Thierry Roland rend l'antenne
"M. Foote, vous êtes un salaud !", s'écrie-t-il en direct. une phrase à son image. Sans concession et choquante, voire un brin vulgaire. "Institution" pour les uns, caricature du "beauf" pour les autres, aussi populaire que controversé, le journaliste et commentateur Thierry Roland, décédé à 74 ans, incarnait depuis 50 ans LA voix du football à la télévision française. Un profil qui, tout à la fois, plaisait et révulsait. Si beaucoup se reconnaissaient dans ce profil de "Français moyen" aux partis pris revendiqués et assumés -le tout saupoudré du zeste de mauvaise foi inhérent à chaque supporteur-, d'autres voyaient en lui une synthèse de tous les maux du football.
Certais lui reprocheront ses commentaires teintés de xénophobie et de préjugés dépassés. Les mêmes diront que d'autres commentaires manquaient de professionalisme et d'objectivité parce qu'ils étaient remplis d'une mauvaise foi pas très journalistique ou d'un excès de chauvinisme. Thierry Rolland avait l'art de dire ce qu'il pense au moment où il le pense sans se soucier du "qu'en dira-t-on". C'était domageable dans certains cas, voir condamnable. Cependant, la franchise des propos humaniser ses commentaires et reflétait la qualité des rencontres.
La disparition d'un monstre sacré du journalisme
13 Coupes du monde et 9 Euros
L'Euro 2012 devait signer le grand retour du duo mythique qu'il a formé avec Jean-Michel Larqué (plus de 700 match en duo!!), efondré ce samedi en apprenant le décès de son compagnon, alors qu'ils n'avaient plus commenté de grande compétition internationale depuis l'Euro 2004. Les deux compères s'étaient retrouvés brièvement pour commenter le match Roumanie-France comptant pour les éliminatoires de l'Euro 2012. Mais Thierry Roland avait dû renoncer le 13 juin, avant le match France-Ukraine, à commenter la compétition, n'étant pas totalement remis d'une opération liée à un calcul biliaire. "Si vous voulez tout savoir, il a regardé le match de l'équipe de France, et puis il s'est endormi, et il a fait un AVC vers 3 heures du matin, les médecins ont essayé de le réanimer et Thierry n'est jamais reparti. Voilà, c'est tout, c'est aussi simple que ça malheureusement", a affirmé son ami Jacques Vendroux; directeur des sports de Radio France, au micro de France Info, depuis Donetsk en Ukraine.
"L'opération s'est bien passée. Mais ça reste récent, et je suis encore en période de convalescence. Je suis courbatu, j'ai des petits spasmes à droite à gauche. Donc très sincèrement, je ne me sens pas le courage d'aller en Ukraine", avait expliqué le commentateur sportif. Il avait estimé que "ça ne serait pas raisonnable d'aller en Ukraine où il n'y a pas de grosse médecine au cas où il m'arriverait quelque chose". En près de 60 ans de carrière, le journaliste, aussi populaire que controversé pour ses débordements verbaux et ses saillies franchouillardes, a commenté au final 13 Coupes du Monde et 9 Championnats d'Europe des Nations. Un palmarès exceptionnel tant il semblait quasi-charnellement lié à l'équipe de France et aux grandes rencontres européennes (il en a commenté plus de 1.300 depuis le Mondial de 1962 ).
Thierry Roland, qui a appris à lire dans le quotidien sportif L'Equipe, avait entamé sa carrière à la RTF (Radiodiffusion télévision française) en 1955 avant, cinq ans plus tard, de rejoindre l'ORTF (Office de radiodiffusion télévision française). En 1968, il fit partie des "gauchistes" renvoyés de l'ORTF par le pouvoir gaulliste. Un comble pour celui qui n'a jamais caché son penchant pour la droite, nostalgique de l'Algérie française et partisan du rétablissement de la peine de mort pour les tueurs d'enfants, de personnes âgées et de policiers. Après une parenthèse de six ans à France-Inter (1969-1975), il revient à la télévision, sur Antenne 2 où officient ses maîtres, Roger Couderc et Robert Chapatte. Et c'est en 1976 qu'il commence à bâtir sa notoriété, traitant un arbitre de "salaud", disant tout haut ce que beaucoup de téléspectateurs pensent tout bas.
Une voix, des saillies et des controverses
Voix légendaire du football à la télévision et de l'équipe de rance, Rolland devait une grande partie de sa réputation à ses "petites phrases" qui, lâchées en direct à l'antenne, ont souvent nourri la polémique. La première remonte au 9 octobre 1976, lorsque, pendant un match de l'équipe de France contre la Bulgarie, à Sofia, il s'en prend violemment à l'arbitre écossais qui a sifflé un penalty en faveur des Bulgares. "M. Foote, vous êtes un salaud !", s'écrie-t-il en direct. Furieuse, la chaîne, Antenne 2, veut le sanctionner, mais recule face à la réaction des téléspectateurs qui envoient des lettres de soutien par centaines.
En 1986, lors du quart de finale du Mondial entre l'Angleterre et l'Argentine, il s'offusque du but de la main accordé à Maradona et prend à témoin Jean-Michel Larqué: "Honnêtement, Jean-Michel, ne croyez-vous pas qu'il y a autre chose qu'un arbitre tunisien pour arbitrer un match de cette importance ?". La phrase fait scandale et ses propos sont qualifiés de "racistes" et sorti de son contexte. Il s'en excusera ensuite auprès de la Tunisie et de l'arbitre, M. Ali Bennaceur, se défendant d'être xénophobe. Mais l'homme est incorrigible, et en 2002, lors d'un match entre la Corée du Sud et la France, il pouffe de rire à l'antenne et provoque une nouvelle polémique: "Il n'y a rien qui ressemble plus à un Coréen qu'un autre Coréen, surtout habillés en footballeurs, d'autant qu'ils mesurent tous 1,70 m, qu'ils sont tous bruns, à part le gardien".
Ringard peut-être, aspectisé surement pas
Mais Thierry Roland passera aussi à la postérité pour ses saillies drôlatiques comme ce "fauché comme un lapin en plein vol", ou ce "ces deux là ne passeront pas les vacances ensemble". "Has been" ou presque, face à la nouvelle génération de commentateurs sportifs, formés notamment à l'école Canal +, Denis Balbir en tête, Thierry Roland avait été "déringardisé" par la même chaîne, via les Guignols. Le "Tout à fait Thierry" de "Jean Mi-Mi" était même devenu culte et les noms des deux hommes étaient chantés dans les stades.
Commentaire populaire par excellence, ses phrases maladroites et teinté de xénophobie ne masquait pas cependant un professionnalisme sans borne au micro et un franc parler souvent bienvenu qui tranche avec l'aseptisation des commentateurs actuels. Son commentaire le plus émouvant restera sa phrase juste après la victoire de la France face au Brésil en finale de la Coupe du monde en 1998: "je crois qu'après avoir vu ça, on peut mourir tranquille ! Enfin, le plus tard possible. Ah ! c'est superbe ! Quel pied ! Oh putain !". Il aura vécu 14 ans de plus. "Je veux mourir le plus tard possible, après une finale France-Allemagne" avait-il déclaré avant le début de l'Euro. Aux Bleus de jouer.. (Avec AFP)
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