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Tour de France : mais à quoi correspondent les watts développés par les coureurs ?

De nombreux observateurs nourrissent des soupçons sur les performances des cyclistes, en se basant sur leur puissance exprimée en watts. Francetv info vous explique cette mesure. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Britannique Christopher Froome (Sky), lors de la 10e étape du Tour de France, mardi 14 juillet 2015. (JEFF PACHOUD / AFP)

C'est les watts qu'ils préfèrent. Jusqu'ici, dans le cyclisme, on parlait surtout de braquets et d'échappées. Mais cette année, les observateurs du Tour de France n'ont qu'un mot à la bouche : "watts". Loin de comparer les coureurs à de simples ampoules électriques, cette donnée est censée traduire la puissance des cyclistes dégagée lors des grandes étapes de montagne. Exprimées en chiffres, ces performances ont réveillé les soupçons sur le dopage au cœur du peloton.

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Une vidéo de Froome affole les compteurs

"Pour vous déplacer, vous fournissez une énergie, explique Antoine Vayer, ancien entraîneur de l'équipe Festina, contacté par francetvinfo. Elle exprime la manière dont vous pédalez. Cette donnée physique, exprimée en watts, permet d'évaluer la puissance que vous développez." Pour faire avancer le vélo, ladite puissance doit être supérieure à la force totale des résistances : air, frottement et gravité.

"Pour développer 100 watts, une personne doit soulever approximativement une charge de 10 kg à la vitesse de 1 m/s. Un enfant ou une personne âgée peuvent accomplir cette tâche", résumait le magazine La Preuve par 21, en 2013. Mais certains champions affolent parfois le compteur, à commencer par le maillot jaune actuel, Christopher Froome. Une vidéo, qui a récemment refait surface, livre les chiffres incroyables atteints par le Britannique lors de l'ascension du mont Ventoux en 2013 (données indiquées sous l'item "power"). Le compteur annonce ainsi jusqu'à 600 watts. Pour rappel, une personne développe 500 watts quand elle soulève 50 kg à la vitesse de 1 m/s. "Seuls certains sportifs de haut niveau peuvent développer cette puissance pendant une demi-heure", précise le magazine.

Ces indications, récupérées par Antoine Vayer, sont toutefois des "données brutes". "On ne sait pas comment a été paramétré le capteur. D'ailleurs, on sait que l'équipe Sky utilise un système de plateau qui peut sous-estimer ou sur-estimer la puissance, en fonction de ce paramétrage, explique le site ChronosWatts.com, contacté par francetv info. Mais les chiffres de la vidéo sont tout à fait plausibles et sont très proches des estimations de Frédéric Portoleau [un ingénieur et cycliste amateur qui s'est penché sur le sujet]."

"Davantage que la vitesse, c'est cette donnée de puissance qui est désormais utilisée par les coureurs professionnels pour s'améliorer à l'entraînement", explique Antoine Vayer. Cet intérêt est d'ailleurs ancien, puisque le premier capteur Schoberer Rad Messtechnik (SRM) a été conçu en 1986, précise Le Figaro. Aujourd'hui, la plupart des coureurs professionnels utilisent un SRM placé dans le pédalier.

Plusieurs méthodes tentent de décrypter la course

Mais Antoine Vayer et certains observateurs calculent également cette puissance de manière indirecte, à l'aide de paramètres détaillés en 2013 sur le site Cyclisme-dopage.com, parmi lesquels figurent le pourcentage de la pente, le poids du vélo ou la densité de l'air. "On peut surtout la calculer dans les cols. Cela permet de comparer les performances, qui ne sont plus jugées en vitesse, mais en puissance fournie."

"Entraîneur de Festina entre 1995 et 1998, j'étais l'un des premiers à utiliser la performance en watts-étalon (rapporté à un coureur "étalon" de 78 kg avec le poids de son vélo). Et j'ai pu voir les effets du dopage sur la puissance. En parlant avec Armstrong et d'autres, on sait bien que ce sont les produits dopants qui vous permettent de développer davantage de watts."

A l'aide de l'ingénieur Frédéric Portoleau, son modèle lui a permis de définir plusieurs seuils de performance : "suspicieux" (> 410w), "miraculeux" (> 430w) et "mutant" (> 450w). Et selon lui, les conclusions de son modèle laissent planer peu de doute : "On se rend compte que, pour le moment, 100% des 'mutants', 73% des 'miraculeux' et 50% des 'suspicieux' ont été contrôlés positifs", assure-t-il. 

La limite de ce modèle ? Les coureurs n'ont pas tous la même masse. "Pour une valeur de puissance en watt étalon à 400 W, un coureur de 60 kg devra développer peut-être 50 W de moins pour réaliser le même temps. Un coureur de 75 kg devra, lui, développer plus de watts", expliquait Frédéric Portoleau, au mois de juin. Certains privilégient donc un autre indicateur : le watt par kilo. Mais pour cette mesure, il faut connaître parfaitement la masse du coureur. Ce qui est quasiment impossible, puisqu'un cycliste peut perdre plusieurs kilos lors d'une étape.

Enfin, d'autres méthodes de calculs de la puissance ont été développées, notamment par le sulfureux docteur Michele Ferrari, suspendu à vie au début de l'été 2012 par l'agence américaine antidopage (Usada) pour son rôle auprès de l'équipe de Lance Armstrong, ou un passionné finlandais, qui publie ses résultats sur Twitter.

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