: Reportage "On ne pourra compter que sur nous-mêmes" : les skippers de l'Arkea Ultim Challenge ont appris à se soigner seuls en mer
C’est une aventure humaine et un défi sportif exceptionnel : six marins sont partis de Brest ce dimanche 7 janvier pour l’Arkea Ultim Challenge, un tour du monde en solitaire sur des trimarans géants de 32 mètres de long. C’est la première fois qu’une telle course a lieu et les organisateurs ont dû faire face à une problématique propre à ce sport : comment réagir en cas de maladie ou de blessure quand on est seul et loin de tout ? Avant leur départ, les six skippers qui participent à la course ont donc suivi un stage médical pour apprendre à se soigner seuls en mer.
Ce matin-là, au pôle de course au large de Port-la-Forêt dans le Finistère, c’est atelier point de suture. Il faut manier le scalpel, l’aiguille et les fils. Les concurrents comme Armel Le Cléac'h apprennent à recoudre une plaie sur des pieds de cochon. "C'est vrai que ça peut avoir l'air un peu barbare, reconnaît le skipper. Mais finalement ça va vite, ça ne fait pas très mal et au moins on referme la plaie et on peut passer à autre chose."
"Quand ça arrive, on est prêt"
Tous ces gestes sont importants à maîtriser avant de s'élancer pour un défi aussi long et aussi dur. "Il y a des gestes qu'on aura besoin de faire et on ne pourra compter que sur nous-même, résume l'un des marins les plus expérimentés, Charles Caudrelier. Ça m'est arrivé une fois sur un bateau. Un des marins s'était planté un couteau dans le bras et il a fallu faire des points de suture. Si on a été formé avant à ce genre de geste, quand ça arrive on est prêt." Les six concurrents de ce tour du monde ont eu droit à deux jours de stage, un passage obligatoire où il a aussi été question de douleurs aux dents, à l'estomac ou encore d'infection de l'œil.
Ce tour du monde va durer au moins 45 jours, il y aura donc forcément des pathologies médicales à traiter, en particulier les problèmes de peau. "La plupart du temps heureusement, ce sont de petites infections cutanées pas trop sévères, de la peau sèche, de l'eczéma, explique Marie Acquitter, dermatologue au centre hospitalier de Quimper. Mais parfois il peut aussi y avoir des complications, des brûlures." La cause : un environnement humide et salé, et une hygiène à bord plutôt relative. "C'est vrai que dans le Sud, on peut vite rester avec les mêmes vêtements pendant deux semaines, sourit Anthony Marchand. De temps en temps, se déshabiller pour vérifier qu'on n'a pas de petites plaies ça peut être un bon réflexe."
Une trousse à pharmacie d'une dizaine de kilos
Pour s'y préparer, tous les marins partent avec une trousse à pharmacie d'une dizaine de kilos. "On a un petit sac à dos comme un urgentiste, de quoi intervenir dans tous les cas, décrit Eric Péron, qui va partir pour son premier tour du monde. Il y a de la morphine, un garrot, des antiseptiques, des anti-vomissements."
En course, les marins peuvent aussi échanger avec une petite équipe de médecins à terre. C'est l'urgentiste Laure Jacolo qui est à sa tête. "On a eu des traumatismes crâniens, des choses qu'on a de plus en plus sur ces bateaux, qui vont vite, décrit-elle. La gestion des plaies ne m'inquiète pas beaucoup mais les gros traumatismes peuvent poser un problème, oui. C'est la vitesse de ces bateaux qui peut engendrer des choses graves chez les marins."
D'autant que durant ce tour du monde, les marins navigueront loin des côtes, loin de toute terre, loin de tout, comme dans le Grand Sud. "On est à quatre ou cinq jours d'une terre proche, mais à sept jours d'une hospitalisation possible donc c'est loin", rappelle Thomas Coville, qui entame son 9ème tour du monde. Mais il rassure : "On n'est pas des kamikazes !" Pas des kamikazes, juste des marins qui doivent se débrouiller seuls.
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