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Wimbledon 2023 : Varvara Gracheva, la pépite tombée du ciel pour la France

La 43e mondiale et numéro 2 tricolore débute mardi son premier Grand Chelem sous les couleurs françaises.
Article rédigé par Luc Sares
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Varvara Gracheva a disputé sur gazon ses premiers tournois en tant que Française. (WOLFGANG KUMM / AFP)

Sur le tableau d’affichage du All England Club, la mention FRA apparaîtra à côté de son nom. Opposée à l'Italienne Camila Giorgi, Varvara Gracheva va disputer, mardi 4 juillet à Wimbledon, son premier match en Grand Chelem sous les couleurs françaises depuis que sa demande de naturalisation a été officiellement acceptée le 25 mai dernier. Une “normalité” selon les dires de Jean-René Lisnard, qui la supervise à l’Elite Tennis Center de Cannes depuis maintenant 6 ans.

Pour Varvara Gracheva, tout a commencé à Zhukovsky, une petite ville à côté de Moscou. C’est avec sa mère, professeure de tennis, qu’elle apprend à jouer. Ambitieuse pour sa fille, sa mère l’emmène à l’Ouest pour bénéficier de meilleures structures. En Floride, en Allemagne puis au Portugal, avant de mettre les voiles sur la Côte d’Azur, à l’Elite Tennis Center où s’entraîne déjà Daniil Medvedev, futur n°1 mondial.

Une acclimatation difficile

“On a vu débarquer une gamine de 16 ans avec les cheveux rouges, un peu sur une autre planète”, se rappelle Philippe Rome, qui fait partie de la direction du centre. À Cannes, l’adolescente arrive en mars 2017 sur la pointe des pieds. “Au départ elle était timide et un peu fermée, elle n'avait pas très envie. Elle était attachée à son entraîneur et elle n'était pas très contente de la décision de sa mère”. La joueuse ne veut pas de cet exil forcé à quelques encablures de la mer. Et les débuts sont compliqués.

“Je me plaignais sans cesse, je jetais ma raquette, raconte-t-elle à L'Équipe en avril. Je pensais qu'on allait me virer du centre. Je me souviens encore, j'étais sur le court 7, Gilles [Cervara, le coach de Daniil Medvedev] était venu me voir pour prendre des nouvelles, et j'avais commencé à pleurer... C'était l'enfer”, confie la joueuse.

Varvara Gracheva avec Jean-René Lisnard, un de ses deux entraîneurs à l'Elite Tennis Center à Cannes, le 2 décembre 2017. (Philippe Rome)

Ses débuts étaient un peu atypiques, se remémore Jean René-Lisnard qui la prend alors sous son aile. Au début, elle frappait un peu dans tout ce qui bougeait, elle jouait un peu n’importe comment. C’était une bonne joueuse, mais rien d’extraordinaire”, conclut-il.

Le déclic arrive en 2018 après une bonne préparation hivernale. La jeune Russe commence à s’acclimater à son pays d’accueil et sa volonté de travailler plaît. “Elle ne loupe pas un entraînement, elle est là tous les jours, elle est régulière dans l’effort, qu’elle gagne ou qu’elle perde elle vient”, apprécie Jean-René Lisnard. 

Discrète et travailleuse, Varvara Gracheva ne fréquente pas beaucoup les réseaux sociaux. Elle qui ne parlait pas du tout français apprend la langue et commence à comprendre “l’humour à la française”. “Je peux parler infiniment de nourriture, aussi”, plaisante-t-elle dans Libération en mai. Sur sa terre d’adoption, elle se sent bien. Au point de lancer le processus de naturalisation française, il y a maintenant quatre ans, bien avant le début de la guerre en Ukraine.

“Elle habite ici depuis très longtemps. Elle paye ses impôts en France, c’est une continuité dans son projet, dans sa vie.”

Jean-René Lisnard, directeur de l'Elite Tennis Center

à franceinfo: sport

Un besoin aussi de ne plus se sentir étrangère dans le pays où elle vit, pour celle qui est désormais “pratiquement bilingue”, selon Philippe Rome qui l’a accompagnée dans ses démarches administratives.

Une joueuse en pleine progression

Dans le même temps, la jeune joueuse progresse et intègre le top 100 en 2020. Elle qui pouvait s’énerver facilement apprend à gérer ses émotions, comme lorsqu'elle renverse Kristina Mladenovic au deuxième tour de l'US Open après avoir été menée 6-1, 5-1. Elle n'a que 20 ans. Si la terre battue reste sa surface de prédilection, c’est sur le dur qu'à 22 ans, elle franchit un palier avec notamment trois victoires en 2023 sur des membres du top 10 (la 8e mondiale Daria Kasatkina à l’Open d’Australie et à Indian Wells, et la 5e mondiale Ons Jabeur à Miami). “Son jeu, c’est un peu un rouleau compresseur, elle est capable de tenir la balle dans le terrain en allant assez vite”, décrypte Jean-René Lisnard qui l’a entraînée pendant quatre ans.

Désormais sous la houlette de Xavier Pujo, cette attaquante de fond de court au jeu agressif aborde son deuxième Wimbledon - elle avait été privée en 2022 à cause de sa nationalité russe - avec plus de certitudes qu’en 2021, où elle n’avait “rien compris” selon ses propres termes rapportés par le Journal du Dimanche. La semaine dernière, la 43e mondiale a remporté ses deux premières victoires sous les couleurs de la France sur l’herbe de Bad Homburg. Selon Philippe Rome, elle “a toutes les qualités pour s’adapter au gazon.

"Honnêtement tout est envisageable, prévient Jean-René Lisnard. Elle peut perdre au premier tour, elle peut aller au bout. Elle est capable de battre quasiment tout le monde. La difficulté, c’est de jouer plusieurs matchs de suite de haut niveau, c’est ça qui est dur”, analyse le directeur du centre. Le nouveau palier à franchir pour celle qui espère disputer dans un an les Jeux, dans son pays d’adoption.

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