jeunes. "L'un de mes plus beaux souvenirs avec Evita, c'est lorsque l'on fait une et deux au championnat de France élite. On l'avait préparé ensemble et nous avions réussi à mettre en place notre stratégie. C'était fou, et c'était le premier titre d'Evita, qui lui a donné beaucoup de confiance", confie Jade Wiel, avec qui elle partage souvent sa chambre en déplacement et son petit vidéoprojecteur le soir pour regarder des séries. Et ses faiblesses ? "Elle n'en a pas tellement", affirme sans hésiter Jade Wiel. La seule chose que je peux dire, c'est que dans le vent, elle ne s’impose peut-être pas assez, alors que c’est quand même quelqu’un dans le peloton. Il faut qu’elle se fasse respecter un peu plus."
Rigoureuse et discrète
Rouler des mécaniques n'est pourtant pas dans son tempérament. "Evita, c'est la première de la classe et toujours très impliquée dans ce qu'elle fait. Elle travaille très dur mais elle ne le fait pas voir, elle est très discrète. Aujourd'hui, elle a tout pour réussir", observe le manager de la FDJ-Suez.
Un sérieux qu'elle a hérité de ses parents et qu'elle garde comme ligne directrice. "Mon père était très strict dans le vélo, donc j'ai toujours fait les choses à fond depuis toute petite. Je n'ai pas trop eu le choix, mais ça m'a inculqué une rigueur", glisse la jeune femme, qui avoue être parfois un peu en retard et tête en l'air. "Nous avons élevé Evita dans une rigueur à la fois à l'école et au vélo. Mais pour ce dernier, j'essayais de tempérer pour qu'elle ait un équilibre, et qu'elle garde le plaisir. Sinon, ça n'aurait pas fonctionné", admet Laurence Defaut, sa maman, qui la suit sur les courses dès qu'elle le peut.
Pour passer ce petit cran, elle devra gagner en confiance en elle, souligne Stephen Delcourt. "Il lui manque aussi sportivement un vrai hiver. Ça fait quand même trois hivers de suite qu'elle se blesse. Il lui faut une vraie préparation pour se renforcer", appuie le manager général. Car dans ses prochains objectifs, Evita Muzic veut cocher plusieurs cases : remporter le titre de championne du monde et le Tour. "En tant que Française, gagner le maillot jaune, ça serait juste exceptionnel", imagine-t-elle. "Et devenir championne du monde, elle en rêve depuis toute petite. Elle travaille sur le long terme pour cela", confirme Eddy Finé.
Saisir les occasions
Pour l'heure, Evita Muzic engrange le plus d'expérience possible. Si l'an passé, elle découvrait le Tour de France avec "stress et appréhension", en 2023, elle vise la "performance". "L'année dernière, on a gagné une étape, donc on sait qu'on est capables de faire de belles choses. On a une belle équipe, et on est vraiment là pour faire de bons résultats au général, et aller chercher des victoires d'étapes", affirme la grimpeuse. Elle pourrait, notamment, briller lors de l'avant-dernière étape, au Tourmalet. "C'est vraiment l'étape où j'espère aider au maximum le collectif et être aux avant-postes. C'est un col mythique. J'ai hâte de voir l'ambiance, et j'espère qu'il y aura la même ambiance que pour les garçons, cette ferveur du public qui nous pousse".
Qu'importe le temps qu'elle mettra, Evita Muzic a la confiance de toute une équipe derrière elle. "On sait qu'elle est à la fois capable de prendre seule le leadership et de le partager, assure Stephen Delcourt. Elle a en elle quelque chose en plus que seules les grandes championnes ont." Il ne reste plus qu'à ce talent pur à éclore définitivement. Pour que la petite Muzic devienne une symphonie.
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