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Violences sexuelles : les athlètes de haut niveau élèvent la voix dans une lettre ouverte

À la suite des révélations de violences sexuelles qui secouent la fédération des sports de glace depuis jeudi, les athlètes français ont décidé d’élever la voix. Dans une tribune diffusée ce mardi sur franceinfo, les membres de la Commission des Athlètes de Haut Niveau (CAHN) du CNOSF - parmi lesquels figurent la skieuse Ophélie David, l’ancienne patineuse Nathalie Péchalat ou encore le judoka Teddy Riner - dénoncent un système gangrené par la peur, où les sportifs ont “pris l’habitude de se taire”.
Article rédigé par Emilien Diaz
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

Après les politiques, les athlètes donnent de la voix. qui a accusé de viol son ancien entraîneur Gilles Beyer trente ans après les faits - n’ont pas laissé ses paires indifférents. Après les prises de position diverses, notamment celles des patineurs Gwendal Peizerat et Philippe Candeloro, les athlètes de haut niveau ont voulu réagir par le biais de la commission des athlètes de haut niveau (CAHN) du CNOSF.

Une déclaration qui intervient moins de 24 heures après celle de la ministre des sports Roxana Maracineanu, qui a demandé explicitement au président de la fédération des sports de glace Didier Gailhaguet de présenter sa démission. Pour rappel, il est accusé d’avoir contribué au maintien de Gilles Beyer à son poste au bureau exécutif de la fédération alors même que ce dernier était au cœur de scandales liés à des agressions sexuelles. Beyer a d’ailleurs consenti avoir eu des relations “inappropriées” avec son ancienne protégée Sarah Abitbol.

Une situation qui a alerté les sportifs membres de la CAHN. "Nous ne pouvons plus nous taire ! Il est temps d’agir collectivement et de prendre conscience que briser le silence, c’est aussi servir le sport” écrivent les 54 signataires la lettre rédigée conjointement par l’ancienne patineuse Nathalie Péchalat, les skieuses Ophélie David et Marie Martinod ainsi que la fleurettiste Astrid Guyart. “Nous exprimons notre soutien et notre solidarité avec les victimes. En tant que membres de la CAHN, élus par nos pairs, nous sommes chargés de défendre l’intérêt des athlètes olympiques français (...) Nous nous sentons révoltés. Révoltés mais pas si étonnés que ça. Une fois dévoilée au grand jour, la vérité devient glaçante : le cas isolé devient multiple, les monstres omniprésents” poursuivent-ils. 

"Briser le silence"

Ils ajoutent en introduction : “Si nous prenons la plume aujourd’hui, c’est que nous nous sentons responsables. Ce sont nos quêtes de médailles qui façonnent en partie les rêves de performance des plus jeunes et qui les conduisent à pousser la porte d’un club. Si, pour la majorité le sport a été une formidable école de vie avec des valeurs de partage, d’entraide, de soutien, de respect, pour d’autres, il y a surtout la souffrance et le silence”. Ces mots, soigneusement choisis, font indéniablement écho au titre de l’ouvrage de Sarah Abitbol Un si long silence, publié jeudi dernier. La médaillée de bronze aux championnats du monde de Nice y explique pourquoi elle a dû attendre quasiment 30 ans pour parler. Rongée par la peur, elle a pu compter sur le soutien de son conjoint pour enfin se livrer. Ses révélations ont d’ailleurs été suivies par plusieurs autres, dont celle de l’ancienne patineuse Hélène Godard, qui accuse elle aussi Gilles Beyer de violences sexuelles. Une enquête pour viols et agressions sexuelles sur mineurs a d’ailleurs été ouverte ce mardi par le parquet de Paris à la suite de ces révélations.

“Trop souvent, parler, c’est risquer son avenir. Alors on rentre dans un système où même si l’on entend, on voit, on subit, on a pris l’habitude de se taire” écrivent les athlètes. “Nous souhaitons dire NON aux dirigeants. Il ne s’agit pas d’étouffer les faits pour protéger une organisation préserver l’image d’un club ou d’une fédération” poursuivent-ils. Un moyen, là encore, de faire directement pression sur le ministère des sports, mais aussi et surtout sur Didier Gailhaguet. Le patron du patinage français n’a pas encore dit s’il présenterait ou non sa démission. "La ministre ayant annoncé qu'elle mettait en place une inspection générale, le président de fédération que je suis attendra les résultats de cette inspection avant de prendre une décision sur une démission demandée par Madame la ministre", a-t-il déclaré M. Gailhaguet mardi soir en marge d'un bureau exécutif extraordinaire de la FFSG.
 

Sarah Abitbol dénonce les agressions sexuelles dans le patinage français

Prendre des mesures

En plus de dénoncer un système où le silence et la crainte prédominent, les 54 athlètes signataires ont accompagné leur discours de plusieurs propositions visant à protéger les sportifs, et à inciter à la parole. Ils demandent ainsi la mise en place d’une cellule d’écoute des victimes, indépendante des fédérations, et qui serait tenue de respecter “l’anonymat le plus complet”. “Nous proposons que des casiers et les antécédents judiciaires des bénévoles, des entraîneurs et des dirigeants de clubs et de fédérations soient systématiquement contrôlés, par une cellule neutre et indépendante” écrivent-ils. 

En effet, ce genre d’organisme n’existe pas au sein des différentes fédérations sportives. C’est ce qui pose problème aux athlètes d’autant que les faits dénoncés par Sarah Abitbol sont aujourd’hui prescrits. C’est la raison pour laquelle les membres du CAHN incitent également à l’adoption de “mesures législatives permettant la révocation de tout individu, quelque soit son statut, impliqué dans une affaire de violences sexuelles. Et l'interdiction à vie d’exercer des métiers au contact de la jeunesse”. Contraint de poser sa démission au début des années 2000, Gilles Beyer avait continué d’exercer au sein du club des Parisiens Volants, et n'avait pas été banni de la fédération.

Lire le document franceinfo : Tribune. "Il est temps de donner de la voix" : Nathalie Péchalat, Teddy Riner, Tatiana Golovin… 54 athlètes olympiques disent stop aux violences sexuelles dans le sport"

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