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Vendée Globe : le skippeur Benjamin Dutreux raconte sa réadaptation à la vie sur le terre ferme

Après quatre mois de course, le Vendée Globe a tiré le rideau sur sa neuvième édition avec l’arrivée vendredi du navigateur finlandais Ari Huusela. Vingt-cinq concurrents ont bouclé ce tour du monde en solitaire : comment gèrent-ils cet après Vendée Globe ? Se sont-ils remis physiquement d’une telle aventure ?

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Benjamin Dutreux, le 29 janvier 2021, aux Sables d'Olonne. (LOIC VENANCE / AFP)

Benjamin Dutreux (Omia / Water Family) nous reçoit chez lui aux Sables d’Olonne, les traits reposés. Il a été l’une des très belles surprises du Vendée Globe avec sa 9e place malgré un bateau ancien. Arrivé le 29 janvier, le skipper vendéen a repris le travail le 1er mars dans son chantier naval. Il a une envie aujourd’hui : repartir au plus vite sur les océans de la planète.

franceinfo : Comment vous sentez-vous, plus d’un mois après votre retour et vos 81 jours passés en mer ?

Benjamin Dutreux : C’est vrai que c’est une épreuve assez importante pour le corps et pour le mental. Ce n’est pas évident de reprendre la vie active et la vie sur terre. Je ne sais même pas si j’ai vraiment récupéré. J’ai été déconnecté du monde pendant assez longtemps. Je viens juste de me rebrancher sur les réseaux sociaux et ça me fait un choc. Il y a plein de choses qui m’ont choqué en rentrant à terre. Je ne réalise toujours pas trop d’avoir vécu mon rêve. J’essaye de me remettre à la vie active. C’est important de bouger pour ne pas être trop nostalgique.

Votre esprit est-il toujours un peu ailleurs, toujours en mer ?

Bien sûr, j’ai probablement laissé une partie de mon esprit en mer et peut-être qu’il y restera pendant longtemps. Je suis encore un peu rêveur, mais je me force à me remettre dans la vie active pour remonter un nouveau projet et pouvoir repartir.

Les médecins assurent qu’il faut plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour se remettre physiquement d’une telle épreuve. Vous concernant, avez-vous l’impression que ça prend du temps ?

Oui, ça va prendre un peu de temps, surtout pour récupérer des jambes, parce qu’on ne marche pas sur un bateau, c’est trop compliqué. Donc on perd en muscles. Par exemple, je suis monté sur un paddle et rien que de tenir debout en équilibre, ce n’était pas une mince affaire. J’ai redécouvert l’existence de muscles dans mes jambes. Il va falloir se remettre une condition physique, principalement sur le bas du corps.

Aviez-vous perdu du poids ?

Je ne m’étais pas pesé en partant, ni en revenant. Mais je fais 67 kilos, je ne suis déjà pas très lourd, je suis assez sec. De mon ressenti, je n’ai pas perdu de poids. J’ai peut-être perdu en bas, mais pris un peu en haut en musculature avec les manivelles. Mais globalement, je pense que c’est au niveau mental que ça va être le plus long à récupérer. Justement, cette aventure du Vendée Globe vous a pris plusieurs années de votre vie.

Ressentez-vous comme un vide depuis votre arrivée ?

Repartir dans la réalité, c’est compliqué. On a vécu trois mois en mer sur un bateau. Dans cette course, on est passé par des émotions où l’on se retrouvait à quatre pattes au fond du bateau presque à pleurer et où on se disait qu’on n’allait pas y arriver à des émotions où l’on est en train de chanter et danser parce qu’on a gagné une place ou on a réussi à réparer tel truc. Quand on reprend la vie active, on ne retrouvera jamais des émotions qui sont aussi basses et aussi hautes. Ça crée un vide émotionnel quand on reprend le travail. Mais on récupère d’autres choses à côté : je suis content de renouer avec les gens, de pouvoir échanger. À terre ou en mer, on ne retrouvera jamais les mêmes choses, mais c’est qu’il y aura un vide et de la nostalgie. C’est ce qui me redonnera la force d’y retourner.

Et avez-vous envie de faire un deuxième Vendée Globe, en changeant de dimension avec un bateau plus performant ?

Clairement. Avec notre projet, on a fait quelque chose d’incroyable et notre équipe a gagné en crédibilité. On n’a pas envie de s’arrêter et ce n’est pas une histoire que de moi-même. Tout le monde est motivé pour monter un projet plus ambitieux.

Votre vie a-t-elle changé avec ce tour du monde ?

Il faudra poser la question à mes proches dans quelques semaines. J’ai l’impression d’avoir acquis une expérience hors-norme, d’avoir eu le temps de faire une introspection sur moi-même pour savoir ce que j’avais envie de faire dans ma vie. Ce qui m’a choqué quand je suis rentré à terre, c’est tout ce monde de consommation dans lequel on est. Je me suis lavé pendant trois mois avec un litre chauffé dans une bouilloire et mélangé à deux litres d’eau froide et quand je rentre à terre, je vois qu’il suffit de tourner l’eau du robinet et de régler le thermostat, on ne se rend plus compte du confort dans lequel on vit. Notre projet de soutenir la protection de l’eau avec la Water Family a pris encore plus de sens. Et de ça, j’en sors grandi.

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