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Mondial de volley 2022 : depuis son premier titre en Ligue des Nations en 2015, comment l’équipe de France est-elle arrivée à maturité ?

Les Bleus tenteront de décrocher la médaille d’or lors du championnat du monde, qui débute vendredi. Seule ligne qui manque encore à leur palmarès.

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
L'équipe de France de volleyball a été titrée championne olympique pour la première fois de son histoire, à Tokyo, le 7 août 2021. (CROSNIER JULIEN / AFP)

L'équipe de France de volley, championne olympique en titre, a rendez-vous avec l'histoire. Vendredi 26 août, les Bleus font leur entrée en lice face à l'Allemagne lors du championnat du monde (à 17h30). L'or mondial est le seul titre qui leur manque encore. Ensemble, ils ont marqué à jamais l’histoire du volley tricolore et sont devenus l'une des meilleures équipes du monde.

En l'espace de sept ans, les titres se sont accumulés - champions d'Europe en 2015, trois fois vainqueurs de la Ligue des nations (anciennement appelée Ligue mondiale) en 2015, 2017 et 2022 et champions olympiques en 2021 - alors que la France avait attendu 69 ans avant de remporter son premier titre. Le résultat, entre autres, d'une génération dorée.

Une génération déjà victorieuse en juniors

"Quand Laurent Tillie est arrivé en 2012 [au sein de l'équipe de France], il a rassemblé des joueurs de la même génération, qui se connaissaient déjà tous et qui avaient pour certains déjà gagné ensemble", analyse Hubert Henno, entraîneur du Nantes Rezé Métropole Volley et consultant pour France Télévisions. Le sélectionneur mise alors sur ce groupe formé par Earvin Ngapeth, Benjamin Toniutti, Kevin Tillie, Jenia Grebennikov et Nicolas Le Goff, dont certains ont été ensemble champions d'Europe en cadets et en juniors. "Ils ont pris petit à petit leurs marques et ont gagné en confiance. On sentait qu’on montait en puissance mais on était encore un peu instable", se remémore Laurent Tillie, l'entraîneur des Bleus entre 2012 et 2021.

"En 2016-2017, une nouvelle génération, plus physique, s’est incorporée, avec Jean Patry, Antoine Brizard, Stephen Boyer, Trévor Clévenot. On a ainsi eu le mélange de deux générations très talentueuses."

Laurent Tillie, ancien entraîneur des Bleus

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Ces deux générations ont parfaitement fusionné, pour construire la base d'une équipe hors-norme. "En 2017, avec l'intégration de ces nouveaux joueurs, j'ai vu pour la première fois une équipe de France pour Paris 2024. Je voyais le squelette de l'équipe, avec une chair nouvelle autour", continue l'architecte de cette construction.

Une continuité que les anciens ont su faire fructifier. "Il y a eu un gros travail des anciens pour bien intégrer les nouveaux et une très bonne intelligence des nouveaux, qui ont été patients. Rapidement, il n’y avait plus de distinction entre eux", se souvient Laurent Tillie. "Les plus anciens nous ont transmis tout de suite leur expérience des débuts, leur état d’esprit, cette envie de gagner et de jouer entre potes", confirme le pointu Jean Patry, arrivé en mai 2017 au sein du groupe. Mais également, le déclic fondateur de 2014, où la France termine à la cruelle 4e place du championnat du monde, malgré un beau parcours.

L’alchimie est immédiate. "Il y a une cohésion incroyable. On est vraiment une bande de potes, très proches, avec le plaisir de se retrouver sur le terrain et de jouer ensemble. C’est ce qui nous différencie des autres équipes", assure Jean Patry.

Une équipe solide et soudée, dont l’énergie de groupe déteint sur les résultats. "Quand on joue avec cette folie, cette joie, ce plaisir d’être ensemble, notre jeu se met en route et on fait des choses que les autres équipes n’ont pas l’habitude de voir. C’est là où on est vraiment difficile à jouer. En revanche, quand on joue un peu sous pression, que l’un de nous est un peu en dedans, surtout avec Earvin, c’est vrai que le groupe à tendance à suivre un peu. Mais il faut qu’on arrive à gérer ces situations", poursuit le pointu, qui évolue à Milan. 

Le grain de folie, leur marque de fabrique

Sur le terrain, cette "bande de potes" partage ce brin de folie qui a fait la marque de fabrique des Tricolores. "Je les considère vraiment comme des artistes. Ils ont très peu de limites. Avec eux, tout est possible en permanence. Actuellement, tous les plans de jeu que nous mettons en place avec le staff sont uniques et ont pour but de cadrer certaines situations récurrentes de l'adversaire", explique Loic Geiler, entraîneur adjoint des Bleus.

"Ils ont un tel bagage technique, une telle maîtrise de ce qu'ils font avec le ballon, comparé aux autres équipes, qu'on ne veut surtout pas limiter leur créativité."

Loic Geiler, entraineur adjoint des Bleus

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Imprévisible sur le terrain, Earvin Ngapeth, pilier de cette équipe, incarne cette folie qui a fait gagner l’équipe de France à de nombreuses reprises. Smash renversé, feinte d’attaque, défense au pied, Ngapeth est un "créateur infini", comme le souligne Laurent Tillie. "La technique se travaille en fonction des joueurs que l'on a, appuie ce dernier, convaincu que cette dernière n'est pas figée dans des manuels. Les joueurs s'approprient leurs propres gestes. Pour cela, il faut leur laisser du temps, les laisser s'exprimer, tout en réajustant si besoin."

Laurent Tillie, le bâtisseur

Ce brin de folie, Laurent Tillie a su l’apprivoiser pour guider ses joueurs vers leur meilleur niveau. "La grande force de Laurent a été qu’il a laissé s'exprimer des joueurs comme Kevin Le Roux, Earvin Ngapeth, ou Jenia Grebennikov, qui avaient cette folie en eux, et qui faisait que leur jeu était beau, spectaculaire, et efficace, alors que beaucoup d’entraîneurs n’auraient jamais autorisé cela, préférant imposer leur vision", analyse Hubert Henno.

Dès son arrivée aux commandes de cette équipe de France rajeunie, Laurent Tillie a souhaité lui donner une identité. "Mais une identité ne se décrète pas, elle se découvre. Il fallait donc être suffisamment patient et les laisser développer leur jeu, afin qu'ils prennent confiance et qu'une identité se crée", explique le désormais coach du club japonais Panasonic Panthers, à Osaka. 

Après neuf ans passés aux commandes de l'équipe de France de volley, Laurent Tillie a rendu sa casquette de coach après les Jeux olympiques de Tokyo. (JUNG YEON-JE / AFP)

"Cette liberté, on ne la trouve que très rarement chez les coachs, qui souvent imposent beaucoup de règles. Nous avons mis un peu de temps mais cela nous a permis d'évoluer et de trouver notre identité", confirme Kevin Tillie, réceptionneur-attaquant au Projekt Varsovie. "Il a fait un pari risqué avec nous, ajoute Jenia Grebennikov. Car il aurait pu se faire très critiquer si cela ne marchait pas. Il fallait de la patience, surtout avec nous. Il nous a fait confiance, on s’est raccroché à lui et ça a marché", sourit le Rennais.

Au fur et à mesure des années, les Tricolores ont ainsi imposé leur jeu à l'instinct, qui est devenu une marque française. "Quand je joue en Italie, j'entends de plus en plus souvent : 'Ah vous faites des feintes comme les Français, vous défendez comme les Français', se réjouit Grebennikov.

Une longueur de banc inédite

Aujourd’hui 2e au classement mondial, les Bleus assument leur identité et leur propre style. Mais surtout, ils ont appris ensemble à bâtir l’une des meilleures équipes mondiales. "Au fur et à mesure, l'équipe de France est devenue impitoyable grâce à la longueur de son banc, et à la qualité des joueurs. Aujourd’hui, nous avons entre 15 et 16 joueurs qui sont dans les meilleurs du monde", constate Hubert Henno. "La quasi-totalité des joueurs est interchangeable, ce qui n’était pas forcément le cas avant 2017, poursuit Laurent Tillie.

"Depuis les Jeux de Tokyo, je vois une grande confiance dans l’équipe, une maîtrise indéniable à la fois tactique, technique et physique."

Laurent Tillie, ancien entraîneur des Bleus

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Forte de sa montée en puissance, la France veut confirmer lors du championnat du monde. L’or mondial, dernier titre qu’il manque à son palmarès, est clairement l’objectif de l'été. "La médaille d’or olympique a changé la vision de notre équipe et nos objectifs. On ne se demande plus si on peut aller chercher une médaille. Aujourd’hui, on sait que l’or est notre objectif", estime Jenia Grebennikov. Devenir champion du monde permettrait aussi aux hommes de Andrea Giani, légende italienne du volleyball et entraîneur des Bleus depuis mars, d’installer une certaine constance, dernier défi à relever.

En effet, en 2017, après leur victoire en Ligue mondiale, les Bleus perdent le fil à l’Euro, éliminés aux portes des quarts. Rebelote en 2022. Après le titre olympique, ils s’inclinent en huitièmes de finale à l’Euro quelques semaines plus tard. "Le niveau est tellement dense que sur les dix dernières années, il n’y a jamais eu une équipe qui a gagné deux fois d’affilée. On fait 60 matchs sur l’année, c’est compliqué d’être au top à chaque fois", justifie le libéro français Grebennikov. Pourtant, l’équipe de France, toujours pas rassasiée, y croit plus que tout. "C'est incroyable d'avoir gagné l'or à Tokyo mais nous, on veut tout gagner. Ça parait impossible, mais on est tellement fou qu'on a envie de le faire." Pour continuer à écrire son histoire, ensemble.

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