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Route du Rhum: Oman, une passion ressuscitée pour la voile

Stade 2 a enquêté ce dimanche sur le sultanat d’Oman qui a déployé les grands moyens pour redevenir une grande nation vélique à l’horizon 2020. Le projet mis en place en 2008 avance vite au gré des courses du calendrier mondial dont la Route du Rhum qui a débuté ce week-end avec Sidney Gavignet comme skippeur de Musandam Oman Sail, seul trimaran non européen en lice. Les femmes ne sont pas en reste dans ce projet grandiose à but touristique mis en place par le ministère du Tourisme omanais.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
 

Une ancienne tradition vélique

Pays de 309 500 km2 (un peu moins de la moitié de la France), situé à la pointe sud de la péninsule arabique et bordé par quelques 1700 kilomètres de cotes, le sultanat d’Oman fait en sorte de renouer avec son histoire. Comme le dit Sydney Gavignet, engagé sur la Route du Rhum sur Musandam Oman Sail, l’ancien trimaran BBQ-Castorama d’Ellen MacArthur, le sultanat essaye de rattraper le temps perdu, de combler son inexpérience. « Il y a une histoire. Sinbad le marin venait du sultanat (en tous cas, c’est le message que fait passer Oman en partant de ce conte des 1001 nuits pour promouvoir la voile, NDLR). Le navigateur arabe qui a permis à Vasco de Gama de rejoindre l’Asie et le Moyen-Orient depuis Le Cap était également omanais. Il y a donc une histoire de la voile à Oman. Mais cette tradition s’est arrêtée. Il n’y a par exemple pas de voile de loisir dans le sultanat ».

Sidney Gavignet (Musandam Oman Sail)

Un projet sur 20 ans

Créée en 2008, l’Oman Sail School est une structure gouvernementale financée par le ministère du Tourisme. Financée à 75% par l’Etat et à 25% par des activités commerciales, elle compte 211 employés dont 80% d’Omanais. Elle a pour double mission de former une élite pour la course au large ou la voile olympique, et de ramener la jeunesse omanaise à une pratique de la voile loisir. Plus de 1000 scolaires ont déjà profité d’une flotte de dériveurs et de catamarans de sport. Leur objectif : participer aux JO 2020 et bien figurer lors de l’édition 2024 (médaille souhaitée), la voile étant un long apprentissage et Rio 2016 arrivant trop vite. A terme, le but est d’enseigner la voile à 70 000 enfants dans un pays où 50% de la population a moins de 15 ans. 

« Le sultanat essaye de rattraper le temps perdu, de combler son inexpérience », souligne Sidney Gavignet, 40 ans, qui prendra le départ de la 10e édition du Rhum quatre ans après son abandon sur avarie. « La voile est un sport complexe qui demande de l’expérience, sur les effets du vent notamment, et cela ne s’apprend pas en un an. Il y a aussi les règlements qui sont compliqués. Le retour de la voile à Oman est récent. C’est pour cela que le projet Oman Sail a décidé de mélanger des pros et des apprentis omanais ».

Vidéo : L'interview de Sidney Gavignet

Des courses tous azimuts

Pour apprendre vite et bien, Oman Sail a décidé de s’engager très rapidement dans de nombreuses compétitions. Des équipages de Flotted’Oman ont participé et brillé à certaines courses très relevées comme le circuit mondial des Extreme 40 (catamarans de 12 mètres) ou le Tour de France (3e) à bord de M34 (monocoque monotype de 11 mètres), mais aussi les séries olympiques Laser, 49er, le circuit J80 ou la planche à voile. Oman est tenant du titre et leader des Extremes Series et compte également une victoire et le record du Tour des îles britanniques.

Ils se sont logiquement tournés vers la Route du Rhum (dès 2010), l’un des courses au large les plus réputées. Sur sa bête sauvage, Musandam Oman Sail, Sidney Gavignet va tenter de se mêler à la lutte pour le podium en classe Ultime. Son Multi70 a été repensé pour permettre la navigation en solitaire. Le pays devrait aussi représenté lors de la prochaine Volvo Ocean Race avec une majorité d’Omanais à bord du bateau. Il s’agit en tous cas d’un projet bien avancé.

Le sultanat s’est également mis à organiser des courses. Une course de Farr 30 (monocoque monotype de 10 mètres) dans le Golfe persique baptisée Sailing Arabia The Tour, ou les championnats du monde de Laser en 2013. « Ce ne sera pas forcément aisé » selon Loïc Peyron, qui a défendu les couleurs omanaises en Extreme 40. « Il y a du potentiel. Après, les finesses de la régate, ça ne peut pas s’apprendre en un an. Mais quand on parle de 2020, c’est demain ; ça concerne des générations qui viennent seulement d’arriver. Il y a du monde qui pousse derrière. Il y a un vrai intérêt local ».

Musandam - Oman Sail (skippeur: Sidney Gavignet)

Des marins français en éclaireurs

La bonne réputation des marins français n’est plus à faire. Il y a sept ans, Oman a ainsi recruté Loïc Peyron pour défendre ses couleurs dans la catégorie des Extreme 40. Le Baulois, lauréat de la Transat anglaise à deux reprises et de nombreuses autres épreuves, avoue s’être éclaté à propager son savoir aux Omanais. Il constate les progrès accomplis avec gourmandise. « La voile devient un sport vraiment important. Ce n’est plus anecdotique. Il n’y a plus que le football ou les courses de chevaux à Oman, il y a aussi la voile et c’est tant mieux ».

Les femmes pas oubliées

Les femmes font partie intégrante de l’ambition omanaise, ce qui est à souligner dans cette partie du Golfe persique. Un programme de voile destiné aux femmes, et parrainé par l’Anglaise Dee Caffari, a été lancé fin 2011 afin d’aider les jeunes filles à s’initier à ce sport de compétition. Loïc Peyron s’est réjouit que la voile « permette de montrer la parité des deux sexes et le fort potentiel qu’ont les femmes et les jeunes filles à faire du bateau et à comprendre souvent plus vite que les hommes ».

Les autorités du sultanat ont surtout été confrontées à un problème, selon Sidney Gavignet : « Après avoir fréquenté les écoles de voile, les femmes arrêtaient. Maintenant, il existe des formatrices omanaises qui peuvent poursuivre la formation de ces femmes qui avaient arrêtées. Le sultan a encouragé ce programme qui vise à aider les femmes à s’initier à la voile de compétition. Mais ce n’est pas en quelques années que le projet Oman Sail aboutira, plutôt en plusieurs dizaines d’années », a-t-il confié.

Objectif JO 2020

Le but du sultanat d’Oman est de qualifier le pays dans la série Laser pour les Jeux Olympiques 2020. Le pays avait prévu d’ouvrir huit écoles de voile d’ici-là afin de booster cet objectif. Quatre écoles existent déjà. Oman organisera surtout les Championnats du monde junior en 2016. Ils se tiendront à Mussanah, à 100 km au nord-ouest de la capitale omanaise, Mascate. Des marins chevronnés comme Russel Couts, Dean Baker ou encore Ben Ainslie se sont révélés lors de ces Mondiaux. Pourquoi pas un Omanais ?

Un but touristique

Se tourner vers la mer pour dévoiler ses plus beaux atouts, voilà le réel objectif de ce projet vélique. C’est le Ministère du tourisme qui en est à l’origine avec trois idées bien arrêtées : développer la voile dans le sultanat, créer une véritable économie autour de ce secteur porteur, et promouvoir le pays comme destination touristique afin de rivaliser avec Dubaï ou le Qatar.

Oman Sail est un projet destiné à créer des emplois. « Il est mené en partenariat avec le tourisme omanais. Une partie des fonds provient justement du ministère du Tourisme », explique Sidney Gavignet, convaincu de la réussite de l’entreprise. « L’Europe et la France sont des cibles pour Oman », poursuit le Parisien d’adoption (il vit à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis). « C’est un programme national. A Oman, les trois-quarts de la population travaillent pour l’Etat. Deux tiers ont moins de 20 ans. L’Etat a du souci pour trouver des emplois à tout le monde ».  Ce projet audacieux peut clairement aider.

Avec la collaboration de Gaël Robic

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