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Vendée Globe : "On ne retiendra que le vainqueur, mais chaque marin aura la satisfaction d'avoir accompli quelque chose d'énorme", confie Yann Eliès

À deux jours de l'arrivée du Vendée Globe, Charlie Dalin est repassé en tête de la course. "Il faut lâcher ses coups stratégiques, il faut maltraiter sa monture comme un final et un sprint aux courses hippiques", juge le navigateur et consultant de franceinfo Yann Eliès.

Article rédigé par franceinfo
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Le bateau du skipper Louis Burton, aux Sables d'Olonne, le 8 novembre 2020. (JOËL LE GALL / MAXPPP)

Au dernier pointage, en début d'après-midi lundi 25 janvier, il y avait moins de 50 km d'écart en tête du Vendée Globe entre Charlie Dalin, toujours leader, et Louis Burton, son principal poursuivant. Les quatre marins en tête de la course (Boris Herrmann et Thomas Ruyant, 3e et 4e) devraient franchir la ligne d'arrivée mercredi 27 janvier. Face à ce suspense, le navigateur et consultant de franceinfo Yann Eliès, invité de franceinfo, explique "qu'on sait très bien qu'on ne retiendra que le vainqueur, mais chaque marin aura la satisfaction d'avoir accompli quelque chose d'énorme."

franceinfo : C'est une situation assez incroyable, se retrouver si près des uns des autres après avoir traversé toute la planète. Est-ce que ça veut dire que nous atteignons des limites de vitesse indépassables ou est-ce juste le hasard ?

Yann Eliès : Je crois que c'est le hasard de la météo qui semble néanmoins se répéter depuis quelques semaines. On voit qu'à chaque fois que les premiers arrivent à faire le break, il y a toujours une situation météo moins favorable, qui les empêche de prendre la poudre d'escampette. Là, une fois de plus, ce scénario devrait se répéter puisqu'il y a quelques heures de l'arrivée, les premiers devraient tomber dans une zone avec un peu moins de vent et mettre du coup un petit peu plus de temps à rallier la ligne d'arrivée. Cela va profiter à ceux qui arrivent derrière avec un vent plus soutenu et un train de dépression bien établi.

Certains marins utilisent des itinéraires un peu différents des autres : en ce moment, Charlie Dalin et Louis Burton ne prennent pas tout à fait la même route.

Oui, à cela plusieurs raisons. Déjà, la situation météorologique est assez simple. Il n'y a finalement pas de gros coup à jouer, on est vraiment dans le trait de crayon, dans les petites bascules devant. Ensuite, certains marins ne disposent pas de leur foil babord et donc ont un potentiel de bateau amoindri sur cette amure [voilure disposée pour recevoir le vent], donc ils cherchent à privilégier l'autre amure. Puis il y aussi le marquage, la tactique, on va chercher à marquer ses concurrents. D'autant que deux marins qui sont actuellement en deuxième ou troisième position avec Boris Herrmann et Yannick Bestaven disposent de six heures de bonifications à la suite du sauvetage de Kevin Escoffier. Dans les routages aujourd'hui que j'utilise pour essayer de déterminer qui va gagner, je n'ai finalement que quelques minutes d'écart entre lui, Burton et Dalin qui, je pense, devrait être un de ces bateaux qui va couper la ligne d'arrivée en premier. Mais après, derrière, il va attendre 4, 5, 6, 10 heures.

Ces bonifications, cela brouille les repères ?

Cela brouille les repères, on aurait préféré effectivement que le premier marin qui coupe la ligne d'arrivée soit celui qui gagne le Vendée Globe. Or, ce n'est pas vraiment le scénario qui se dessine. Mais bon, après ces bonifications, elles ont été assez justes. Elles font partie des règles du jeu, elles ont aussi permis de sauver un homme : on ne peut pas les retirer d'un revers de la main. L'équation est connue de tous depuis un mois et demi, il faut faire avec.

Charlie Dalin et Louis Burton voient qu'ils sont en tête géographiquement ; mais en réalité, ils ne sont pas forcément aussi sûrs d'être en tête à l'arrivée. Cela doit être perturbant ?

Oui et non. Disons que là, ce n'est pas le moment de réfléchir, il faut être dans l'action, tout donner. Et n'avoir aucun regret, si possible avoir le privilège de couper la ligne d'arrivée en premier, même si derrière avec le temps compensé vous ne serez plus premier. Il faut s'extraire de toutes ces considérations, faire du mieux possible. Cela veut dire qu'il faut lâcher ses coups stratégiques, qu'il faut maltraiter sa monture comme un final et un sprint aux courses hippiques. Il faut lâcher la bride. Et puis advienne que pourra. On sait très bien qu'on ne retiendra que le vainqueur, mais chaque marin aura la satisfaction d'avoir accompli quelque chose d'énorme, quoi qu'il arrive.

Est-ce que vous auriez un conseil à leur donner une fois qu'ils seront rentrés à terre, pour se confronter à notre quotidien ?

Au bout de 76/77 jours de course, on a juste envie de rejoindre les siens et la terre, même si la situation sanitaire n'est pas des plus sympathiques à appréhender. Ils ont tous envie d'arriver le plus vite possible et d'arrêter cette machine infernale qu'est le Vendée Globe. Parce qu'un bateau qui avance comme ça pendant des semaines, c'est du bruit, des mouvements, du stress. Donc, on aspire au calme. Même si la vie terrienne va vite les rattraper. Mais dans les premières heures, il ne faut pas vouloir calculer, se laisser aller et profiter de la chaleur humaine qui va les entourer. Et puis ensuite, peut-être, pourquoi pas se reprojeter sur de nouveaux projets, mais sur un horizon de trois à six mois : il faut laisser au corps et à l'esprit le temps de se reposer.

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